De nouveaux tests pour détecter l’endométriose plus tôt

Dernière mise à jour 21/01/25 | Article
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Encore souvent, l’endométriose est détectée tardivement. Après la récente mise au point d’un test salivaire, des chercheurs se penchent sur la présence d’indicateurs de la maladie dans les selles. Une piste intéressante pour faciliter le diagnostic.

Et si l’endométriose pouvait se détecter… dans les selles? C’est la piste que vient de dévoiler une équipe de scientifiques américains, après avoir analysé les échantillons fécaux de plusieurs femmes atteintes d’endométriose[1]. Il s’est avéré que, contrairement aux autres, elles présentaient une «signature intestinale» commune révélant une faible présence de métabolites 4-hydroxyindole, des molécules dérivées de bactéries intestinales.

Un constat encourageant pour faciliter la détection de la maladie: «Nos résultats sont les premiers à fournir une signature distincte des métabolites fécaux chez les femmes atteintes d’endométriose, ce qui pourrait servir de diagnostic non invasif basé sur les selles», se félicitent les auteurs de l’étude. Par ailleurs, la molécule 4-hydroxyindole en question pourrait ouvrir une nouvelle dimension thérapeutique pour le traitement de l’endométriose. Elle est en effet identifiée comme protectrice vis-à-vis de la maladie et de sa progression. Bien que prometteurs, ces premiers résultats nécessitent toutefois d’être approfondis pour en mesurer plus précisément la portée. De précédents travaux avaient déjà permis de montrer un lien entre altération du microbiote intestinal et endométriose, sans que les contours de cette corrélation ne soient encore bien compris.

Maladie complexe, l’endométriose se caractérise par la présence anormale de cellules de l’endomètre (tissu tapissant l’utérus) en dehors de la cavité utérine. Ces lésions peuvent toucher l’utérus, l’abdomen, les ovaires, mais aussi la vessie et le rectum, voire, dans les cas les plus étendus, le diaphragme, les poumons, le foie, ou encore les intestins.

Un test salivaire déjà utilisé en Suisse

Le poids financier de l’endométriose

Un vaste rapport du McKinsey Health Institute[2] s’est penché sur les répercussions de la santé féminine sur l’économie globale. Le constat est sans appel: les disparités en matière de santé des femmes affectent non seulement leur propre qualité de vie, mais aussi leur capacité à travailler pour subvenir aux besoins de leur famille et, plus largement, leur participation économique dans la société. L’endométriose, qui touche 10 % des femmes en âge de procréer[3], et la ménopause ont ainsi un impact considérable. Leurs symptômes, qui altèrent la vie personnelle, ont aussi des conséquences dans le cadre professionnel en engendrant absentéisme et perte de productivité[4].

Dans cette même volonté de développer des tests diagnostiques non invasifs de l’endométriose, un dispositif se basant sur la salive est d’ores et déjà disponible depuis 2023. Mettant en évidence la présence de micro-ARN spécifiques à la maladie, ces tests, dont la fiabilité dépasse les 95 %, permettent de confirmer un diagnostic chez les femmes souffrant de symptômes importants, mais dont les résultats d’imagerie (échographie et IRM pelviennes) n’ont pas été concluants. Devant un test salivaire positif, une évaluation clinique spécialisée reste nécessaire pour proposer des options de traitements à la patiente, prenant par exemple en compte son désir ou non de grossesse.

«L’endométriose est une maladie très hétérogène dans sa localisation, ses symptômes, son évolution ou encore sa réponse aux traitements, explique le Dr Nicola Pluchino, responsable de l’Unité de médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Ces tests non invasifs ont, plus largement, l’ambition de devenir des outils permettant d’identifier des "profils" de patientes, pour une prise en charge plus ciblée, comme c’est le cas dans le domaine oncologique par exemple.» 

Un diagnostic encore trop tardif

Identifier tôt l’endométriose permet non seulement de proposer un traitement adapté pour les symptômes qu’elle entraîne, mais aussi de freiner le développement de la maladie. Pour rappel, celle-ci est présente chez 30 % des patientes avec un trouble de la fertilité[5]. Pourtant, de nombreuses femmes font encore face à une errance médicale. Une étude néerlandaise a ainsi révélé un délai moyen de 7,4 ans[6] entre le début des symptômes et le diagnostic. «Ce temps de latence non négligeable a plusieurs explications: des manifestations qui ne sont pas toujours spécifiques, des symptômes intimes souvent négligés par l’entourage ou les médecins, mais aussi une maladie qui, ne touchant que les femmes, ne bénéficie pas de fonds suffisants alloués à sa recherche…», constate amèrement le Dr Pluchino.

Bien que considérée comme bénigne, l’endométriose est une maladie gynécologique chronique dont les répercussions touchent toutes les sphères de la vie: reproductive et sexuelle, mais aussi sociale, amoureuse, ou encore professionnelle et financière.

Vers des traitements personnalisés

Intensité de la douleur, localisation des lésions, symptômes: les divers aspects de l’endométriose peuvent varier d’une femme à l’autre. «Par ailleurs, il y a une faible corrélation entre l’étendue de la maladie et les symptômes associés, relève le Dr Nicola Pluchino, responsable de l’Unité de médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique au CHUV. Une femme avec une atteinte légère pourra ressentir des douleurs chroniques très violentes et, a contrario, une patiente présentant un stade avancé de la maladie pourra n’avoir que peu de symptômes.» D’où l’importance d’une prise en charge personnalisée. Celle-ci peut s’appuyer sur diverses approches: 

  • Les médicaments: leur but premier est de soulager la douleur, voire de ralentir la progression de la maladie. Il peut s’agir d’un traitement hormonal ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
  • La chirurgie: elle consiste à retirer les tissus atteints entourant les organes. Il est recommandé de se tourner vers des centres d’expertise pour ces interventions délicates.
  • Les médecines complémentaires: acupuncture, physiothérapie, alimentation anti-inflammatoire, ostéopathie, méditation ou encore hypnose sont parfois utilisées dans les troubles gynécologiques pour soulager les douleurs chroniques, en association avec les traitements médicamenteux.

_______

Paru dans Le Matin Dimanche le 22/12/2024

[1] Talwar C. et al. Identification of distinct stool metabolites in women with endometriosis for non-invasive diagnosis and potential for microbiota-based therapies. Med. 2024 Oct 3:S2666-6340(24)00373-8.

[2] Closing the women’s health gap: A $1 trillion opportunity to improve lives and economies

January 17, 2024 | Report

[3] Source : Organisation mondiale de la santé

[4] Kelechi E. Nnoaham et al., Impact of endometriosis on quality of life and work productivity: A multicenter study across ten countries. Fertility and Sterility. August 2011, Volume 96, Number 2. 

[5] Source : CHUV

[6] A.H.J. Staal, M. van der Zanden, A.W. Nap; Diagnostic Delay of Endometriosis in the Netherlands. Gynecol Obstet Invest 6 July 2016; 81 (4): 321–324

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