Savoir nager ne suffit pas à éviter la noyade
Chaque année, en Suisse, quelque 45 personnes meurent par noyade, selon la Société suisse de sauvetage (SSS). Dans 90% des cas, ces accidents ont lieu dans les lacs et les rivières, et la grande majorité des décès concerne des hommes âgés de 15 à 30 ans. Comment prévenir ces drames?
Un endroit sûr… ou pas!
Se baigner en toute sécurité
Pour une baignade en sécurité, la Société Suisse de Sauvetage propose différentes règles.
- Les enfants au bord de l’eau doivent toujours être accompagnés.
- Ne pas plonger ni sauter dans des eaux troubles ou inconnues.
- Ne jamais se baigner après avoir consommé de l’alcool ou des drogues.
- Les matelas pneumatiques ainsi que tout matériel auxiliaire de natation ne doivent pas être utilisés en eau profonde.
- Ne jamais sauter dans l’eau après un bain de soleil prolongé.
- Ne jamais nager seul sur des longues distances.
- Porter des gilets de sauvetage en rivière – en rappelant qu’il est obligatoire pour les canoéistes.
- Explorer d’abord les tronçons de cours d’eau inconnus – notamment en rivière.
- Ne jamais dépasser la charge utile d’une embarcation.
- Seuls les bons nageurs s’aventurent dans des eaux libres (rivières, étangs et lacs).
- Ne jamais attacher les canots ou autres engins pneumatiques les uns aux autres.
- Un séjour prolongé dans l’eau peut entraîner des crampes musculaires. Plus l’eau est froide, plus court y sera le séjour.
Nager en rivière ou dans un lac est tentant, surtout quand le soleil revient, mais ce n’est pas sans danger: «Depuis que des aménagements ont été installés au bord du Léman et du Rhône à Genève en 2013, le nombre de décès a été multiplié par trois, déplore le Dr Robert Larribau, médecin adjoint aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et responsable de la centrale d’urgences 144. Je pense que l’énorme erreur a été de ne pas avoir installé de plages surveillées en prolongement de ces aménagements.» En clair: cette permission de baignade dans des lieux autrefois interdits donne l’impression qu’elle est sûre. Or, le sol instable, la profondeur, le courant, les tourbillons et la chaleur peuvent surprendre – il faut donc être attentif aux circonstances. Ce d’autant que «savoir nager ne suffit pas pour éviter la noyade», rappelle Christoph Merki, porte-parole de la SSS.
En gros, précise-t-il, le bon réflexe est de se préparer avant même de sortir de chez soi: «Il suffit de chercher sur internet quelques cartes du lieu où vous vous rendez pour connaître la localisation des zones dangereuses, la profondeur des plages, la zone de sortie des rivières, la météo, et de prendre avec vous une aide à la flottaison, comme un sac étanche.» Ce genre d’accessoire, conçu pour la natation, permet non seulement de garder ses affaires au sec, mais aussi d’avoir un objet flottant auquel se raccrocher le cas échéant.
Attention aux chocs thermiques
Dans 10% des décès, un choc thermique, ou hydrocution, est en cause. Lorsque le corps chaud est brusquement plongé dans une eau froide, les vaisseaux sanguins se contractent, ce qui amène un afflux de sang vers le cœur. Il en résulte un réflexe du système nerveux parasympathique, un ralentissement du cœur et une diminution de l’irrigation du cerveau, avec perte de connaissance. Il y a donc noyade sans inhalation d’eau.
Dans les 90% des cas restants, c’est le contact de l’eau avec les bronches qui provoque une apnée réflexe et parfois un spasme du larynx. La respiration est entravée, le sang n’est plus correctement oxygéné et des troubles de la conscience apparaissent. La personne a alors tendance à laisser encore plus d’eau entrer dans les poumons, ce qui entrave davantage encore leur fonction d’oxygénation. Il s’agit donc d’une cascade d’événements qui peut mener à la perte de conscience et à la mort.
Une petite bière avant le bain? Mauvaise idée!
Autre cause d’accident: la consommation d’alcool avant une baignade. À Genève, par exemple, 40 à 45% des noyades survenues lui sont imputables. Les raisons? D’abord, la dilatation des vaisseaux sanguins provoquée par les boissons alcoolisées –un phénomène qui augmente le risque de choc thermique. Ensuite, une atteinte des réflexes –notamment les oropharyngés, aussi nombreux qu’essentiels dans la gestion de la respiration en milieu aquatique. Enfin, l’altération du jugement. Après un verre déjà, les capacités et la force sont surestimées et les comportements à risque se multiplient. La règle est donc simple: des boissons non alcoolisées avant et pendant la trempette, la petite bière, c’est après!
Une vigilance constante pour les enfants
On le sait, il est indispensable de garder un œil sur sa progéniture en permanence. De lui faire porter des brassards ne réduit pas la nécessité de surveiller les enfants, comme le rappelle la SSS: «Ce ne sont que des aides à la nage qui n’offrent aucune protection contre la noyade.» Le risque? Ils peuvent basculer la tête en avant sans réussir à la relever seuls –et la noyade peut survenir en quelques minutes. En conséquence, la SSS recommande d’équiper les enfants de gilets de sauvetage qui permettent une flottabilité constante.
Comment réagir?
Si une noyade survient autour de soi, le premier réflexe est d’alerter les secours. Jeter une bouée, tendre une perche ou tout autre objet gonflable permet de ne pas se mettre soi-même en danger. Se jeter à l’eau ne doit se faire que lorsque le risque pour soi est très faible. Pour celles et ceux qui voudraient approfondir leurs connaissances et habituer leurs bons réflexes, la Société suisse de sauvetage offre des cours pour tous les niveaux. Avec tout cela en tête, l’été promet d’être bien plus radieux!
Croyances et fausses idées sur la noyade
Il existe de nombreuses croyances au sujet de la baignade. Mais sont-elles avérées?
Il ne faut pas se baigner directement après avoir mangé.
Faux. La médecine n’a jamais pu prouver cette légende urbaine. Cependant, avoir l’estomac trop plein augmente les risques de vomissements lorsque quelqu’un boit la tasse. En cas de perte de conscience au même moment, le risque existe de s’étouffer, même s’il reste assez faible.
Il ne faut pas sauter rapidement dans l’eau s’il fait chaud.
Vrai. En cas de différence de température trop importante entre le corps et l’eau, le risque d’hydrocution ou choc thermique existe et peut parfois s’avérer fatal.
Il ne faut pas manger des cerises avant de se baigner.
Faux. Les cerises n’ont pas d’effet spécifique qui augmenterait les risques de noyade… sauf si elles sont accompagnées d’alcool.
Une personne qui se noie est bruyante.
Faux. S’il existe des cas d’agitation dans certaines situations, la noyade est dans la majorité des cas silencieuse. D’où le besoin d’une vigilance importante pour apercevoir la disparition soudaine d’un nageur.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 16/06/2024