Santé vasculaire des femmes: il n’y a pas que l’infarctus
Une obstruction partielle ou totale des vaisseaux sanguins au niveau du cœur conduit au redouté infarctus du myocarde qui, s’il n’est pas pris à temps, peut entraîner des conséquences fatales. Mais en matière de santé vasculaire, les femmes ne sont pas à l’abri d’autres perturbations, elles aussi potentiellement graves. On pense ici à l’accident vasculaire cérébral, à la thrombose veineuse et l’embolie pulmonaire (lire encadré) ou encore à la maladie artérielle périphérique, qui représente la plus large part des consultations en angiologie. En effet, «on parle beaucoup du cœur, mais assez peu des vaisseaux périphériques, alors que l’athérosclérose (lire plus loin, ndlr) peut toucher toutes les artères du corps», souligne le Dr Cédric Bron, spécialiste en angiologie à Lausanne.
L’athérosclérose (ou artériosclérose) se caractérise par la formation de dépôts sur la paroi interne des artères. Ces dépôts sont composés de lipides, de calcium et de cellules inflammatoires. Ils conduisent à un rétrécissement ou une obstruction des vaisseaux. Les symptômes de la maladie et ses conséquences dépendent du site concerné.
Zoom sur la maladie thromboembolique veineuse
Autre maladie vasculaire, la thrombose veineuse peut aussi entraîner des conséquences sévères. La thrombose la plus fréquente s’installe dans les membres inférieurs. Un caillot de sang obstrue la circulation dans une veine, provoquant souvent douleur et inflammation. Ce caillot peut se détacher et migrer dans le système veineux jusqu’aux poumons. C’est ce qu’on appelle une embolie pulmonaire. Il s’agit d’une urgence médicale, car il y a risque de décès. Chez la femme, le risque est multiplié par quatre durant la grossesse, état qui perturbe la coagulation du sang et exacerbe la stase veineuse dans les membres inférieurs. Le postpartum aussi est une période sensible, avec un risque plus élevé d’embolie pulmonaire. Chez les jeunes femmes, la prise d’une contraception hormonale, surtout associée au tabagisme, représente aussi un important facteur de risque.
Dans les jambes aussi
La circulation sanguine peut être entravée par les plaques d’athéromes au niveau du cœur et du cerveau (à l’origine de l’accident vasculaire cérébral), de la carotide (dans le cou), mais aussi des membres inférieurs (dans les jambes). C’est ce qu’on appelle la maladie artérielle périphérique (MAP), dont la prévalence est en augmentation (plus 25%) dans la population mondiale, selon l’étude Global Burden of Disease Study (2019)*. «Le risque d’en souffrir augmente avec l’âge et dans une plus large mesure chez les femmes», relève la Pre Lucia Mazzolai, cheffe du Département cœur-vaisseaux et du Service d’angiologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). L’étude a montré que la prévalence de la MAP est globalement plus élevée chez les femmes et qu’elle est chez elles aussi en hausse, ayant augmenté de 17% entre 1990 et 2019.
La MAP se manifeste classiquement par des douleurs dans les jambes, sous forme de crampes. «Elles apparaissent systématiquement après une certaine distance de marche, obligeant la personne à s’arrêter, et recommencent après la même distance de marche. Elles peuvent aussi survenir la nuit, contraignant la personne à se lever et à faire quelques pas», décrit le Dr Bron. Mais parfois, la maladie est atypique et silencieuse. «Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de ne présenter aucun symptôme de douleur à la jambe (12,9% des femmes contre 9,4% des hommes), indique la Pre Mazzolai. En outre, les symptômes atypiques chez les femmes peuvent être interprétés à tort comme de l’arthrite, une neuropathie ou une sténose spinale (rétrécissement du canal spinal, ndlr), en raison de leur prédominance dans cette population.» Une fois diagnostiquées, les femmes ont un taux de mortalité deux fois plus élevé, la maladie étant généralement plus avancée.
Une bombe à retardement
Pourquoi tant de disparités entre les sexes? Les facteurs de risque sont pourtant les mêmes, à savoir le diabète, le tabagisme, l’hypertension artérielle, la sédentarité et l’hypercholestérolémie. Mais les femmes ayant vécu des complications durant une grossesse sont plus exposées au risque de développer prématurément des maladies cardiovasculaires, dont les maladies artérielles périphériques. Notamment, «des recherches indiquent que l’hypertension artérielle durant la grossesse est un facteur de risque indépendant de MAP des dizaines d’années plus tard, même après ajustement des multiples autres paramètres qui y contribuent», soulève la spécialiste du CHUV. L’ostéoporose chez les femmes ménopausées est un autre élément à prendre en compte, la prévalence de la MAP étant plus élevée en cas de fragilité osseuse. Quant à la ménopause elle-même, elle entraîne une fragilisation de la santé vasculaire de la femme et une augmentation globale des risques vasculaires, en raison de l’augmentation des taux d’hypertension et de diabète dus à l’arrêt de la fonction ovarienne.
Malgré cela, la MAP reste sous-diagnostiquée, d’autant plus lorsqu’aucun symptôme ne l’évoque. Pour éviter des complications, il est donc capital de rechercher activement cette pathologie par le dépistage et le contrôle des facteurs de risque d’une part et, d’autre part, par des examens vasculaires préalables (mesure de la pression artérielle au niveau de la cheville chez l’angiologue).
Car l’enjeu est de taille: «Les femmes souffrant de maladie artérielle périphérique ont, comme les hommes, un risque quatre fois plus élevé de faire un événement cardiovasculaire (infarctus ou AVC) que les patients et patientes présentant les mêmes facteurs de risque mais sans MAP», conclut la Pre Mazzolai.
* GBD 2019 Peripheral Artery Disease Collaborators. Global burden of peripheral artery disease and its risk factors, 1990-2019: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2019. Lancet Glob Health (2023).
Des jambes à toute épreuve
Parfois, les jambes peuvent présenter des veines dilatées et douloureuses que l’on appelle varices. Nos veines sont équipées de valves antireflux permettant d’assurer le flux sanguin des pieds vers le cœur. En cas de varices, ces petites valves ne fonctionnent plus en raison d’une dilatation des vaisseaux et le retour veineux ne se fait plus correctement. C’est l’insuffisance veineuse superficielle. Bien qu’inesthétiques, les varices n’engendrent que peu de complications, mais peuvent entraîner lourdeurs et gonflements des jambes. Pour éviter ces désagréments, il est recommandé d’éviter la position debout et assise prolongée, les sources de chaleur et le port de talons hauts. Pour les soulager, il est conseillé d’avoir une activité physique régulière, de surélever les jambes en fin de journée et de les asperger d’eau froide matin et soir. Le port de bas de compression peut également être utile. Passé un certain stade, on peut recourir à une intervention chez l’angiologue.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 18/08/2024
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