Tout le monde peut être fatigué, mais ce n’est pas une fatalité
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Le corps a besoin de repos, raison pour laquelle il est recommandé de dormir en moyenne huit heures par nuit. Cependant, dans certains cas, le sommeil ne suffit pas pour retrouver énergie et élan. «Si une personne se sent fatiguée le vendredi soir, ce n’est pas problématique. Là où il faut consulter, c’est lorsque cette fatigue dure depuis plus de six mois. On parle alors de fatigue chronique», explique le Pr Idris Guessous, médecin-chef du Service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Ce manque d’entrain est aussi considéré comme pathologique lorsque se lancer dans une activité habituelle semble trop difficile. «Une personne qui n’arrive plus à faire ce qu’elle faisait auparavant sans effort particulier devrait en parler à son médecin», conseille l’expert.
Lésions cérébrales et fatigue
«Toutes les maladies neurologiques affectant le cerveau ou les nerfs provoquent de la fatigue. Celle-ci s’accompagne systématiquement d’autres troubles, comme des difficultés cognitives, une fragilité émotionnelle, un sommeil perturbé ou des douleurs. Ces symptômes sont étroitement liés et s’influencent mutuellement. Si l’un d’eux s’aggrave ou s’améliore, les autres suivent la même évolution», explique le Dr Jean-Michel Pignat, responsable de l’Unité de neuro-rééducation aiguë du CHUV. Par ailleurs, les mécanismes qui aboutissent à une fatigue chronique chez un individu et pas chez un autre sont mal compris. «Certains facteurs de risque sont impliqués, comme la préexistence d’une maladie psychique ou somatique, la précarité socioéconomique ou certains traits de personnalité, comme la tendance aux émotions négatives», poursuit l’expert. Le traitement de la fatigue chronique exige une approche multidisciplinaire. Dans le cas de maladies neurologiques, elle repose sur l’activité physique, la psychoéducation (méthode d’apprentissage permettant au patient d’acquérir des compétences pour améliorer la récupération) et, dans certains cas, la prescription de ritaline (médicament traitant les troubles de l’attention). «Cette approche thérapeutique n’est efficace que si les autres troubles associés – cognitifs, émotionnels, liés au sommeil ou à des douleurs – bénéficient aussi de cette prise en charge intensive», ajoute le Dr Pignat.
À noter que les maladies virales peuvent engendrer une fatigue chronique perdurant au-delà de l’épisode. C’est ce qui arrive avec le Covid long, par exemple. «Les maladies rhumatologiques ou cardiovasculaires, les cancers, les troubles hormonaux, le diabète, certaines pathologies digestives – comme la maladie cœliaque (d’ordre immunologique, elle est causée par une intolérance au gluten, ndlr) –, les troubles hépatiques, l’insuffisance rénale ainsi que la dépression ou le burn-out engendrent tous ce type de symptôme. Dans 60 à 70% des cas de fatigue chronique, il y a une explication somatique ou psychologique», précise le Pr Guessous.
Médicaments et fatigue
La prise de certains médicaments peut avoir un effet sédatif. Cela survient notamment avec les antihistaminiques utilisés par les personnes allergiques, les hypotenseurs prescrits à celles qui ont une pression trop élevée et les antidépresseurs. «Traiter la fatigue chronique nécessite parfois, paradoxalement, d’arrêter un traitement», poursuit l’expert.
Le Dr Mathieu Saubade, médecin au Centre de médecine du sport du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et à Unisanté, ajoute: «Lorsqu’une personne constate qu’elle ne récupère pas assez malgré une période de repos, il est important qu’elle consulte afin de faire, en plus de l’examen clinique, un bilan sanguin, voire d’autres investigations. Cela va permettre d’identifier d’éventuelles carences et, entre autres, de rechercher la présence d’une infection. Il faut aussi s’intéresser à l’hygiène de vie de la personne. Bien dormir, bien manger – car le microbiote intestinal joue un rôle primordial – et avoir une activité physique adaptée redonne de l’énergie.»
Il existe toutefois bien une maladie de la fatigue, mais elle ne touche que 15 à 40% des patients qui se plaignent d’être épuisés depuis plus de six mois. Elle est communément appelée «syndrome de fatigue chronique». «Il s’agit de l’encéphalomyélite myalgique. Elle se caractérise par de multiples symptômes, dont des troubles cognitifs et des douleurs musculaires. La cause n’est pas bien comprise et il n’y a pas de traitement médicamenteux. Lorsque le diagnostic est posé, après avoir exclu d’autres pathologies, il convient de traiter les symptômes et d’adapter les activités du quotidien pour limiter la fatigue. La physiothérapie, l’ergothérapie, l’acupuncture, mais aussi le yoga ou encore la méditation de pleine conscience peuvent aider à récupérer petit à petit», détaille le Dr Saubade.
Difficile à mesurer
Contrairement à une infection ou à une carence, aucun marqueur sanguin n’est spécifique à la fatigue. Chaque personne a un ressenti différent. Mais on sait qu’un manque de fer provoque une sensation de faiblesse et une baisse d’énergie constantes. Les femmes en âge de procréer sont plus sujettes à ce type de carence en raison des pertes sanguines menstruelles. Une supplémentation permet alors de résoudre le problème.
Les personnes âgées se fatiguent aussi plus vite. «Au même titre qu’il est normal que l’on se sente davantage à plat en fin de journée, cela l’est aussi lorsque l’on avance en âge. Il existe de nombreux mécanismes physiologiques qui ralentissent chez les seniors. Cependant, tout au long de la vie, il y a des fluctuations hormonales et physiologiques qui influencent l’état général. Il suffit de penser à la période de l’adolescence», conclut le Pr Guessous.
Pas de remède miracle
Les pharmacies regorgent de compléments vitaminiques prétendument stimulants. Le Pr Idris Guessous, médecin-chef du Service de médecine de premier recours des HUG, explique : «Si, lors d’un bilan global, le médecin constate un déficit, il est alors indiqué de prescrire un complément pour pallier le manque. Dans le cas contraire, ces préparations ne sont pas utiles. Cependant, lorsqu’un de mes patients me dit qu’un de ces compléments lui a fait beaucoup de bien, je le crois. L’effet placebo fonctionne. Sans oublier que faire une cure de vitamines permet à la personne de se rappeler qu’elle a besoin de récupérer et de prendre soin d’elle. C’est parfois symbolique, mais si cela aide, c’est bon à prendre.»
À noter également que la fameuse vitamine C, connue pour ses propriétés anti-fatigue, est présente dans un grand nombre de fruits et de légumes. Un kiwi par jour comble les besoins journaliers. Consommée en excès, la vitamine C est éliminée par les urines. Le Dr Mathieu Saubade, médecin hospitalier au Service de médecine du sport du CHUV et à Unisanté, conclut: «Il n’y a aucun stimulant qui puisse venir à bout de la fatigue. Adopter une meilleure hygiène de vie prend du temps, mais est bien plus efficace qu’un complément vitaminique.»
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Paru dans Le Matin Dimanche le 02/02/2025
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