Bouger dès le berceau
A ne pas confondre avec le sport, l’activité physique se caractérise par des efforts induisant une dépense énergétique supérieure à celle enregistrée au repos. Mais le mode de vie actuel des sociétés industrialisées rend les enfants sédentaires et captifs de toutes sortes d’écrans qui stimulent constamment leur esprit plutôt que leur corps. Ecrans omniprésents, recours croissant aux transports motorisés…: ces mutations réduisent le volume d’activité physique et augmentent les temps quotidiens de passivité, rendant les adultes comme les jeunes enfants de plus en plus inactifs.
Sous l’impulsion de travaux et de recommandations canadiens sur la limitation du temps télévisuel au profit de l’activité physique, la Suisse romande a pris elle aussi conscience des risques sanitaires liés au phénomène. Depuis peu, elle s’enrichit de publications portant sur les spécificités pédiatriques.
Vous avez dit «sport»?
Dans cette lutte contre l’immobilité, le sport et son cortège de règles sont inadaptés aux plus petits. Trop intenses, la compétition et la performance ne seraient pas toujours adaptées à leurs capacités ni à leurs besoins. On l’oublie trop souvent, mais l’activité physique est au contraire un exercice dynamique accessible à tous, y compris aux bébés dès qu’ils sont en âge de se mouvoir. Jusqu’à l’âge de trois ans, tenir les enfants loin des écrans et les inciter, environ trois heures par jour, à jouer au sol, ramper ou marcher répond à leurs besoins et installe déjà de bonnes habitudes de vie. Dès l’âge de trois ans et dans les années suivantes, adapter l’activité physique (sautillements, jeux extérieurs, activités extra-scolaires, jeux de balle, vélo…), en limitant l’utilisation des transports motorisés et le temps devant les écrans (1h/j au maximum entre 3 et 4 ans et 2h/jour au maximum entre 5 et 6 ans), renforce les acquis (notamment chez les petits garçons). Débuter tôt et maintenir une activité adaptée à l’âge de l’enfant : voilà comment créer un cercle vertueux, en particulier si l’espace de vie est sécurisé et si la présence d’autres enfants crée une émulation positive.
Tel parent, tel enfant
Un contexte propice: il n’en faut pas plus pour donner le goût du mouvement aux plus petits, avant même leur entrée à l’école. Mais pour conjuguer le verbe «bouger» collectivement on ne saurait se passer du rôle de premier plan des adultes, enseignants, personnel de garderie, famille, mais aussi et surtout parents. Premiers modèles de leurs enfants, les parents influencent leur progéniture de manière déterminante. Par leur encouragement, leur participation physique, logistique et organisationnelle lors des activités physiques, ils orientent favorablement leurs enfants – surtout les plus jeunes – vers un mode de vie actif générateur d’estime de soi.
Autre point auquel les parents doivent être attentifs: le comportement des petits, qui ne consacrent par nature que quelques secondes à une même activité avant d’en changer. Une attitude en apparence décousue qui peut laisser penser, à tort, qu’une agitation excessive et anarchique les anime et qu’ils sont donc «suffisamment actifs» au cours de la journée. Or, cela n’implique pas un taux d’activité physique réellement suffisant.
Bienfaits précoces et futurs
Aucun doute: préférer à la sédentarité les bienfaits reconnus d’une activité physique régulière est une démarche qui paie. La liste des bénéfices pour la santé est longue: prévention de l’obésité et de nombreuses pathologies, amélioration de la qualité du développement physique, moteur et cognitif, bonne santé osseuse, psychosociale, cardio-métabolique et mentale, amélioration des performances scolaires, etc.
Et la portée de l’investissement ne s’arrête pas là: les bonnes habitudes précoces insufflées par les aînés trouvent leur prolongement à long terme. Elles ont toutes les chances de jeter les bases de la bonne condition physique du futur adulte. Mieux encore, elles permettent la mobilisation ultérieure des habiletés motrices acquises très tôt dans des activités de «sport bien-être» qui procurent du plaisir.
Paprica
Consciente de ces implications, la Suisse romande s’empare du problème et cherche à essaimer les bonnes pratiques. Elle concentre ses efforts sur la prévention et la formation des professionnels de santé, encore trop peu habitués à traiter ces situations. «Paprica (Physical Activities in Primary Care) petite enfance» est au cœur du dispositif. Spécifiquement consacrée à l’activité des enfants de 0 à 6 ans, la formation est destinée au corps médical et para-médical: médecins de famille, sages-femmes, infirmières. Outils à l’appui, ces derniers sont sensibilisés à aborder ce thème lors des entretiens avec les familles pour déceler la sédentarité, un mal difficile à quantifier. Objectif? Être apte à conseiller les familles sur les bienfaits de la stimulation du mouvement dès le berceau. Grâce à des supports pratiques au graphisme attrayant, les intervenants promeuvent l’activité physique comme gage de santé et préconisent les changements comportementaux utiles. Inédite et pertinente, la démarche pourrait bien modifier les mentalités et inciter les parents à exercer une activité physique régulière avec leurs enfants pour mieux préparer leur santé d’adultes.
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Références
Adapté de «Le sport : dès la naissance?», Dr Lise Miauton Espejo, Dr Mario Gehri, Département médico-chirurgical de pédiatrie, Hôpital de l’Enfance de Lausanne; Nicola Soldini, Ligues de la Santé, Lausanne. In Revue Médicale Suisse 2014;10:1438-44, en collaboration avec les auteurs.
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