L’impact démontré des voix de «crooners» sur les tympans féminins
Ecoutez un instant. L’un des plus célèbres crooners clame avec une voix inimitable qu’une femme n’est plus amoureuse de lui. Une telle situation est-elle possible? On peut en douter. Crooner? Le terme vient de to croon, dont le sens se situe entre fredonner et roucouler. «Crouner» en quelque sorte et en français. Nous sommes ici dans le registre du chanteur de charme. Un registre généralement méditerranéen – avec ses déclinaisons d’outre-Atlantique.
Le crooner c’est la gestuelle, la posture, la mise, le velours du regard, le vernis de la chaussure, le blanc de la chemise, la caresse supposée des mains, la chute lombo-sacrée. Mais c’est aussi, et surtout, une voix. Dans les graves de préférence. Une voix à se pâmer voire à se damner. Pourquoi?
Risque d’infidélité
C’est précisément le sujet qui passionne quelques chercheuses et chercheurs1 de l’Université canadienne McMaster, travaillant dans les départements de psychologie, neurosciences et comportement. Ils viennent de publier les résultats de leurs derniers travaux dansla revue Personality and Indivual Differences2. Et à cette occasion ils nous éclairent sur le rôle que peut jouer la voix dans le choix, à court et long terme, du partenaire sexuel.
Pour résumer, une voix mâle grave évoque, pour les femmes, un homme à la fois plus séduisant mais aussi plus infidèle. Sans que l’on puisse préciser s’il y a là une relation de cause à effet. Les chercheurs ont évalué les préférences de 87 femmes pour différents timbres de voix masculines – des voix manipulées par un système électronique. Une recherche de psychologie qui portait aussi sur la perception du risque d’infidélité.
Relations durables ou pas
L’équipe canadienne constate, schématiquement, que les femmes préfèrent les hommes à voix grave dans le cadre d’une relation occasionnelle. Des voix perçues donc comme plus séduisantes et plus viriles, mais aussi nettement plus évocatrices d’infidélité et de mensonges dans l’optique de relations plus durables (le mariage au tout premier chef).
Les hommes pourront voir là un paradoxe: plus les femmes pensent qu’un homme est susceptible d’être infidèle plus elles sont attirées par lui (du moins dans le cadre d’une relation «occasionnelle»). Corollaire: lorsque les chercheurs demandent aux participantes de choisir la voix qu'elles pensent la plus adaptée à une relation de long terme, les préférences vont vers des timbres moins graves.
Les auteurs font ici l’hypothèse d’un «mécanisme de protection». Choisir une voix a priori moins immédiatement séduisante (moins grave, donc) réduirait le risque de l’infidélité (masculine). Et le cortège de ses conséquences plus ou moins graves, affectives ou matérielles. Tout se passe comme si la voix grave renvoyait inconsciemment à une image de la virilité-séductrice. Elle-même renvoyant au postulat de l’incapacité masculine à la maîtriser et donc à l’infidélité.
1. Jillian J.M. O’Connor, Katarzyna Pisanski, Cara C. Tigue, Paul J. Fraccaro et David R. Freinberg.
2. Un résumé (en anglais) de cette publication est disponible ici.