Plongée: ne pas négliger l’œdème pulmonaire d’immersion

Dernière mise à jour 06/03/18 | Article
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Mal connu, l’œdème pulmonaire d’immersion peut survenir lors d’une plongée avec bouteilles, en apnée, et même durant la natation. Une raison supplémentaire de ne pas négliger son bilan de santé avant de se remettre à l’eau.

Les eaux européennes se réchauffent doucement mais sûrement, et pour les amateurs de sports nautiques, en particulier de plongée, il sera bientôt l’heure de se remettre à l’eau. Les plongées de réadaptation sont l’occasion de faire une vérification complète de son matériel et de revoir quelques fondamentaux afin d’assurer sa sécurité et celle des membres de sa palanquée. Si la plongée, en apnée ou avec bouteilles, s’est largement démocratisée ces vingt dernières années, notamment grâce à des évolutions majeures du matériel, elle demeure une activité à risques, et bien les connaître reste le meilleur moyen de les éviter.

La formation des plongeurs loisir et des encadrants les sensibilise aux accidents de décompression (ADD) et aux barotraumatismes (provoqués par de brusques variations de pression dans les oreilles, les sinus ou les poumons). Mais un autre type d’accident de plongée, bien moins connu, peut survenir: l’œdème pulmonaire d’immersion (OPI). Il touche principalement les personnes de plus de 50 ans et hypertendues, mais il a aussi été décrit chez des plongeurs jeunes en bonne santé. Pris en charge rapidement, cet œdème évolue le plus souvent favorablement, mais des décès ont été rapportés.

Accident sous-estimé

Que faire en cas d’OPI?

Les premières mesures consistent à extraire la victime de l’eau, lui retirer tout ce qui pourrait obstruer les voies aériennes ou entraver la respiration (masque, détendeur, combinaison…), et lui administrer de l’oxygène au masque à haute concentration (débit 12-15 litres/minute). Si l’état de conscience de la victime le permet, il est préférable de l’installer en position assise. Un transfert médicalisé vers un centre de soins possédant une chambre hyperbare est recommandé, notamment en raison du risque d’accident de décompression qui peut compliquer une remontée précipitée. En Suisse, seuls les Hôpitaux universitaires de Genève sont équipés d’une chambre hyperbare avec un médecin spécialisé joignable en permanence. À l’étranger, le DAN (Diver Alert Network) offre un support téléphonique 24h/24.

Décrit pour la première fois en 1989, l’OPI est considéré comme rare, mais son incidence pourrait être sous-estimée. D’une part, lorsque les symptômes sont légers et que les plongeurs récupèrent rapidement, une consultation dans un service d’urgence n’est pas systématique. D’autre part, des erreurs diagnostiques sont fréquentes puisque l’OPI est encore mal connu des plongeurs comme des soignants, et les lésions peuvent régresser en quelques heures. Une étude réalisée en France par le centre hyperbare de Saint-Anne à Toulon, indique que 14% des accidents de plongée pris en charge entre 2005 et 2010 étaient des OPI, soit 99 cas sur 707.

L’OPI se manifeste le plus souvent par une difficulté respiratoire (dyspnée) qui peut survenir dès l’immersion mais débute le plus souvent en profondeur et s’aggrave à la remontée. Les autres symptômes sont une toux et la présence d’expectorations mousseuses voire de crachats sanguinolents, marqueurs de lésions pulmonaires. Une oppression thoracique sans véritable douleur et/ou une sensation de mort imminente ont également été rapportées. Des symptômes qui peuvent provoquer une panique chez le plongeur ou ses coéquipiers, précipiter la remontée et provoquer en plus un accident de décompression (voir encadré).

Prédispositions et facteurs favorisants

L’observation de cas d’OPI a permis d’identifier des facteurs pouvant favoriser la survenue de cet accident, parmi lesquels l’immersion dans de l’eau froide (<19 °C), l’effort physique et l’hypertension artérielle. L’âge semble jouer un rôle important chez les plongeurs en scaphandre autonome, la plupart des cas étant rapportés chez des individus de plus de 45 ans. L’obésité, le stress, une hyperhydratation ou encore la prise d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) pourraient être également impliqués, tout comme le matériel (détendeur mal réglé, combinaison serrée…). Mais ces associations restent incertaines et doivent être confirmées.

Tout évènement suspect et inhabituel survenant dans les 24 heures après une plongée devrait faire l’objet d’une consultation médicale et l’OPI n’échappe pas à cette règle. En cas d’accident avéré ou hautement suspect, un bilan cardiologique et pulmonaire devrait être pratiqué. La recherche d’une hypertension artérielle devra être effectuée dans tous les cas.

À noter qu’une nouvelle consultation subaquatique et hyperbare a ouvert récemment au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Elle reçoit des plongeurs loisir et professionnels.

Mécanismes physiologiques

L’œdème se caractérise par le passage de liquide de la circulation sanguine dans les poumons. Il est la conséquence d’une augmentation du gradient de pression de part et d’autre de la paroi des capillaires et d’une rupture de la barrière alvéolocapillaire. Plusieurs paramètres contribuent à cette situation, à commencer par une augmentation de la pression artérielle pulmonaire en amont des alvéoles. Celle-ci résulte notamment d’un transfert de sang de 250 à 700 ml (blood shift) de la périphérie du corps vers le thorax, en raison de l’augmentation de la pression qui s’exerce sur le corps du plongeur. La diminution de la pression intra-alvéolaire, ainsi que la contraction des capillaires alvéolaires et des vaisseaux en périphérie jouent également un rôle dans l’apparition de l’OPI.

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Adapté de «Œdème pulmonaire d’immersion», Dr B. Desgraz et al., Revue Médicale Suisse, 2017;13;1324-1328.

Paru dans Planète Santé magazine N° 29 - Mars 2018

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