Douleur chronique: il faut traiter
Lancinantes, invalidantes, omniprésentes… les douleurs chroniques s’installent un jour et peinent à quitter les corps qu’elles ont fini par freiner et fatiguer. Longtemps, ces souffrances ont été considérées uniquement comme des symptômes, toujours au second plan, derrière leur cause à traiter en priorité. Désormais, les douleurs chroniques répondent à une définition propre – douleur présente depuis plus de six mois, parfois sans cause clairement identifiée – et sont surtout traitées comme des maladies en soi.
Motif de consultation dans 80% des cas
«Les douleurs sont le motif de près de 80% des consultations chez un médecin généraliste», note le Dr Christophe Perruchoud, spécialiste de la douleur au Centre d’antalgie et neuromodulation de l’Ensemble hospitalier de La Côte (EHC), à Morges. «Or, contrairement à une douleur aiguë cruciale pour avertir le cerveau d’un danger, par exemple d’un risque de brûlure si notre main reste sur une plaque chaude, les douleurs chroniques n’ont pas d’utilité revendiquée et doivent être prises en charge sans tarder car leurs conséquences sur la qualité de vie peuvent être dramatiques.»
La femme y serait plus sujette que l’homme
Le tableau est connu: lui, gémissant sous la couette, en proie à un rhume. Elle, vaillante, supportant sans ciller les douleurs d’une mauvaise entorse à la cheville. Reflet d’une réalité objective? Pour les chiffres et les spécialistes, pas du tout. Les femmes seraient plus sujettes à la douleur que les hommes, en témoigne notamment une vaste analyse américaine* ayant passé au crible ressenti de la douleur, réponse du corps aux antalgiques ou encore intensité des souffrances postopératoires. Les conclusions de cette étude soulignent toutefois les nombreuses subtilités en jeu et des paramètres encore à explorer. Reste que le constat est implacable dans les cabinets médicaux: «La proportion de femmes consultant pour des problèmes de douleurs est majoritaire, observe le Dr Christophe Perruchoud, spécialiste de la douleur au Centre d’antalgie et neuromodulation de l’Ensemble Hospitalier de La Côte (EHC) à Morges. Des pathologies douloureuses comme la fibromyalgie ou la migraine les touchent davantage.» Une explication? «La progestérone, hormone féminine, serait impliquée. Parmi les mécanismes encore à éclaircir: elle diminuerait le seuil de résistance à la douleur», dévoile le spécialiste. A suivre.*Analyse publiée dans la publication «Journal of Pain» (2009)
Equation complexe
La difficulté? «Les douleurs chroniques sont extrêmement complexes, reconnaît le spécialiste. Nous ne disposons pas d’outils pour les mesurer avec objectivité, elles sont intimement liées au ressenti de la personne, à son état émotionnel, à sa santé. S’y ajoute leur pouvoir grandissant: les douleurs chroniques s’ancrent au fil du temps autant dans la zone endolorie que dans le cerveau lui-même.» La preuve la plus parlante de cette imprégnation est les douleurs fantômes. Meurtries par l’amputation d’un membre, certaines régions cérébrales se «reformatent» pour tenir compte du changement, mais cette réorganisation scelle dans le même temps un «nœud» susceptible de raviver une douleur à tout moment.
De plus, comprendre la cause d’une douleur chronique est une investigation de haut vol. «Dans 70% des cas, on ne sait pas d’où vient une douleur lombaire par exemple, révèle le Dr Perruchoud. Le problème peut venir des muscles, des tendons, des disques lombaires, des nerfs qui s’y insèrent… ou de tout cela à la fois. Malheureusement, les outils d’imagerie, même les plus exceptionnels, n’apportent pas toujours la clé de l’énigme. Une IRM affreuse peut être obtenue chez une personne qui ne ressent pas de douleur et, à l’inverse, un résultat a priori sans anomalie peut coïncider avec des douleurs terribles!»
L’une des explications est qu’une douleur chronique est souvent le résultat d’une équation complexe et invisible mêlant plusieurs types de douleurs: douleurs inflammatoires, douleur neuropathique (liée à une lésion sur un nerf) ou encore douleur dysfonctionnelle (causée par un dysfonctionnement du système nerveux devenu plus sensible).
Prise en charge globale
Dès lors, comment agir? «La première étape est bien sûr de traiter la cause du problème, si cela est possible. Pour la douleur elle-même, la palette de traitements est devenue vaste», se réjouit le Dr Perruchoud. Côté médicaments: les molécules à disposition vont du paracétamol aux dérivés de morphine, en passant par la codéine, mais également des antiépileptiques et des antidépresseurs permettant de soulager les douleurs neuropathiques liées à des nerfs lésés. S’y ajoute la possibilité d’interventions locales: injections de produits anesthésiants ou de corticoïdes, actions de destruction ou de congélation de nerfs abîmés, ou encore neuromodulation, une technique capable de modifier l’activité électrique dans un système nerveux devenu hypersensible à la douleur. Sans oublier hypnose et acupuncture qui s’invitent avec succès au sein même des hôpitaux.
De plus en plus souvent, la prise en charge se veut globale, incluant physiothérapeute, rhumatologue et psychologue ou psychiatre. «C’est un point crucial, estime le Dr Perruchoud. Une douleur devenue chronique a tôt ou tard un impact sur la qualité de vie, ouvrant la voie à la dépression, à l’anxiété, à l’isolement. Consulter un psychothérapeute ne signifie pas que le problème vient de la tête, mais bien que le moral est lui aussi mis à rude épreuve.»
Le mal du siècle fait rage
40%
Selon l’Enquête suisse de la santé menée en 2012, 40% des Suisses souffrent du dos ou des reins. A noter que si les douleurs lombaires sont les plus fréquentes, elles sont suivies par les douleurs aux genoux, à la tête, aux jambes, et aux épaules*.
* Résultats parus dans l’«European Journal of Pain» (2006)
Sondage
Souffrez-vous de douleurs chroniques, à savoir de douleurs présentes depuis plus de six mois, avec des crises plusieurs fois par semaine dépassant une intensité de 5 sur une échelle allant de 1 à 10? Une question posée lors d’un sondage dans seize pays*, parmi lesquels la Suisse, l’Israël, la France ou encore la Pologne. Résultat? C’est en Norvège que l’on déclare le plus souffrir et en Espagne, le moins, avec respectivement 30 et 12% de réponses positives chez les personnes interrogées. En Suisse, le résultat de ce sondage a été de 16%.
* Résultats parus dans l’«European Journal of Pain» (2006)
Idée reçue
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, en cas de douleur chronique et sauf indication médicale, il est crucial de continuer à bouger. La raison? Cesser l’activité physique fait fondre des muscles qu’il est difficile de récupérer ensuite. Or, ce sont aussi eux qui préservent notamment le dos de douleurs futures. Même en cas de lumbago, passé 48 heures de repos, conserver une activité modérée est conseillé.
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Syndrome douloureux régional complexe
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Lymphœdème
Le lymphoedème est un gonflement, le plus souvent du bras ou de la jambe. qui apparaît d’une manière insidieuse et a tendance à augmenter progressivement.
Goutte
La goutte est due à un excès d'acide urique dans le sang et à une accumulation dans les tissus. Elle provoque le plus souvent des douleurs intenses des articulations.