Anesthésies: perdre la conscience oui – la mémoire, non

Dernière mise à jour 11/06/12 | Article
Lampe de salle d'opérations
Indispensables à la pratique chirurgicale les anesthésies peuvent avoir des effets secondaires particulièrement indésirables. Deux recherches, l’une française, l’autre américaine nous en apprennent un peu plus sur ce sujet. Et ces enseignements ne sont pas, a priori, rassurants. Résumé.

On est sans doute encore loin d’avoir pris la mesure de l’impact à moyen et long terme des anesthésies sur notre mental. Il y a un an une équipe de chercheurs de l’Institut national (français) de la santé et de la recherche médicale (Inserm) mettait en lumière quelques uns des mécanismes qui pendant (et après) une anesthésie pouvaient conduire à une modification des images que nous pouvons habituellement avoir de nous-mêmes. Ce travail (mené chez des personnes bénéficiant d’anesthésies régionales) avait été publié dans la revue Anesthesiology. Il s’agissait alors moins de mettre en cause la pratique –indispensable, on le sait – de l’anesthésie que d’étudier les processus qui permettraient de moduler l’activité du cerveau à des fins bénéfiques.

Aujourd’hui deux travaux qui viennent d’être rendus publics apportent de nouvelles lumières. Le premier est publié dans l’édition de février des Mayo Clinic Proceedings. Ses conclusions alertent sur le lien chez l’enfant entre la pratique d’anesthésies répétées et le développement des troubles du déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH). Il s’agit d’un travail de grande ampleur mené à partir des données de 5537 dossiers médicaux d’enfants nés entre janvier 1976 et décembre 1982. Dans ce groupe 341 cas de TDAH ont été identifiés et après analyse statistique il apparaît que les enfants «exposés de façon répétée à des procédures nécessitant une anesthésie générale avant l'âge de 2 ans» sont «à risque accru pour le développement ultérieur des TDAH». Ce indépendamment des autres facteurs qui pourraient être impliqués.

Plus précisément l’incidence du TDAH chez les enfants «exposés» est double (17,9% contre 7,3%) par rapport à celles observées chez ceux enfants jamais exposés. Ces résultats ne permettent pas aux chercheurs de confirmer que les anesthésies sont la cause directe des TDAH. Pour autant ile ne peuvent être tenus pour quantité négligeable.

Le second travail émane à nouveau d’un groupe de l’Inserm et ses résultats sont publiés dans la revue Anesthesiology. Ce travail a été mené chez la souris de laboratoire. Il laisse penser que le sévoflurane, un agent anesthésique couramment peut entraîner, après plusieurs administrations, des troubles de la mémoire irréversibles. Des éléments expérimentaux laissent par ailleurs penser que cet agent pourrait également déclencher des mécanismes associés à la survenue de la maladie d’Alzheimer. Ce travail a été conduit par une équipe dirigée par Luc Buee (Unité Inserm 837, Lille).

Il est bien connu que certaines personnes opérées sous anesthésie générale peuvent (dans les heures ou les jours qui suivent) présenter des troubles comme des pertes de l’orientation dans le temps ou dans l’espace. Ces troubles sont le plus souvent réversibles. Mais ils peuvent aussi persister jusqu’à trois mois chez les personnes âgées de plus de 70 ans.

Il s’agissait ici pour les chercheurs de tenter de comprendre quels mécanismes (cellulaires) étaient susceptibles d’expliquer ces effets pour le moins indésirables. Or voici qu’après l’anesthésie expérimentale ils observent sur la souris une modification des protéines dites «Tau», celels précisément qui sont impliquées dans la dégénérescence des neurones associée à la maladie d’Alzheimer. Après 24 heures, ces protéines retrouvent une activité normale. Mais après cinq doses successives de sévoflurane (à un mois d’intervalle) ces modifications des protéines Tau sont devenues irréversibles. Et les souris présentent des troubles importants et irréversibles de la mémoire.

Et chez l’homme? «Il ne faut certainement pas faire de conclusion hâtive, expliquent les chercheurs. Nous devons vérifier si tous les agents anesthésiques ont un effet similaire chez la souris, si des modèles différents de souris donnent les mêmes résultats et, chez l’homme, si l’on peut déjà identifier les produits les mieux tolérés. Il ne faudrait pas que des anesthésies, surtout répétées puissent par exemple accélérer une maladie d’Alzheimer naissante». Effectivement. Et si tel devait être le cas des mesures préventives s’imposeraient.

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