Alerte «fibrillation auriculaire»: ma montre connectée a-t-elle raison?
Pouls au repos, après un café bien serré ou en direct d’un marathon: smartphones et appareils connectés ne ratent aujourd’hui rien ou presque des fluctuations de notre rythme cardiaque. Mais si notre pouls est le plus souvent le reflet de notre degré d’activité physique (lire encadré), un autre indicateur susceptible de s’afficher sur nos écrans concentre aujourd’hui de nombreux regards. Il s’agit de la mention «fibrillation auriculaire», un trouble du rythme cardiaque pouvant affecter une personne sur trois au cours de sa vie. Si l’événement peut être anodin et simplement transitoire chez une personne jeune et en bonne santé, il peut s’avérer dangereux lorsqu’il s’installe chez une personne âgée ou souffrant de facteurs de risque cardiovasculaire tels que l’hypertension artérielle. Anomalie électrique du cœur, la fibrillation auriculaire peut au fil du temps engendrer la formation d’un caillot de sang et exposer à un risque d’accident vasculaire cérébral si aucun traitement n’est mis en place (lire encadré). À noter que l’âge, l’hypertension artérielle et le surpoids sont les principaux facteurs augmentant le risque de souffrir de fibrillation auriculaire.
Études d’une ampleur inouïe
Cœur trop rapide ou irrégulier: quand s’inquiéter?
Est-il nécessaire de scruter au quotidien le pouls s’affichant sur l’écran de nos appareils connectés? «Bien sûr, des valeurs anormalement basses ou élevées doivent alerter, mais le plus souvent, le suivi du pouls est peu utile en soi, en raison notamment de la grande variabilité individuelle, indique le Pr Etienne Pruvot, médecin-chef de l’Unité des troubles du rythme au sein du Service de cardiologie du CHUV. Et pour cause, un pouls dit "normal" s’entend entre 50 et 90 battements par minute. Cette donnée peut en revanche s’avérer précieuse pour inciter à faire davantage d’activité physique si ces valeurs sont un peu trop hautes.» Pour rappel, un cœur sportif en bonne santé bat bel et bien plus lentement qu’un cœur trop sédentaire. En jeu: de subtils mécanismes de régulation cardiaque et des artères assouplies par les entraînements successifs. Qu’en est-il des palpitations elles-mêmes? «Celles que l’on ressent le plus, comme l’impression d’un cœur qui s’emballe ou qui "rate un battement", sont souvent plus angoissantes que graves. Elles peuvent s’expliquer par le stress, l’abus de caféine ou encore d’alcool, précise le cardiologue. Mais si elles persistent, s’accompagnent de douleurs dans la poitrine ou de vertiges, une consultation en urgence s’impose.»
D’où l’importance d’un dépistage régulier, en particulier chez les personnes à risque. Si l’examen repose généralement sur un électrocardiogramme (ECG) effectué par un médecin, un fait nouveau pourrait révolutionner sa prise en charge. Les protagonistes en jeu: smartphones et montres connectées, associés à l’impressionnante mobilisation de leurs fabricants. «Nous sommes aujourd’hui face à un phénomène sans précédent avec des études d’une ampleur inouïe réalisées par des géants de l’industrie», souligne le Dr Christophe Sierro, médecin-chef au sein du Service de cardiologie de l’Hôpital du Valais (HVS) et auteur d’une analyse sur le sujet parue dans la Revue médicale suisse (RMS)*. Et de citer ces exemples: « On parle de 419’000 volontaires dans une étude réalisée par Apple, 456’000 pour Fitbit ou encore 188’000 pour Huawei.» La stratégie de ces entreprises: proposer à leurs clients de participer à des études portant sur la détection de la fibrillation auriculaire, en utilisant leurs propres appareils. «Toute personne recevant une alerte concernant ce trouble du rythme s’est vue proposer un protocole précis pour confirmer ou infirmer le diagnostic et ainsi vérifier l’efficacité de son appareil connecté», résume le cardiologue. Verdict? «Réalisée dans de bonnes conditions, la détection de la fibrillation auriculaire par ces dispositifs peut être excellente. Mais au-delà de ce constat, le réel enjeu reste de déterminer si ces nouvelles technologies peuvent officiellement s’intégrer dans l’arsenal des outils diagnostiques… Les défis s’annoncent encore nombreux», poursuit le Dr Sierro.
Risque d’engorgement des consultations
Le premier risque est évident: «L’engorgement des consultations par des personnes inquiétées par des anomalies notifiées par leur téléphone, alors qu’elles sont en parfaite santé, au détriment de celles qui souffriraient d’une fibrillation auriculaire nécessitant une prise en charge précise», résume le Pr Etienne Pruvot, médecin-chef de l’Unité des troubles du rythme au sein du Service de cardiologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Et d’entrevoir la situation «idéale»: «Si l’efficacité de ces appareils est attestée par les instances médicales, ils pourraient devenir de vrais alliés pour le suivi des personnes à risque ou prises en charge pour cette pathologie.»
Mais du chemin reste à parcourir: «La question ultime sera de déterminer si ces dispositifs permettent de réduire le risque d’accidents vasculaires cérébraux liés à la fibrillation auriculaire», poursuit le spécialiste. Pour y répondre, plusieurs études sont en cours à l’échelle internationale. «Au vu des enjeux majeurs de santé publique, les futures réflexions devraient idéalement être menées par tous les acteurs impliqués, réunissant ainsi recherche médicale, industrie, associations de patients, assurances-maladies et monde politique», souligne le Dr Sierro. Et pour cause, c’est bien un monde nouveau qui se profile, mêlant santé, prouesses technologiques, éthique et questions clés autour de la protection des données.
Vous avez dit fibrillation auriculaire?
Trouble du rythme cardiaque potentiellement sévère, le plus fréquent chez l’adulte, la fibrillation auriculaire prend naissance dans l’oreillette gauche du cœur. Elle correspond à une sorte d’orage électrique entraînant une fibrillation – c’est-à-dire une contraction anarchique – localisée. L’oreillette s’emballe alors à une cadence d’environ 500 battements par minute, bien loin des 70 à 80 habituels. Même si un système de sécurité naturel intervient pour maintenir une fréquence supportable dans les ventricules du cœur, un danger majeur apparaît. «En état de fibrillation, l’oreillette ne peut plus se contracter correctement et ainsi se vider du sang qu’elle contient. Conséquence: celui-ci tourbillonne, stagne et peut se muer en caillot, explique le Dr Christophe Sierro, médecin-chef au sein du Service de cardiologie de l’HVS. Le scénario à craindre est que ce caillot se fragmente, soit emporté avec la circulation sanguine et obstrue une artère du cerveau, déclenchant alors un accident vasculaire cérébral.» Chez les personnes à risque – âgées de 65 ans et plus, souffrant d’hypertension artérielle ou de maladies cardiaques préexistantes – un traitement s’impose. Celui-ci inclut la prescription d’anticoagulants et le contrôle de l’arythmie, à l’aide de médicaments ou d’une intervention médicale au niveau du siège de l’arythmie, dans l’oreillette gauche.
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* Sierro C. Ma montre connectée dit que je palpite. Est-ce grave docteur? Rev Med Suisse. 2023 Jan 25;19(811):110-111.
Paru dans Le Matin Dimanche le 02/04/2023
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