«La neuro-pédiatrie est une spécialité multidisciplinaire par excellence»
Quels sont les troubles dont souffrent les enfants adressés à l’Unité de neuropédiatrie des HUG?
Dr Christian Korff Le domaine est vaste. Il inclut les nombreuses formes d’épilepsie, les céphalées, les mouvements anormaux (tics, tremblements, etc.), les pathologies du muscle et du nerf périphérique, le handicap au sens large, ainsi que les troubles complexes des apprentissages scolaires. La neuropédiatrie est une spécialité multidisciplinaire par excellence.
En effet, du fait de la rareté et la complexité des pathologies rencontrées, il est souvent nécessaire d’aborder en parallèle plusieurs aspects de la santé de l’enfant. De longue date, nous travaillons donc en synergie avec un grand nombre de collègues, personnel infirmier et des soins, neuropsychologues, neurologues ou encore spécialistes en génétique. La participation active des parents aux soins de leurs enfants fait également partie intégrante du suivi.
En quoi la génétique a-t-elle changé la prise en charge au sein de votre unité?
Depuis quelques années, un changement majeur de paradigme s’est opéré. Auparavant, il nous arrivait d’hésiter avant de lancer des investigations génétiques, souvent coûteuses et longues, le tout sans aucune garantie d’obtenir un diagnostic clair et encore moins de disposer de traitements appropriés. Pour ne citer qu’un exemple, aujourd’hui un diagnostic génétique peut être posé jusque dans 40% des cas impliquant un retard du développement et une épilepsie sévère. Il s’agit d’un progrès considérable, d’autant plus qu’un traitement spécifique peut parfois être proposé. Bien sûr, un long chemin reste à parcourir pour généraliser ces avancées…
Car rappelons-le, repérer un gène défectueux ne signifie pas trouver un traitement dans la foulée.
Effectivement. Les investigations génétiques sont d’une complexité inouïe: plus nous ouvrons de portes, plus nous en découvrons d’autres restant à forcer. Un gène défectueux n’explique pas forcément les symptômes de l’enfant. Comme souvent en médecine, tout résultat doit être interprété dans son contexte et mis en lien avec les bases cliniques de notre métier. Celles-ci incluent le dialogue et l’examen neurologique, éléments capitaux à ne pas négliger.
Les thérapies géniques, visant à «réparer» des gènes défectueux, demeurent extrêmement coûteuses. L’aspect financier est-il souvent en question?
C’est incontournable. Pour certaines pathologies neuromusculaires par exemple, une approche par thérapie génique est maintenant disponible. Ces prises en charge soulèvent de nombreuses questions éthiques, liées notamment aux coûts des traitements disponibles et à leur remboursement par les assurances. Des éléments à mettre en balance avec les bénéfices cliniques – réels ou espérés – pour les enfants et leurs familles. La science avance à pas de géant et le débat doit être ouvert. Nous multiplions nous-mêmes les échanges et les discussions à ce sujet, à l’instar du symposium d’éthique en neuropédiatrie que nous avons organisé aux HUG en février dernier, en présence d’experts et d’expertes de renommée internationale.
Que vous inspirent ces enfants que vous recevez, pour des pathologies souvent sévères et parfois sans perspective thérapeutique?
Les enfants ont une capacité de résilience et d’acceptation stupéfiante. Ils parviennent souvent à faire cohabiter un mélange d’abnégation et de courage avec un univers fait de jeux et de vie dans l’instant présent. Les pathologies touchant le système nerveux sont pourtant extraordinairement complexes à gérer au quotidien par les enfants eux-mêmes, leurs parents, leur fratrie. Le regard porté à leur encontre est souvent négatif. L’un des rôles capitaux de tous les membres de l’équipe de neuropédiatrie est de les accompagner pour que leur intégration dans la société soit la plus satisfaisante possible.
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Article repris du site pulsations.swiss