Prédire la récidive des crimes grâce à l’IRM

Il y a dix ans sortait le célèbre film Minority Report. Aujourd’hui les résultats d’un travail de chercheurs de la Duke University démontrent que nous nous approchons de ce qui était, hier encore, impensable. Rappelons-nous le film de Steven Spielberg, qui reprenait et nourrissait la trame d’une nouvelle de Philip K. Dick (1928-1982), ce génie mal compris en son temps. La nouvelle date de 1956 et nous amène à Washington en 2054. Des mutants, les «pré-cognitifs», y ont le don de préscience. Et notamment la faculté de prédire la survenue de crimes avant même qu’ils ne se produisent. Le rêve pour la police et les états policiers.
En 2013 nous n’avons certes pas encore atteint ce stade. Mais nous nous en approchons. La publication des résultats d’une étude américaine marque une nouvelle étape dans l’utilisation des neurosciences pour évaluer le risque de récidive criminelle, ce qui permettrait de prendre des décisions moins risquées quant aux libérations conditionnelles et autres procédures judiciaires. Ces résultats tendent à montrer que des examens d’imagerie cérébrale permettent de prédire un futur comportement criminel ou une récidive de comportements asociaux. Tout est affaire, ici, de reflets de l’activité du cortex cingulaire antérieur (CCA).
En pratique, le Dr Kent A. Kiehl, spécialiste de neurologie au Mind Research Network (MRN) à Albukerque (Nouveau Mexique) et ses collègues de différentes universités américaines, ont pu étudier 96 détenus (âgés de 20 à 52 ans) juste avant leur libération. Ils ont ainsi analysé leurs cerveaux occupés à diverses tâches informatiques à l’aide d’un appareil d’imagerie à résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf).
Durant cet examen les prisonniers devaient prendre des décisions rapides et inhiber des réactions impulsives. Les analyses d’imagerie étaient focalisées sur une région particulière du cerveau; une région importante connue sous le nom de cortex cingulaire antérieur (CCA). Il s’agit notamment du centre de l’anticipation de la «récompense» et de la prise de décision, mais aussi celui de l’empathie et de l’émotion. On le tient également impliqué dans la résolution de conflits, la sélection des réponses et l'apprentissage de l'évitement. Des dysfonctionnements de cette zone du cerveau ont déjà été associés à des phénomènes de désinhibition, d’apathie ou d'agressivité et les personnes atteintes de lésions du CCA peuvent être considérées comme des psychopathes.
Passé cet enregistrement de l’activité dans cette région du cerveau, les chercheurs d’Albuquerque ont suivi (de loin) les activités des anciens prisonniers durant quatre ans. Leurs résultats viennent d’être publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) sous le titre «Neuroprédiction de la récidive». On en trouvera un court récapitulatif ici. Pour résumer, les personnes présentant les plus faibles taux d’activité du CCA étaient également celles qui ont commis le plus de récidives. Ce résultat tient compte des possibles biais tels que l’âge ou la consommation d’alcool ou de drogues illicites. Les statistiques des chercheurs révèlent qu’une faible activité du CCA correspond à des taux de récidives de 2,6 fois supérieurs pour l’ensemble des délits et de 4,6 fois supérieurs pour les délits étiquetés comme «non violents». Pour les chercheurs, aucun doute n’est permis: leurs résultats «suggèrent l’existence d’un bio marqueur neurocognitif potentiel de la persistance d’un comportement antisocial.»
Que fera-t-on de telles observations? A elle seule, la stricte utilisation des résultats de l’équipe de Kent A. Kiehl pourrait conduire à l’impossibilité, pour certains prisonniers, de recouvrer la liberté, soit un enfermement à vie. La justice intégrera-t-elle bientôt les résultats de ces examens aux réflexions menées pour savoir si un prisonnier peut bénéficier ou non d’une remise en liberté? Mieux: cet examen sera-t-il utilisé (en complément des expertises psychiatriques) avant de prononcer un jugement? Et d’éventuelles anomalies pourront-elles être considérées comme des circonstances non pas aggravantes mais bien atténuantes? L’affaire reste à suivre…

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