Alzheimer: comment ça marche?
Quand nous pensons à notre journée,notre mémoire assembleune série de scénarios qui sontautant de séquences de notre vie. Lamaladie d’Alzheimer s’illustre par ladifficulté, voire l’incapacité, à se remémorerces moments. La visite d’unproche devient, au mieux, un vaguesouvenir, sans accroche sur l’échelle dutemps et sans contenu précis. Les souvenirsanciens sont, quant à eux, bienmieux épargnes, du moins dans les premierstemps de la maladie.
Symptômes d’abord dans l’ombre
Les premières manifestations de la maladie sont souvent insidieuses: troubles diffus, manque de concentration, changement du caractère, retrait des activités favorites ou du cercle d’amis. Les personnes atteintes, et leurs proches, ont généralement conscience que quelque chose ne va pas, sans que des faits précis rendent l’explication évidente. Ces manifestations, parfois atténuées par une forme de déni plus ou moins conscient, sont souvent mises sur le compte de l’âge ou de pathologies physiques déjà connues. Puis, les symptômes s’accentuent: des activités quotidiennes –faire la cuisine, effectuer une réparation, conduire sur un trajet connu, remplir des formulaires, gérer les finances– deviennent progressivement problématiques, suscitant l’inquiétude ou l’irritation des proches.
Par la suite, les troubles de la mémoire, du langage, de la perception et de l’action donnent lieu à une perte d’autonomie toujours plus grande. La dépendance pour les activités quotidiennes et domestiques s’installe et la charge subie par la personne la plus proche, conjoint ou enfant, s’alourdit jusqu’à devenir insupportable. Certaines situations imposent, après un certain laps de temps, que l’aidant, épuisé par des années de soins, passe la main et se résolve à placer le patient dans une institution.
Maladie cumulative
Si la maladie d’Alzheimer est loin d’avoir livré tous ses secrets, les chercheurs soupçonnent qu’elle résulte de l’action de certaines protéines dont des fragments non éliminés par l’organisme s’accumulent au fil du temps dans certaines zones du cerveau. Deux protéines ont clairement été identifiées: la protéine Tau et le peptide Aβ amyloïde 1-42.
Mais deux hypothèses restent envisageables: le problème vient-il d’un excès de ces «produits toxiques» ou d’un défaut du «système d’épuration» conduisant à une accumulation de toutes sortes de déchets? Les deux hypothèses seraient valables, selon les cas. En effet, ces dépôts anormaux sont fréquemment observés au cours du vieillissement normal, mais le processus, extrêmement lent, ne se traduit par des symptômes que des décennies plus tard, et chez certains patients uniquement. Chez les octogénaires touchés par cette maladie, tout porte à croire qu’un déficit d’élimination de ces substances est en cause. En revanche, dans les cas de maladie d’Alzheimer d’origine génétique, la pathologie, plus agressive que dans sa forme rencontrée chez le sujet âgé, se traduit surtout par une accumulation majeure et excessive de peptide Aβ amyloïde 1-42.
Ennemi identifié, mode opératoire inconnu
Retour sur l’origine de ce peptide toxique. Issu d’une protéine indispensable à la structure de la membrane des neurones (la protéine APP), le peptide Aβ amyloïde 1-42 se forme sous l’action d’enzymes qui tronçonnent l’APP en petits fragments. Ce morcellement aboutit parfois au segment peptidique dit «1-42».
Pour des raisons inconnues, la présence en excès de cet élément se traduit par de nombreux effets délétères pour les neurones environnants: entrée massive de calcium, trop grande excitation au niveau synaptique, signaux aboutissant à l’accumulation de résidus phosphores sur une autre protéine cellulaire, la protéine Tau. De plus, ce peptide se replie anormalement et vient se coller à ses voisins pour former de petites structures fibreuses dont l’organisme s’avère incapable de se débarrasser. Elles vont constituer des plaques gélatineuses (dites «plaques séniles») qui vont progressivement s’accumuler.
De nombreux aspects de cette maladie sont encore mystérieux. Certaines personnes présentent des dépôts amyloïdes sans développer de symptômes, comme si certains cerveaux étaient capables de compenser pendant très longtemps les conséquences des lésions. A noter que les manifestations de la maladie ne sont, a priori, pas en lien direct avec les plaques séniles et les dépôts amyloïdes qui pourraient ne représenter que les cicatrices d’un combat mené auparavant. Ce sont d’autres mécanismes qui détermineraient les dysfonctionnements, puis la mort des neurones et les symptômes de la maladie d’Alzheimer.
La suite du scénario n’est encore qu’une hypothèse. L’émergence de ces plaques séniles déclencherait un mécanisme moléculaire de défense dans le cerveau. Les agents en place du système immunitaire, appartenant à une classe particulière de cellules appelée «microglie», s’activeraient pour les éliminer. Le problème est que cette réaction aurait un effet inflammatoire et toxique pour les neurones, qui finiraient par succomber.
Autre suspect
Une autre protéine s’est fait remarquer lors des enquêtes menées en laboratoire: la protéine Tau qui, comme le peptide Aβ amyloïde 1-42, présente un aspect anormal et s’accumule sous forme de fibrilles. Celles-ci provoquent l’autre lésion caractéristique de la maladie d’Alzheimer: les «tangles» ou dégénérescences neurofibrillaires situées à l’intérieur des neurones.
Ces accumulations pathogènes de la protéine Tau débutent dans la région interne du lobe temporal et étouffent le fonctionnement des neurones qui s’y trouvent. Cela expliquerait pourquoi la plupart des malades souffrent en premier lieu de troubles de la mémoire. Ce phénomène semble ensuite poursuivre son évolution en se propageant d’un neurone à l’autre et contamine tous les réseaux connectés à la première région affectée.
Missions commando
Au vu de la complexité de la maladie et des zones d’ombre, la recherche de traitements se révèle des plus difficiles. De nombreux travaux sont en cours, mais plusieurs pistes ont déjà été explorées.
L’une des plus marquantes remonte au début des années 2000. L’idée était d’éradiquer les dépôts toxiques grâce à un vaccin stimulant le système immunitaire. Mais les dommages collatéraux pour les neurones s’avérèrent gigantesques. Une immunothérapie passive fut alors envisagée. Son principe: injecter des anticorps dans le cerveau pour ne cibler que les agrégats toxiques. Cette nouvelle piste s’est jusqu’à présent révélée décevante. Toutefois, elle n’a pas totalement été écartée. De nouveaux anticorps sont à l’essai: Aducanumab, Solanezumab, Crenezumab et autres ont montré des résultats encourageants pour freiner la maladie à un stade précoce. Mais des essais cliniques doivent être poursuivis.
Aujourd’hui, de nombreux espoirs sont tournés vers la thérapie cellulaire. Basée sur la culture de neurones intacts, éventuellement issus du patient lui-même, elle permettrait de tester de manière personnalisée l’efficacité d’un médicament ou de compenser, par des neurones «neufs» ou rajeunis grâce à des facteurs de croissance, les pertes causées par la maladie. Pour l’heure, la prise en charge se conjugue donc sur plusieurs plans: traitements médicamenteux permettant de limiter les effets du déclin de l’activité des neurones, entraînements cognitifs et soutien global incluant les proches.
Conséquences insidieuses
Si la maladie d’Alzheimer est souvent la cause d’un décès prématuré, les raisons en sont indirectes. Les troubles cognitifs et de motricité engendrés réduisent la mobilité de la personne et l’affaiblissent. Parmi les problèmes fréquents: des difficultés à la prise alimentaire (danger de dénutrition et de déshydratation), chutes occasionnant des fractures (col du fémur le plus souvent) et entraînant à leur tour de multiples complications. En provoquant une immobilisation parfois longue, elles exposent le malade à des risques accrus d’infections qui, pour certaines, peuvent s’avérer fatales.
Quels facteurs de risque?
L’âge est le premier facteur derisque d’Alzheimer. En raisonde son caractère cumulatif, lamaladie avance avec l’âge: plusle temps passe, plus les dépôtstoxiques s’accumulent et moinsl’organisme parvient à y faire face.D’après les estimations, le pourcentagede personnes atteintesdoublerait tous les cinq ans.L’occurrence est ainsi d’environ2% à 65 ans, 4% à 70 ans, 8% à 75 ans, etc.
Exceptionnellement, elle peut survenirtôt, chez les 35-60 ans.Il s’agit d’une forme génétique dela maladie d’Alzheimer: trois gènessont connus pour être affectés demutations déclenchant cette formede la maladie, qui aura touché lesgénérations précédentes, égalementtrès précocement.
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Paru dans Générations, Hors-série «Tout savoir sur notre mémoire», Novembre 2016.
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