L’endométriose fait souffrir plus d’une femme sur dix

Dernière mise à jour 30/03/16 | Article
L’endométriose fait souffrir plus d’une femme sur dix
Cette affection qui peut compromettre la fertilité touche entre 10 et 15% des femmes en âge de procréer. Mais elle reste difficile à diagnostiquer.

De quoi on parle

Lena Dunham, actrice principale et créatrice de la série télé «Girls», a été opérée suite à la rupture d’un kyste à l’ovaire dû à une endométriose. Comme beaucoup de femmes, elle souffre de cette affection gynécologique chronique qui peut provoquer des douleurs aiguës et compromettre la fécondité. Alors que les symptômes de l’endométriose sont encore trop souvent pris pour des manifestations de troubles psychiques, elle a choisi de lever un tabou en communiquant à ce sujet.

Qu’est-ce qui relie les actrices Susan Sarandon, Whoopi Goldberg, Laëtitia Milot, Lena Dunham, la candidate Hillary Clinton et la chanteuse Imany? Elles sont atteintes d’endométriose, maladie gynécologique qui peut causer des douleurs invalidantes et l’infertilité. Ces célébrités partagent aussi la volonté d’en parler ouvertement. Une attitude courageuse et nécessaire, car cette maladie est trop souvent méconnue tant du grand public que des femmes concernées.

D’où vient ce trouble? Chaque mois, sous l’influence des hormones, le revêtement interne de l’utérus, l’endomètre, se transforme pour pouvoir accueillir un embryon. S’il n’y a pas de grossesse, le tissu endométrial est éliminé: ce sont les saignements des règles. Dans l’endométriose, ce tissu est disséminé en dehors de l’utérus. Il se fixe sur d’autres organes: le péritoine, l’intestin, la vessie, les ovaires, entre le vagin et le rectum, sur la paroi de l’abdomen, certains ligaments, voire sur les poumons. Ces tissus restant soumis au cycle hormonal, ils subissent une inflammation et des saignements au moment des règles, sources de douleurs souvent incomprises.

L’endométriose

Diagnostic retardé

La diversité de la localisation des foyers d’endométriose est la cause des différents symptômes. Elle explique aussi pourquoi, alors que leurs manifestations sont synchrones avec le cycle menstruel, le lien n’est pas fait. Ainsi, un foyer localisé dans la vessie peut être confondu avec des cystites récidivantes. D’autant plus quand un traitement antibiotique semble en venir à bout. Semble seulement, puisqu’en fait, c’est la fin des règles qui met un terme aux douleurs. Ou encore, un foyer situé sur le diaphragme fait parfois penser à une oppression due à des angoisses. De là à dire qu’il s’agit d’un problème psychiatrique, il n’y a qu’un pas, franchi pour beaucoup de malades. Comment en effet ne pas se sentir devenir folle lorsque l’on souffre de douleurs terribles dont on ignore l’origine? «Dans certains cas, ce sont d’ailleurs les psychiatres qui renvoient leur patiente chez le gynécologue en leur disant que les douleurs dont elles souffrent sont bien réelles», constate Jean-Marie Wenger, responsable de la consultation endométriose au Service de gynécologie des Hôpitaux universitaires genevois (HUG).

Il est important que la maladie soit diagnostiquée le plus tôt possible. «Plus la maladie est avancée, plus les interventions chirurgicales sont longues et difficiles, car les dégâts sur les organes touchés sont plus élevés. Les risques de récidive sont aussi accrus», relève le chirurgien. Par ailleurs, dans 30 à 40% des cas d’infertilité féminine, on découvre une endométriose. Si la maladie est découverte tardivement, l’ovaire peut en effet être détruit. Or le délai entre les premiers symptômes et le diagnostic est en moyenne de six à sept ans, selon une étude parue en 2013.

Comment est-ce possible? Les deux ou trois premières années de retard de diagnostic sont imputées à la patiente et à sa famille. «On laisse quelque fois entendre à la jeune fille qu’il est normal d’avoir des douleurs pendant les règles. La patiente elle-même peut en avoir honte. Si elle a mal pendant les rapports sexuels, par exemple, elle n’osera souvent pas en parler», explique Jean-Marie Wenger. Les années suivantes, c’est plutôt le corps médical qui est en cause. Cette période est ponctuée de consultations sans que le diagnostic ne soit posé. Il faut dire que des examens approfondis, comme le scanner ou la résonance magnétique nucléaire, ne permettent pas à tous les coups de détecter une endométriose. Le diagnostic définitif ne peut être déterminé qu’au cours d’une laparoscopie exploratoire, une méthode qui permet de voir ce qui se passe à l’intérieur de la cavité abdominale. Idéalement, le traitement s’effectue au cours de cette séance.

Cela dit, l’examen gynécologique traditionnel peut aussi très bien révéler une endométriose. «Si l’examen est douloureux, et il l’est souvent, le gynécologue doit se poser la question», insiste le Dr Wenger, qui relève d’ailleurs que les ostéopathes lui envoient quelques fois des patientes après avoir détecté des indurations douloureuses. Des douleurs excessives (6 sur une échelle de 10) au moment des règles doivent aussi mettre sur la voie. De même que des douleurs profondes lors des rapports sexuels (7 sur 10). Autres symptômes manifestes: les douleurs profondes rectales lorsque la patiente va à selle et les cystites qui reviennent chaque mois. Mais il existe des cas où l’endométriose est asymptomatique.

Les causes ne sont toujours pas certaines

La plus ancienne hypothèse –celle de la menstruation rétrograde– sur les origines de la maladie date de 1927 et reste valable. Chez la plupart des femmes, lors des menstruations, un peu de sang contenant des cellules endométriales passe dans la cavité abdominale. Chez certaines, ces cellules survivent et s’implantent dans le péritoine. Mais cette explication seule ne suffit pas. «Il doit aussi y avoir une dissémination par le système sanguin et lymphatique pour que ces cellules puissent s’implanter en dehors de l’abdomen», estime Dorothea Wunder, spécialiste de la fertilité au Centre de procréation médicalement assistée et d’endocrinologie gynécologique (CPMA), à Lausanne. Une autre hypothèse met en avant des facteurs environnementaux. Ainsi, l’exposition aux dioxines (polluants organiques persistants) semble favoriser l’endométriose. La piste de la pilule contraceptive a quant à elle été invalidée et abandonnée.

Des problèmes d’infertilité

Que faire pour enrayer la maladie? On peut recourir à des traitements médicamenteux: une simple pilule contraceptive ou des hormones spécifiques (gestagènes). «Dans ce cas on arrête progressivement les règles, ce qui diminue le risque de menstruations rétrogrades», explique Dorothea Wunder, spécialiste de la fertilité au Centre de procréation médicalement assistée et d’endocrinologie gynécologique (CPMA) à Lausanne. Mais il peut s’avérer nécessaire de recourir à la chirurgie pour réduire les foyers d’endométriose. «Dans ces cas, poursuit la spécialiste, mieux vaut procéder en une fois. Et il faut vraiment un chirurgien expérimenté.»

Dans les cas sévères, il est nécessaire de bloquer complètement la production hormonale, ce qui assèche l’endomètre et provoque une ménopause. «Cela peut se faire transitoirement chez les femmes qui souhaitent avoir un enfant, conclut le Dr Wunder. Elles sont d’abord opérées pour enlever un maximum de foyers d’endométriose. Puis, après une stimulation hormonale par injection, on procède à une fécondation in vitro. Les études montrent clairement que ce traitement augmente les chances de grossesse.»

Privilégier le régime méditerranéen

En dehors des traitements drastiques proposés aux femmes atteintes, le Dr Dorothea Wunder conseille aussi à ses patientes de se pencher sur leur mode de vie et leur alimentation. Le régime méditerranéen (riche en fruits, légumes, céréales et huile d’olive, modéré en protéines animales) semble ainsi être un atout pour lutter contre l’endométriose. «La littérature montre que les graisses saturées, par exemple, la favorisent, probablement en raison de leur effet pro-inflammatoire», explique-t-elle. La spécialiste estime aussi que les médecines complémentaires, telles que l’acupuncture ou la médecine chinoise, peuvent avoir un effet bénéfique.

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