La fatigue chronique se soigne en l'acceptant
Les batteries à plat, vous n'avez plus l'énergie de rien. Vos projets et vos actions avortent, tant la fatigue que vous éprouvez est intense. Vous êtes peut-être atteint de fatigue chronique. Quatre questions fondamentales sur cette maladie difficile à diagnostiquer, posées au Dr Bernard Favrat, médecin-adjoint à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne.
Que ressent-on quand l'on souffre de fatigue chronique?
C'est une terrible fatigue. «Une personne atteinte est si fatiguée qu'elle n'arrive pas du tout à effectuer ses activités de la journée, explique le Dr Favrat. De tels cas sont heureusement rares: on estime qu'ils concernent une personne sur cent qui consulte un médecin pour un problème de fatigue.» Le véritable syndrome de fatigue est donc peu fréquent, alors que les personnes se plaignant de fatigue sont très nombreuses (environ 15 % des consultations en médecine générale).
Surtout, cet état est différent de celui que causerait une dépression. «Dans la fatigue chronique, la personne n'a pas perdu le désir de faire des choses, poursuit le spécialiste. Elle prend aussi plaisir à ce qu'elle parvient à accomplir. Malheureusement, le corps ne suit pas.»
Il n'est cependant pas exclu que le découragement face à la maladie finisse par causer une dépression, mais celle-ci en serait la conséquence et non la cause.
Comment déterminer que l'on est atteint de fatigue chronique?
Depuis quand dure la fatigue? Et le repos a-t-il eu un effet? Ces deux points sont essentiels. On parle en effet de syndrome de fatigue chronique si la fatigue dure depuis plus de six mois, non améliorée par le sommeil ou le repos. Cet état est associé à d’autres plaintes comme des douleurs aux articulations, des maux de tête et des troubles de la concentration.
Il y a de nombreuses autres affections à écarter avant de pouvoir parler de fatigue chronique, explique le Dr Favrat, comme par exemple un trouble du sommeil ou des apnées nocturnes qu’un enregistrement du sommeil mettra, le cas échéant, en évidence. Une dépression ou une angoisse existait-elle avant l'apparition de la fatigue? Il faut l'exclure. Le médecin doit aussi chercher si le patient prend un médicament qu'il supporte mal et qui le fatigue, ou si une consommation de drogue ou d'alcool est à incriminer. Finalement, il faut encore s’assurer que la fatigue n’a pas de cause endocrinienne comme une hypothyroïdie.
Qui a plus de chances de développer une fatigue chronique?
La maladie touche plus de femmes que d'hommes. Elle semble aussi privilégier des personnes perfectionnistes.
De manière générale, on imagine que le syndrome de fatigue chronique apparaît comme une réponse inadéquate à un stress très important. «L'individu n'a alors pas tous les atouts en mains pour y répondre», décrit le Bernard Favrat.
Cette fragilité s'expliquerait par plusieurs éléments: sur le plan psychologique, on a montré que les personnes qui ont été maltraitées dans l'enfance ont plus de risque de développer une fatigue chronique. On sait par ailleurs, que ces mauvais traitements peuvent perturber l'expression de certains gènes, «gravant» en quelque sorte le traumatisme dans le code génétique et influençant ainsi défavorablement la réponse à un stress intense.
On soupçonne également que le stress que certaines maladies font peser sur l'organisme rend celui-ci plus vulnérable à la fatigue. Mononucléose, maladie de Lyme, brucellose ou fièvre Q ont pu être citées.
Heureusement, ni une sensibilité psychologique, ni une maladie préexistante ne condamnent à la fatigue chronique. Ce ne sont que des facteurs qui peuvent favoriser son apparition.
La fatigue chronique, ça se soigne?
Les médecins emploient deux voies complémentaires pour traiter la fatigue chronique avec succès. Du côté physique, il s'agit de faire bouger la personne à nouveau, le plus progressivement possible afin d'éviter un échec immédiat. «Dans ces programmes, nous commençons littéralement par faire le tour du pâté de maisons», raconte le Dr Favrat. Pas à pas, des efforts plus importants seront proposés, toujours graduellement.
Mais c'est dans la tête que se gagne la bataille. «Etre atteint de fatigue chronique, c'est être tout le temps en échec, détaille le médecin. Les personnes sont alors assaillies de pensées négatives qui entretiennent le phénomène. Nous leur proposons donc des thérapies cognitivo-comportementales, centrées sur l'action et la gestion de ces sentiments négatifs. Elles leur permettent de faire façon de la maladie et de retrouver l'activité.»
Ces stratégies fonctionnent bien: dans certaines études, jusqu'à 60% des patients peuvent connaître une nette amélioration de leur état, jusqu'à même retrouver un fonctionnement normal. Par ailleurs, dans les cas où la fatigue chronique a provoqué une dépression, il faut évidemment traiter celle-ci.
L'attitude face à la maladie est enfin cardinale. «Les patients qui évoluent le mieux sont ceux qui abandonnent l'idée de trouver une cause à leur maladie. A la place, ils doivent se résoudre à gérer leurs symptômes; il n'y a pas de pilule miracle qui va les guérir. Il s'agit vraiment de changer de perspective, et c'est un parcours de longue haleine.»
Et la fibromyalgie?
Fibromyalgie et fatigue chronique sont deux maladies que l'on décrit par leurs manifestations. Celles-ci comportent de nombreuses similitudes, en particulier la présence de douleurs articulaires et les troubles de la concentration. Tant et si bien que 70% des personnes atteintes de fibromyalgie connaissent aussi une fatigue chronique.
Pour autant, ce n'est pas le même symptôme qui domine. Dans un cas de fibromyalgie, ce sont les douleurs qui amèneront le malade à consulter quand, dans la fatigue chronique, ce sera la fatigue elle-même.
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