Paralysie cérébrale: un «stéthoscope du mouvement» pour mieux traiter les enfants atteints
La technologie ne se borne pas à offrir aux enfants souffrant de paralysie cérébrale des engins aidant à la marche ou des fauteuils roulants sophistiqués. Elle peut aussi contribuer à améliorer leur prise en charge thérapeutique et le suivi de leur traitement. C’est la piste que suivent trois équipes du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui ont entrepris d’utiliser l’électronique pour élaborer un dispositif inédit, permettant d’observer la marche de l’enfant non pas dans le contexte restreint de l’hôpital, mais dans ses activités quotidiennes.
Deux nouveau-nés sur mille
La paralysie cérébrale, qui se manifeste au cours de la première année de vie, est le handicap moteur le plus fréquent chez l’enfant: elle touche chaque année deux nouveau-nés sur mille en Suisse. Elle peut affecter l’ensemble du corps ou seulement l’une de ses parties, mais dans tous les cas, elle entrave les mouvements des petits et limite leurs activités quotidiennes. «Toute atteinte dans le développement cérébral précoce qui affecte le centre de commande de la motricité peut conduire à ce tableau clinique», précise Christopher Newman, médecin-adjoint à l’unité de neuropédiatrie et neuroréhabilitation pédiatrique du CHUV.
Dès les premières manifestations de la paralysie cérébrale, les enfants bénéficient d’une réhabilitation – qui peut durer jusqu’à l’âge adulte. Le traitement fait appel à la physiothérapie, à l’ergothérapie, mais aussi à l’utilisation de moyens auxiliaires aidant à la marche ou au déplacement et même parfois à des médicaments ou à la chirurgie orthopédique. «Il vise à permettre à chaque enfant d’atteindre l’optimum de sa fonction motrice», souligne Christopher Newman. De fait, actuellement, deux jeunes patients sur trois parviennent à développer une marche fonctionnelle, de manière autonome ou grâce à un déambulateur.
Pour décider du traitement le mieux adapté à chaque cas, les thérapeutes observent leur jeune patient dans un contexte clinique, notamment dans des laboratoires d’analyse du mouvement. C’est cela qui pose problème. «De manière involontaire, les enfants ont tendance à vouloir montrer ce qu’ils savent faire de mieux», commente Christopher Newman, coordinateur du projet. Les résultats des examens ne reflètent donc pas fidèlement les performances des petits dans leur vie quotidienne.
Capteurs miniaturisés
Pour obtenir des mesures objectives et fiables de leurs mouvements dans leurs activités de tous les jours, les chercheurs lémaniques ont entrepris d’élaborer un dispositif que l’enfant portera sur lui pendant quelques jours. «Pas plus gros qu’une boîte d’allumettes selon le médecin du CHUV, il intégrera des capteurs miniaturisés analysant le mouvement. Notamment un accéléromètre et un gyroscope 3D, «qui détermineront à tout moment l’orientation et les mouvements du boîtier dans l’espace», et un baromètre très précis «qui mesurera la transition entre les positions assise et debout». Il pourra aussi inclure un GPS qui permettra de savoir si l’enfant est à la maison, à l’école ou sur une aire de jeu. Un algorithme, conçu par l’équipe d’Anisoara Paraschiv-Ionescu du Laboratoire de mesure et d'analyse des mouvements de l’EPFL, traitera ces données brutes et les traduira en informations utiles pour les thérapeutes. Ceux-ci pourront alors mieux orienter la prise en charge de l’enfant et suivre l’efficacité de son traitement.
Facile à utiliser
Le projet vient de démarrer et, une fois la technologie mise au point, elle sera d’abord validée sur un groupe d’enfants par le Laboratoire de cinésiologie des HUG, dirigé par Stéphane Armand, qui comparera ses données à celles obtenues au laboratoire de marche. Puis elle sera testée au CHUV, sur le terrain, dans ses conditions réelles d’utilisation. Au total, une septantaine d’enfants participera à cette étude.
Si les résultats sont concluants, ce nouvel outil pourra être utilisé pour la réhabilitation des enfants atteints d’une paralysie cérébrale, mais aussi pour la prise en charge des personnes âgées ou d’adultes portant des prothèses. L’objectif des chercheurs est d’en faire un outil de routine, «facile à utiliser par les thérapeutes» qui disposeront ainsi, conclut Christopher Newman, d’une sorte de «stéthoscope du mouvement».