Certaines lombalgies chroniques pourraient être traitées par des antibiotiques
Beaucoup a été écrit sur le mal de dos. Et beaucoup a été tenté. On en connaît les principales causes et les meilleures méthodes de diagnostic et de traitement. On sait aussi que l’environnement professionnel ou la pratique sportive peuvent être des facteurs aggravants ou présenter des solutions préventives. Et les médecins comme leurs patients lombalgiques chroniques connaissent les limites des médicaments antalgiques: ils servent certes à atténuer les douleurs quand ces dernières se font trop intenses, mais ils ne traitent pas la cause première.
C’est ainsi: le mal de dos chronique est souvent un casse-tête situé au carrefour de la rhumatologie, de la physiothérapie et de la neurochirurgie. Un espoir de solution est toutefois en vue: deux travaux qui viennent d’être publiés(1) pourraient changer quelque peu la donne. Ils mettent en lumière une possible cause infectieuse: la présence d’une bactérie serait à l’origine d’une proportion importante de lombalgies chroniques avec hernie discale. Et des travaux anglo-danois montrent que des soins efficaces pourraient être apportés par un traitement antibiotique.
«Bacilles diphthérimorphes, immobiles en bouillon»
La bactérie en question est bien connue des microbiologistes comme des dermatologues. Elle a pour nom Propionibacterium acnes. On la trouve à l’état normal sur la peau, dans les glandes sébacées et dans les bulbes pileux. On sait depuis peu qu’elle a les capacités génétiques de produire des molécules (des enzymes) qui peuvent dégrader la peau, et il est aussi possible de la retrouver dans les lésions de l’acné. De plus, elle peut déclencher des infections osseuses (ostéomyélite, arthrite) après certaines interventions chirurgicales orthopédiques, ophtalmologiques ou cardiovasculaires. Les spécialistes du microscope parlent à leur endroit de «bacilles diphthérimorphes, immobiles en bouillon et acapsulés, Gram +, avec parfois des ramifications».
Ce sont ces germes que les auteurs de la publication ont retrouvé dans la colonne vertébrale de lombalgiques chroniques. «La procédure standard dans le cadre d'une recherche bactériologique est de cultiver les biopsies vertébrales pendant trois jours, mais pour cette bactérie il faut laisser pousser quatorze jours sinon on ne peut pas la voir», a expliqué au quotidien français Le Figaro le Pr Claus Manniche (Université du Danemark du Sud, Odense), coauteur de deux études. La première met en évidence l'existence d'une image radiologique par résonance magnétique nucléaire (IRM) évoquant cette infection chez certaines personnes souffrant de lombalgies chroniques. La seconde révèle qu'un traitement antibiotique dans ces cas particuliers peut réduire la douleur.(2)
Trois mois d’antibiotiques
Les médecins danois (travaillant en collaboration avec des confrères de l'université britannique de Birmingham) ont mené leurs travaux auprès de 61 patients qui allaient subir une intervention chirurgicale pour une hernie discale et dont l’état nécessitait la pratique d’une biopsie. Ces malades souffraient de douleurs lombaires depuis plus de six mois et l'examen par IRM de leur colonne vertébrale montrait un aspect caractéristique dénommé «Modic 1».
La question était double. Ces modifications radiologiques correspondaient-elles à une infection par Propionibacterium acnes? Si oui, un traitement antibiotique est-il de nature à soulager les douleurs? Les médecins-chercheurs ont divisé en deux groupes leurs patients lombalgiques chroniques présentant des modifications «Modic 1» à l’examen par IRM. Ceux du premier groupe ont reçu pendant trois mois un placebo et ceux du second groupe ont reçu un traitement par antibiotique connu pour être actif sur cette bactérie: une association d'amoxicilline et d'acide clavulanique.
Traitement efficace, peu coûteux et sans danger
Résultat: au final il est apparu que seuls les patients traités par antibiotiques disaient souffrir moins souvent du dos (180 heures contre 448 heures en moyenne au début de l'étude). Et lorsqu'ils souffraient, leur douleur était moins vive qu’avant le traitement. Mieux: ce bénéfice se prolongeait et augmentait avec le temps (recul d’un an). Seuls 19% se plaignaient alors encore de douleurs constantes contre 75% un an plus tôt.
Comment expliquer un tel effet retard? Il faut compter avec les difficultés rencontrées d’une manière générale dans le traitement des infections de l’os. Le Pr Manniche invoque ainsi le temps nécessaire (comme dans le cas d’une fracture) pour qu'une structure osseuse guérisse après que le germe a été éradiqué par les antibiotiques. Pour l’heure, ces deux études pragmatiques ouvrent la voie à une nouvelle approche thérapeutique de certaines lombalgies chroniques. Des travaux complémentaires sont certes nécessaires, mais il y a déjà là des éléments qui laissent espérer qu’un traitement efficace, peu coûteux et sans danger pourra être proposé à des personnes dont les souffrances sont particulièrement handicapantes.
(1) Publications paruesdans l’European Spine Journal.
(2) On retrouvera ici le résumé (en anglais) de l’une de ces deux études et ici le résumé de la seconde.
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