Prendre de la morphine, c'est être dépendant?
Quand les antidouleurs classiques ne font plus effet sur les douleurs chroniques, il arrive que l'on prescrive de la morphine. Les médecins s'accordent pour dire que ces substances sont trop utilisées aujourd'hui, spécifiquement aux Etats-Unis. Mais ce n'est pas pour autant qu'il ne faut plus les utiliser. Alors, si vous êtes atteints de maux de dos invincibles, de douleurs neuropathiques (liées à un dégât nerveux) ou d'autres douleurs chroniques et que votre médecin vous propose un traitement de morphine, à quoi devriez-vous être attentifs? Réponses avec le Dr Valérie Piguet, spécialiste de la douleur aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Vais-je être dépendant d'un traitement de morphine?
Cela dépend de quelle dépendance l'on parle. «La morphine provoque une dépendance physique, prévient le Dr Piguet, comme le font de nombreux médicaments. Le corps s'habitue à la substance en question et si l’on arrête brusquement le traitement, vous connaîtrez des symptômes de sevrage (douleurs diffuses, irritabilité, bâillements, transpiration dans le cas de la morphine). Si l’on souhaite arrêter, on diminuera donc progressivement les doses.»
Mais il existe aussi une dépendance psychique. Notre raison et nos sentiments sont influencés par la substance et l'on finit par croire que l'on ne peut pas fonctionner sans elle. «Elle ne touche cependant pas tout le monde, et elle connaît divers degrés, relativise le Dr Piguet. Il y a une gradation qui commence par un ‘mauvais usage’ d'une substance pour passer parfois à l'abus qui ne concerne qu'une minorité de nos patients traités contre la douleur. Le dernier stade de cette progression est la toxicomanie, une situation où l'on recherche à tout prix la molécule, quels que soient les désagréments qu'impliquent sa consommation et le fait de se la procurer. C'est cependant un phénomène rare.»
Quel est le but d'un traitement de morphine?
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le but d'un tel traitement n'est pas d'annuler la douleur. «Elle reste d'ailleurs là, détaille le Dr Piguet, mais mes patients me disent qu'elle ne les atteint plus.» Non, donner de la morphine «doit permettre de retrouver une qualité de vie et un fonctionnement quotidien que l'on a perdu à cause de la douleur», complète la spécialiste. C'est selon ces deux critères, qualité de vie et activité, que sera mesurée l'efficacité du traitement. Et si l'on ne voit aucune amélioration sur ces deux points en quelques semaines, le médecin proposera au patient de l'interrompre.
Qui est plus à risque d'avoir un problème de dépendance avec la morphine?
«Statistiquement, les facteurs de risque d’une telle addiction chez les patients souffrant de douleurs chroniques sont la présence préalable d’une autre dépendance (alcool, drogues), d’une maladie psychiatrique, le fait de connaître des douleurs diffuses ou d’être un homme jeune (de 25 à 40 ans), explique la spécialiste. Il y a aussi probablement des facteurs génétiques même si nous les connaissons mal. On peut ajouter une attitude, celle qui consiste à dire ‘ce sont uniquement les médicaments qui me feront aller mieux’. Parce que, dans le cadre d'une douleur chronique, prendre des médicaments ne diminuera pas la souffrance liée à des situations de vie qui sont souvent très difficiles. Enfin, il faut souligner que les personnes qui commettent des abus sévères sont souvent psychiquement malades. Mais interdire la morphine à tous les patients psychiatriques, ce n'est pas éthique comme solution.»
Y a-t-il de bons principes pour que mon traitement se passe au mieux et pour éloigner le spectre d'une dépendance à la morphine?
Oui. D'abord, il faut un contrôle régulier avec le médecin qui prescrit le traitement. Celui-ci demandera au patient si la morphine l'endort, si elle le détend, des signes que l'on agit plus sur le sommeil et l'anxiété que sur la douleur. A contrario, être «boosté» par la morphine n'est pas le but non plus et constitue un signal qu'il faut faire attention.
Ensuite, pour le patient, les règles sont simples. 1. Ne jamais prendre de son propre chef une dose de morphine supérieure à celle prescrite, même si l'effet contre la douleur du traitement s'est atténué. Alerter à la place son médecin sur cette baisse d'efficacité. 2. Ne prenez pas d'autres produits qui ont un effet sur le système nerveux central, il s'additionnerait à celui de la morphine et pourrait vous faire courir un danger mortel. Donc pas d'alcool et pas de tranquillisants. 3. Prenez votre morphine avec régularité. Vous éviterez des symptômes de microsevrage et les douleurs seront mieux contrôlées. 4. A la maison, votre morphine doit être sous clé. Vous seul devez y avoir accès, à plus forte raison si votre foyer héberge des enfants ou des adolescents. 5. Un seul médecin doit vous prescrire la morphine, il ne peut pas y avoir plusieurs prescripteurs. Et pas d'avance de médicaments à la pharmacie.
Effets secondaires
Un traitement de morphine n'est pas sans effets secondaires. Au début, on observe souvent une constipation, des nausées et une somnolence, parfois des hallucinations et des démangeaisons. La constipation est un effet secondaire qui accompagnera tout le traitement, la morphine paralyse en effet en partie le tube digestif. Il faut donc impérativement la traiter, il existe d'ailleurs aujourd'hui des médicaments qui associent la morphine à un antidote qui évite que la morphine n'agisse sur le système digestif.
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