Epidémie de diabète: une bataille sur tous les fronts
Une maladie de «riches» dans les pays pauvres et une maladie de «pauvres» dans les pays riches. Qui suis-je? Le diabète. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette maladie chronique touche quelque 350 millions de personnes dans le monde, a tué 3,4 millions de personnes en 2005 et, selon les projections, le nombre de décès va doubler entre 2005 et 2030. En Suisse, on estime que 5% de la population est concernée, soit 400 000 personnes. Autre constat: de plus en plus d’adolescents voire d’enfants sont touchés.
75% des diabétiques décèdent d’une maladie cardiovasculaire
Le diabète est une affection chronique qui apparaît lorsque le pancréas ne produit pas d’insuline (diabète de type 1) – l’hormone qui régule la concentration de sucre dans le sang – ou que l’organisme n’utilise pas correctement l’insuline qu’il produit (diabète de type 2). Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune (le système immunitaire réagit à une substance normalement présente dans l’organisme) qui se déclare en général avant 20 ans. De cause inconnue, elle se soigne par des injections d’insuline et un plan alimentaire personnalisé. Celui de type 2, représentant 90% des diabètes, touche les gens en surpoids (l’excès de graisse empêche l’insuline d’alimenter les tissus) et se traite via un régime, des comprimés antidiabétiques, voire parfois de l’insuline.
Problème de santé publique majeur
«Nous sommes en pleine explosion du diabète de type 2 car, s’il existe une prédisposition génétique, les trois principaux facteurs de risque sont l’âge, le surpoids et la sédentarité. Or, d’une part, le vieillissement de la population s’accentue ; d’autre part, le surpoids et l’obésité touchent toujours davantage de personnes. En Suisse, 37% de la population adulte et 20% des enfants sont en surpoids. Cette prévalence devrait augmenter dans les années à venir. C’est un problème de santé publique majeur», relève le Pr Jacques Philippe, médecin-chef du service d’endocrinologie, diabétologie, hypertension et nutrition. Et la progression du diabète de type 1? «Plus difficile de l’expliquer. Une hypothèse serait l’augmentation du degré d’hygiène et une diminution de l’exposition aux virus durant l’enfance», répond le diabétologue.
Comme les symptômes du diabète de type 2 ne sont ni vraiment spécifiques, ni alarmants, on ne consulte pas forcément son médecin. Raison pour laquelle il est trop souvent dépisté tardivement même si les signes de la maladie sont connus: soif et envie d’uriner fréquentes; augmentation de l’appétit qui peut s’accompagner d’une perte de poids; fatigue, douleurs diffuses ou fourmillements; baisse de la vue. «Un diabète de type 2 pris en charge tôt peut être réversible», insiste le Pr Philippe. Par contre, s’il n’est pas traité, il entraîne des problèmes graves. L’hyperglycémie, soit une concentration élevée de sucre dans le sang, provoque avec le temps des lésions des pieds et des yeux, des reins et des nerfs ou encore des problèmes cardiovasculaires (infarctus, attaque cérébrale). «Le patient diabétique a deux à quatre fois plus de risque de faire une grosse complication cardiovasculaire qu’un non diabétique. De plus, 75% des diabétiques décèdent d’une maladie cardiovasculaire», précise le Pr Philippe.
Hygiène de vie
Des solutions pour enrayer l’épidémie existent. «C’est un problème comportemental: il faut trouver des stratégies pour ne pas prendre du poids et dépenser de l’énergie. En théorie, cela devrait se résumer à des conseils d’hygiène de vie : bouger régulièrement et s’alimenter de manière saine et équilibrée », souffle le diabétologue avant d’ajouter: «Mais notre mode de vie, qui mêle stress professionnel et familial, solitude, individualisme forcené et consommation d’aliments gras en abondance, favorise plutôt l’inverse.»
Face à cette maladie sociétale, les HUG proposent une stratégie multidisciplinaire faisant intervenir autour du patient non seulement le diabétologue, mais également le spécialiste en éducation thérapeutique, le néphrologue, le podologue, l’ophtalmologue, le diététicien voire le psychiatre. De plus, les HUG sont un des leaders mondiaux dans la transplantation cellulaire d’îlots de Langerhans qui traite le diabète de type 1 et mènent plusieurs recherches cliniques dans le domaine.
Des soins standardisés
Pour améliorer la qualité des soins, des itinéraires cliniques ont été introduits aux HUG, notamment pour la chirurgie de la cataracte ou l’insuffisance cardiaque et bientôt pour le diabète. Cette approche est particulièrement pertinente lorsque le volume de patients est élevé et les intervenants nombreux. D’où l’intérêt de proposer aux personnes diabétiques des soins standardisés. Un itinéraire clinique est ainsi en phase de test depuis plusieurs mois auprès d’une vingtaine de personnes suivies par le service de médecine de premier recours (SMPR). «Notre objectif est d’analyser les soins qui existent et n’ont pas forcément de liens pour les organiser et les harmoniser afin que les patients bénéficient de la même qualité de prise en charge quelle que soit leur histoire personnelle », explique la Dre Anbreen Slama, cheffe de clinique au SMPR et cheffe de projet.
En effet, aux côtés du médecin de premier recours gravitent un grand nombre de spécialistes qui se réunissent deux fois par mois. «Nous discutons de façon concertée d’un objectif commun pour le patient», relève la Dr Slama. En 2013, l’itinéraire clinique définitif comprendra également un dossier informatisé de suivi ambulatoire du patient diabétique avec notamment tous les contrôles réguliers nécessaires (examen du fond de l’œil, des pieds, des reins).
Pulsations - novembre-décembre 2012
Article original: http://bookapp.fr/api/hug/viewer/viewer.php?mag=HUGE_12B#11