La sieste: encore mieux en se berçant!
Vous n’êtes pas du genre à vous endormir n’importe où, n’importe quand, et pourtant un trajet en train et vous voilà à piquer du nez… puis finalement à dormir comme un bébé. La raison? Le doux bercement des wagons, comme celui d’un hamac ou des bras d’un parent pour le nourrisson, double la vitesse d’endormissement! C’est ce que viennent de démontrer les équipes de Sophie Schwartz et Michel Mühlethaler, tous deux professeurs au Département des neurosciences de la Faculté de médecine de l’Université de Genève1.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont soumis des adultes à des siestes de 45 minutes, tout en suivant leur activité cérébrale par le biais d’un électroencéphalogramme. Un groupe dormait sur un lit normal, l’autre sur un lit animé d’un lent balancement (0,25 Hz, soit un mouvement d’aller-retour en 4 secondes). «Nous avons pu observer que le bercement facilite l’endormissement en favorisant des oscillations cérébrales synchrones spécifiques au sommeil, rapporte Sophie Schwartz. Et cela chez tous les sujets, sans aucune exception». Ces conclusions ont été accompagnées d’une découverte plus inattendue: le bercement induit également un sommeil plus profond et plus récupérateur pour une durée de sommeil égale.
Sieste: une pause sacrée pour bébé!
Sans hésiter, les spécialistes du sommeil se rallient à l’adage populaire «On ne réveille pas un enfant qui dort.» «Jusqu’à l’âge de 4 ou 5 ans, les siestes sont indispensables à la maturation cérébrale des enfants et à l’intégration de la multitude de nouvelles informations qu’ils enregistrent, indique le Dr Stephen Perrig, neurologue et responsable du Laboratoire du Sommeil des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Réveiller les plus jeunes serait contre-productif pour leur développement.» Une étude a d’ailleurs montré une performance accrue de 15% sur un jeu de memory pour des enfants en âge préscolaire ayant fait une sieste. A l’inverse, rien d’étonnant à ce que nos bambins rechignent à aller dormir l’après-midi du haut de leur 4 ou 5 ans: ayant allongé leur temps de sommeil la nuit, ils commencent à cet âge à pouvoir se passer d’une sieste.
«Par ailleurs, les bénéfices connus du sommeil de nuit au niveau de la mémoire se retrouvent dans une sieste prolongée, explique la spécialiste. Nous avons fait apprendre des listes de paires de mots à des participants, puis laissé une partie d’entre eux faire une sieste. En réitérant le test de mémoire quelques heures plus tard, ceux qui avaient dormi avaient des résultats améliorés d’environ 20%. Trois mois plus tard, les bénéfices étaient encore présents, montrant qu’une sieste favorise la consolidation des souvenirs aussi sur le long terme.» Pour rappel, c’est en effet lorsque nous dormons que les nouvelles informations enregistrées à l’éveil se consolident dans notre mémoire. Cela fonctionne donc la nuit… comme lors d’une sieste. Et potentiellement encore mieux si elle s’est faite en se berçant. De quoi réhabiliter les rocking-chairs de nos grands-mères et installer un hamac dans le salon!
Mais attention: ce «bénéfice mémoire» est à viser plutôt un jour de repos, que dans l’heure précédent une réunion. Et pour cause, «prolonger une sieste au-delà de 30 minutes peut générer une "inertie du sommeil", un état dissocié dont on ne sort parfois complètement qu’au bout de deux à trois heures», explique le Dr José Haba-Rubio, neurologue au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois. Second effet secondaire d’une longue sieste: une nuit raccourcie! «Notre quota d’heures de sommeil est stable sur 24 heures, donc si l’on s’offre une sieste de deux heures, il faudra s’attendre à dormir deux heures de moins la nuit suivante», poursuit le médecin.
Pour un effet récupérateur immédiat, l’idéal est de viser une sieste de 5 à 20 minutes en début d’après-midi. Bénéfice assuré en termes de vivacité et de vigilance!
Alors, tous à la sieste? Les médecins sont unanimes, la sieste est idéale pour récupérer d’une mauvaise nuit, limiter les risques d’accident dus à la somnolence, abaisser la tension artérielle, améliorer l’humeur, accroître ses performances avant une épreuve physique ou mentale. Mais le Dr Stephen Perrig, neurologue et responsable du Laboratoire du Sommeil des Hôpitaux Universitaires de Genève, qui a également participé à la récente étude sur le bercement, apporte un bémol: «De manière générale, il n’est pas conseillé pour une personne qui souffre d’insomnie de faire des siestes systématiques, mieux vaut concentrer les heures de sommeil la nuit.»
Les auteurs de l’étude genevoise envisagent d’ailleurs d’étudier les effets du bercement sur des nuits entières, en particulier pour des patients souffrant d’insomnie. Des lits berceurs remplaceront-ils un jour les somnifères? Pourquoi pas…
1. Etude parue dans la revue américaineCurrent Biology,juin 2011
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