Il n’y a pas d’âge pour «muscler» son cerveau

Dernière mise à jour 10/02/25 | Article
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Entraîner ses neurones, jour après jour, dès l’enfance, est le meilleur moyen de préserver ses facultés cognitives au fil du temps.

Non, le cerveau n’est pas un muscle, mais oui: il est possible de l’entraîner afin qu’il reste efficace et que nos facultés diminuent le moins possible en prenant de l’âge. «Le cerveau se développe tout au long de la vie. La plasticité cérébrale (autrement dit la création de connexions entre les neurones et donc la capacité à apprendre, notamment, ndlr) est certes particulièrement intense pendant l’enfance et l’adolescence, mais elle ne s’arrête jamais. Et cela est d’autant plus vrai si l’on stimule ces neurones même à un âge avancé», explique Christian Chicherio, neuropsychologue au Centre de la mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). 

Apprendre une nouvelle langue, se lancer dans la pratique d’un instrument de musique (lire encadré), commencer la danse ou tout autre sport sont autant de moyens de faire travailler les neurones et donc de stimuler les facultés cognitives. «Les stimulations intellectuelles, comme lire ou aller au théâtre par exemple, sont très bonnes pour maintenir le cerveau "éveillé". Les interactions sociales le sont également. Ainsi, le fait d’aller voir une exposition avec des amis ou de réagir aux émotions de l’autre est aussi bénéfique. Par ailleurs, toutes les activités multidimensionnelles (qui impliquent des déplacements, de la coordination, entre autres, ndlr) et multisensorielles sont excellentes. Ainsi, la danse ou l’apprentissage d’un instrument sollicitent simultanément différentes zones cérébrales et sont donc très efficaces pour prévenir le déclin cognitif. Une étude a par exemple montré que la pratique régulière du tango par des personnes souffrant de la maladie de Parkinson permet d’améliorer leur état de santé», explique le Pr Gilles Allali, directeur du Centre Leenaards de la mémoire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). 

Dès l’enfance

Si l’enfant et l’adolescent n’ont, a priori, pas besoin d’améliorer leur mémoire, ils doivent faire travailler leurs neurones pour renforcer leurs apprentissages. «L’éducation protège contre le déclin cognitif. Apprendre stimule le cerveau, mais pour que cela soit vraiment efficace, il faut que l’enfant ait du plaisir et qu’il trouve un sens à ce qu’il entreprend. Les jeux vidéo sont aussi un bon outil pour développer les capacités cognitives, car ils obligent à réagir vite, à réfléchir. Ils ne sont donc pas à bannir. Cependant, le cerveau a besoin de faire des pauses et s’ennuyer de temps en temps est bénéfique», précise Christian Chicherio. 

Quel que soit l’âge, inutile d’entreprendre mille activités chronophages ou coûteuses pour rester alerte. «La vie de tous les jours est un véritable laboratoire et faire les choses que l’on aime permet de maintenir le cerveau en forme. À l’inverse, les capacités cognitives déclinent vite si on ne sollicite pas ses propres ressources», poursuit le neuropsychologue. Christian Chicherio insiste également sur le fait de prendre le temps de porter son attention sur ce que l’on fait, plutôt que de courir d’une chose à une autre. Il précise: «En prenant de l’âge, pour entretenir sa mémoire, il est possible de s’aider en verbalisant les tâches à accomplir et en les visualisant. Cela aide à consolider les informations et à se les rappeler.» Ainsi, par exemple, se dire à voix haute que l’on doit passer à la boulangerie et ce que l’on doit y acheter, visualiser le lieu, comment s’y rendre, aide à garder tout cela en tête. 

Éléments protecteurs

Limiter les facteurs de risque du déclin cognitif joue également un rôle important. «L’alcool et le tabac augmentent ces risques alors qu’une alimentation équilibrée et l’activité physique les limitent», précise le Pr Allali. Un sommeil suffisant et de bonne qualité est aussi un élément protecteur. Enfin, l’audition n’est pas à négliger. «Alors qu’il apparaît totalement naturel de porter des lunettes lorsque la vue décline, il est plus difficile de sauter le pas de s’équiper d’appareils auditifs lorsque l’on entend moins bien. Pourtant, la perte auditive favorise le déclin cognitif car la personne intègre moins efficacement les informations et elle a également tendance à se retirer de la vie sociale», alerte Christian Chicherio.

Apprendre un instrument freine le déclin cognitif

Il est désormais prouvé que la pratique musicale présente bien des atouts pour le cerveau. Clara James, professeure à la Haute école de santé de Genève (HETS) et à l’Université de Genève (UNIGE), a mené une étude[1] sur 150 personnes âgées non musiciennes, en collaboration avec l’UNIGE, l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et deux universités allemandes. «Nous avons montré que l’apprentissage du piano et, dans une moindre mesure, la sensibilisation à la musique améliorent l’audition dans le bruit, la mémoire verbale et la mémoire de travail. Ces pratiques renforcent également la matière grise (partie du cerveau contenant les neurones et notamment responsable des fonctions cognitives, ndlr) dans certaines zones clés du cerveau. Chez les pianistes, la dextérité manuelle s’est accrue et l’amygdale, zone qui régule les émotions, s’est élargie, améliorant le bien-être», explique la chercheuse. 

Une autre recherche que la Pre James a dirigée avec la HETS, l’UNIGE, les HUG et le CHUV s’est penchée sur des patients avec déclin cognitif léger. Pour l’étude, ces derniers ont été séparés en deux groupes: l’un a appris le tambour à languettes, l’autre a fait de la psychomotricité. Le résultat? Les musiciens ont amélioré la mémoire à court terme, la fluence verbale, l’audition dans le bruit et la dextérité manuelle. L’autre groupe a, quant à lui, présenté des progrès au niveau de l’équilibre corporel, réduisant le risque de chute. Associer la pratique musicale et les exercices physiques semble ainsi être la combinaison gagnante pour renforcer les compétences déclinant avec l’âge.

[1] https://data.snf.ch/grants/grant/170410

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