Maladies chroniques et explications socioculturelles

Dernière mise à jour 20/12/11 | Article
Mesure du diabète
Les maladies chroniques peuvent être étudiées sous un angle social et pas uniquement biologique. Pour certains chercheurs, une approche socioculturelle du soin se doit s’être proposée pour lutter contre le diabète, pandémie en constante augmentation dans le monde.

Quand on parle maladie chronique, on pense souvent diabète. Selon la Fédération internationale du diabète, il y avait 285 millions de diabétiques dans le monde en 2010, dont 90% souffrant du diabète de type 2, appelé aussi diabète sucré. C’est une affection caractérisée par l'augmentation du taux de sucre dans le sang (la glycémie) lié à un mauvais fonctionnement de la sécrétion d'insuline ou à une absence d'insuline. Celle-ci est une hormone sécrétée par des cellules du pancréas qui a pour rôle de maintenir un bon taux de glycémie. 90% des diabétiques souffrent d’un diabète de type 2.  Les projections pour 2030 sont  impressionnantes, avec environ 440 millions de diabétiques (estimation: une personne sur 10 sera touchée selon l’ADA). Les continents les plus touchés seraient l’Amérique latine, l’Afrique et  l’Asie. Ces régions se caractérisent par une grande disparité au niveau des conditions nutritionnelles, sanitaires et sociales.

L’importance du changement de style de vie

Plusieurs théories tentent actuellement d’expliquer cette pandémie de diabète. Celle qui domine affirme que les changements du style de vie, comme la sédentarisation combinée à une alimentation plus riche en graisses et en hydrates de carbone, sont la cause principale de la hausse de la maladie. Ces changements seraient particulièrement lourds de conséquences pour les populations dont l’adaptation aux conditions environnementales aurait  privilégié la sélection de gènes de survie favorisant le stockage énergétique. Inadaptés aux nouveaux modes de vie, ces profils génétiques joueraient un rôle important dans l’augmentation du diabète ou du syndrome métabolique. Ce dernier concerne  près d’une personne sur quatre et est parfois surnommé le fléau silencieux. C’est une conjonction de facteurs de risques cardiovasculaires bien connus: diabète et pré-diabète, obésité abdominale, taux élevé de triglycérides (pas le cholestérol, il y a une baisse du HDL-cholestérol (le bon) et une augmentation de lapression artérielle. Le syndrome métabolique a la particularité de cumuler des facteurs de risques qui se répandent de manière sournoise. Ni l’hypertension, ni l’excès de cholestérol, de triglycérides ou de sucre dans le sang ne vont causer de symptômes vous amenant à douter de votre santé. Pourtant, le syndrome métabolique augmente considérablement le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2.

Déterminants sociaux

Mais des observations plus récentes, issues des analyses croisées de plusieurs disciplines non biomédicales, proposent des perspectives différentes et suggèrent d’autres stratégies pour gérer la pandémie du syndrome métabolique. Récemment, des études se sont penchées sur  les relations entre les liens sociaux  et le développement des maladies chroniques. Elles montrent que les réseaux sociaux  jouent un rôle de vecteur de diffusion de maladies chroniques comme le diabète, l’obésité, la dépression. Une analyse a montré que le risque de devenir obèse augmente de 57% si la personne a un ou une ami(e) qui est lui-même obèse durant la même période. Le lien statistique est plus fort entre des amis  proches qu’entre personnes de la même famille. Le risque n’est pas lié à la proximité géographique et ne peut pas être expliqué par un mimétisme comportemental. La même association a été observée pour la dépression, le tabagisme et l’alcoolisme.

D’autres liens significatifs entre déterminants sociaux et maladies chroniques ont  été mis en évidence. Une étude a révélé une corrélation inverse entre le niveau des revenus et le risque de syndrome métabolique. Les catégories à plus bas revenus ont 2,3 à 4,1 fois plus de risques de développer un syndrome métabolique. Des travaux   révèlent que les conséquences des différences socio-économiques influencent aussi la mortalité cardiovasculaire, qui est six fois plus élevée chez les jeunes adultes des classes les plus défavorisées.  Ce pronostic défavorable se confirme aussi chez les patients ayant subi une chirurgie coronarienne. Ces études  confirment également les liens entre mortalité et hygiène de vie plus défavorables : tabagisme, alimentation déséquilibrée  et surcharge pondérale. Une étude plus récente (article récent dans le NEJM) montre que si on déplacent des personnes d’un milieu socialement défavorisé vers un milieu plus aisé, les taux d’obésité et de dépression diminuent.

Vision plus globale de la maladie

Il est donc possible  de dépasser la vision  classique du syndrome métabolique et du diabète de type 2 qui seraient uniquement liés à la sédentarité et à une mauvaise hygiène alimentaire. Ainsi, l’on peut penser que la résistance à l’insuline et le risque de développer un syndrome métabolique résultent de mécanismes de réponse normaux de notre organisme face au stress d’origines diverses, lorsque celui-ci envahit le vécu de la personne. Le rôle des déterminants socio-économiques en tant que facteurs  de stress majeurs ressort clairement. Ces constats soulignent bel et bien l’insuffisance de l’approche habituelle du syndrome métabolique, centrée sur la biomédecine, les traitements pharmacologiques et les changements de comportement. Si nous voulons réellement obtenir des résultats pour freiner la pandémie du syndrome métabolique et plus généralement des maladies chroniques, il devient urgent de développer des programmes de prévention transversaux  incluant activement tous  les secteurs de la société: social, économique, industrie agro-alimentaire, transports, éducation, aménagement du territoire, culture, santé, etc.

Les déterminants  socioculturels doivent être considérés comme des facteurs de risque aussi  importants que la sédentarité et l’hygiène alimentaire. Les mesures pharmacologiques et centrées sur les comportements de santé individuels conservent évidemment une place dans la prévention et le traitement du syndrome métabolique. Cependant, une approche socioculturelle adaptée aux particularités des populations est indispensable. Cela nécessite l’intégration d’autres partenaires de soins dans les équipes thérapeutiques tels les anthropologues, les médiateurs culturels et les assistants sociaux. Ces nouveaux acteurs devraient suivre une formation clinique qui leur permette d’interagir avec les soignants dans le développement de projets de soins cohérents dans une approche interdisciplinaire. En symétrie, la formation médicale devrait inclure dans son cursus une formation suffisante en sciences humaines.

Références

Adapté de «Syndrome métabolique, diabète sucré et vulnérabilité: une approche «syndémique» de la maladie chronique», Drs Juan Ruiz et Marc Egli Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme (EDM), CHUV, in Revue médicale suisse 2010 ; 6 : 2205-8, en collaboration avec les auteurs.

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