Quand ils stressent, les hommes préfèrent les rondes
En anglais, langue charmante, cela donne “The Impact of Psychological Stress on Men's Judgements of Female Body Size”. Tout est dit dans ce titre de la publication d’une étude britannique publiée sur le site de la revue PLoS ONE. Quant à l’article, il conclut en substance à l’appétence des hommes (hétérosexuels) pour les femmes corpulentes, voire en surpoids. Selon les auteurs britanniques de ce travail, ce phénomène aurait à voir avec une quête de «sécurité environnementale» chez les hommes stressés. L’affaire est a priori suffisamment originale pour que l’on se penche sur son contenu.
La publication est signée de Viren Swami ( Department of Psychology, University of Westminster, HELP University College, Kuala Lumpur)et Martin J. Tovée (Institute of Neuroscience, Newcastle University, Newcastle-upon-Tyne). Les deux auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt. La théorie de la «sécurité environnementale» fait valoir que les hommes «en période de stress» seraient plus «attirés» par des femmes plus corpulentes, ces dernières évoquant du fait même de leurs rondeurs des formes de recours potentiel et de sécurité dans les moments difficiles. Les auteurs ajoutent que cette théorie va jusqu’à suggérer que l’idéal féminin est tout en rondeurs (prononcez curvy) en période de crise économique et tout en longueur (champi-like) en période de croissance. En élargissant le propos, on pourrait aussi associer ici rondeur et blondeur (1).
Des réserves en période de crise
Disons-le autrement : quand l’accès aux ressources vitales devient plus aléatoire, corpulence et accès à la nourriture seraient en quelque sorte plus ou moins inconsciemment associés. Coffre-fort calorique la graisse devient de l’or. Sans doute est-ce le même réflexe qui voit les humains stocker des bouteilles d’huile (et du sucre) à l’annonce d’une possible disette. Pour les auteurs, «la graisse corporelle est un facteur prédictif fiable de la disponibilité alimentaire».
Vrai ou pas, on pourrait parier chez les bookmakers que cette adéquation entre les formes féminines et le stress des chasseurs mâles ne soit guère du goût des gardiens du temple moderne de la parité. La théorie pourrait en revanche faire –si elle n’est pas déjà connue- le bonheur des marchands de mode et des magazines féminins qui vivent de ce commerce.
Comment en parvient-on à une telle conclusion? Pour leur expérience, les auteurs ont recruté quatre-vingt un étudiants hétérosexuels (auto-déclarés) masculins, âgés en moyenne de vingt-deux ans. Après épreuve de la courte-paille, ils ont été assignés soit au groupe «stress» (quarante-et-un), soit au groupe témoin (quarante). Les participants du premier groupe ont été stressés de manière intensive durant un quart d’heure. Suffisamment pour qu’une réponse psycho biologique objective (niveaux de cortisol) soit enregistrée. Comment deux psychologues stressent-ils aujourd’hui un étudiant britannique âgé en moyenne de vingt-deux ans? En le transformant en demandeur d’emploi devant un micro et face à quatre personnes et en lui demandant d’effectuer des tests de calcul mental le plus rapidement possible.
Vingt minutes plus tard, le cobaye en est à son pic de stress biologique. Vous l’invitez alors à se mettre à table pour remplir une échelle de notation sur ses préférences intimes quant à la corpulence des femmes. Pour ce faire, vous disposez d’une échelle comportant dix photographies, images standardisées de femmes vues de face, avec des tailles correspondant à des indices de masse corporelle (IMC) allant de ce qu’il faut bien appeler la maigreur jusqu’à un enrobage atteignant l’obésité.
Crise ou pas, le corps maigre n’est jamais préféré
Conclusion: les faveurs des hommes «sous pression» vont de manière statistiquement significative vers des IMC féminins au dessus de la normalité hygiéniste. Et les jeunes hommes du groupe non stressé ne manifestent nullement d’attirance spontanée pour cette fourchette de corpulence. On observera toutefois qu’il n’y a pas de différence entre les deux groupes quant à la minceur minimum attrayante chez une femme. Qu’on se le dise : qu’ils soient stressés ou pas, les jeunes hommes (hétérosexuels et britanniques) ne considèrent pas les corps (féminins) trop minces comme remplissant les canons de l’esthétique.
Le site français santelog.com rapporte qu’à peine les conclusions de cette étude connues, certains médias britanniques sont allés, en plaisantant, jusqu’à prodiguer des conseils: inviter, en ces temps de crise, les femmes en quête d’un cœur (masculin) à prendre quelques kilogrammes supplémentaires. Il convient néanmoins de rappeler que ce conseil ne vaut que pour les femmes à la recherche d'un homme dont les nerfs sont en permanence à vifs. On en trouverait à la pelle aujourd’hui, dit-on, dans le quartier de la City.
Question relative à la parité : qui conduira l’enquête visant à cerner les évolutions des appétences corporelles féminines en temps de crise économique mondialisée? C’est là une question de santé publique. Et d’actualité.
(1) Cette publication pourra être rapprochée, en mode inversé, au célèbre film Les hommes préfèrent les blondes. (Gentlemen Prefer Blondes). On rappellera ici aux plus jeunes qu’il s’agit d’une comédie musicale signée Howard Hawks datant du début des Trente Glorieuses (expression créée par l’économiste français Jean Fourastié, 1907-1990). L’action se situe dans le milieu des danseuses américaines de revues. Opposition totale entre les caractères des deux vedettes: Lorelei Lee et Dorothy Shaw. Lorelei, blonde naïve, n'a d’appétence naturelle que pour les hommes riches et le mot «diamant». Dorothy, brune et tout sauf naïve, tombe toujours amoureuse d'hommes honnêtes mais peu fortunés. Lorelei est joué par Marylin Monroe dont on célèbre actuellement le cinquantenaire de la disparition tragique (à lire: «Marylin, dernières séances» de Michel Schneider, Editions Grasset).
Psychologues, cinéphiles et économistes observeront que le titre complet de ce film, sorti en 1953, était Howard Hawks' Gentlemen Prefer Blondes. Il s’agissait en effet d’un remake d'un film muet homonyme de Malcolm St. Clair, Gentlemen Prefer Blondes.Ce dernier était sorti en 1928. Soit, on le sait, précisément un an avant 1929 et ce qui survint cette année-là.