Traitée à temps, la progression du vitiligo peut être ralentie

Dernière mise à jour 30/10/16 | Article
Vitilgo
Avant tout considérée comme un problème esthétique, cette maladie de la pigmentation cutanée est souvent oubliée par les médecins. Un diagnostic précoce peut pourtant améliorer sa prise en charge.

De quoi on parle

Il a 21 ans, est né à Haïti et vit à New York depuis plus de dix ans. Ralph Souffrant est devenu la nouvelle coqueluche des défilés de mode, et les créateurs se l’arrachent. Le jeune homme fait partie de ces mannequins repérés pour leurs «différences». Le corps parsemé de taches dépigmentées, Ralph Souffrant est atteint de vitiligo. Après des années à encaisser des moqueries sur son physique, afficher sa maladie sur les catwalks du monde entier est une revanche pour le jeune homme, étudiant en dermatologie. C’est aussi pour lui un message fort à destination des nombreux patients atteints de cette maladie.

Ralph Souffrant, Chantelle Brown-Young et Breanna Rice exercent le même métier: top modèle. Mais si leurs noms sont souvent associés c’est pour une autre raison: les trois mannequins sont atteints de vitiligo, une maladie dermatologique qui touche entre 0,5% et 1% de la population. En cause, une destruction progressive des mélanocytes, cellules fabriquant la mélanine qui est un pigment de la peau. La maladie conduit ainsi à une dépigmentation de la peau. Comme les autres pathologies dites «affichantes», le vitiligo peut avoir des conséquences sociales importantes. Si, pour l’heure, la maladie ne se guérit pas, des options thérapeutiques existent pour ralentir sa progression, voire repigmenter certaines zones.

Stress déclenchant

Le vitiligo est souvent consécutif à un stress physique (coup de soleil, frottement, exposition à des produits chimiques,…) ou psychique. La maladie peut se déclencher à tout âge, mais elle se révèle souvent aux alentours de la vingtaine. «J’avais 18 ans et je venais d’apprendre que j’avais un problème à la thyroïde», raconte Céline, jeune maman, qui, depuis, a vu se multiplier les lésions sur différentes zones de son corps et de son visage.

Le vitiligo n’est pas encore totalement compris mais l’existence d’une composante auto-immune, c’est-à-dire d’une réaction excessive du système de défense de l’organisme, ne fait plus guère de doute. «Le vitiligo est d’ailleurs souvent associé à d’autres maladies de ce type, telles que les thyroïdites auto-immunes, le diabète de type 1, ou le lupus, explique Curdin Conrad, médecin adjoint au service de dermatologie du CHUV. Il est donc recommandé de faire un bilan lors du diagnostic du vitiligo.»

Ce diagnostic est aujourd’hui facilement posé, pourtant les réponses proposées ne sont pas toujours adaptées. «Lors des groupes de paroles organisés par l’association, certains patients racontent être allés de médecin en médecin avant d’être réellement pris en charge», déplore Adelheid Witzeling, infirmière et responsable du groupe genevois de la Société suisse du psoriasis et du vitiligo. Certains médecins considèrent encore le vitiligo comme un problème esthétique et ne proposent pas de traitement. Pourtant, agir tôt augmente le taux de réponse aux traitements. «Il est important de limiter l’extension des lésions, insiste Curdin Conrad. Plus la dépigmentation est limitée en surface, plus il est facile de la traiter.»

Les traitements proposés en première intention reposent sur l’application de crèmes contenant des corticoïdes ou du tacrolimus. Ils limitent localement la réaction immunitaire, et donc la destruction des mélanocytes et peuvent être couplés à la photothérapie. La stimulation des précurseurs des mélanocytes, les mélanoblastes, peut permettre de restaurer une certaine pigmentation. «Les mains et les pieds sont par contre plus difficiles à repigmenter que le visage», relève le Dr Conrad.

La greffe mélanocytaire est également en train de se développer. Elle consiste à injecter dans les zones décolorées des mélanocytes prélevés sur une partie de la peau intacte, et mis en culture. Dans de très rares cas, quand il reste très peu de peau encore colorée, une dépigmentation intégrale peut être envisagée. C’est ce traitement qu’aurait subi le chanteur Michael Jackson, atteint lui aussi de vitiligo. «Je l’ai rendu blanc parce qu’il était malade», avait ainsi expliqué en 2009 Arnold Klein, son dermatologue.

infog vitiligo

De nouveaux gènes ont été découverts

Le vitiligo est une maladie multifactorielle, avec une composante génétique de mieux en mieux comprise. Une vingtaine de gènes de susceptibilité avaient déjà été identifiés, dont certains en lien avec la pigmentation de la peau ou la réponse immunitaire.

En octobre dernier, une liste de 23 nouveaux gènes en lien avec la maladie a été publiée dans la revue Nature Genetics. Des résultats obtenus grâce à l’analyse du génome de près de 4700 patients atteints de vitiligo et de 40 000 personnes non-atteintes de cette maladie.

Les chercheurs ont par ailleurs montré que c’est la régulation plus que la structure des gènes qui serait modifiée chez les patients.

Le vitiligo n’est pas héréditaire, mais des prédispositions familiales existent: le risque de développer la maladie est plus élevé quand un parent au premier degré est déjà atteint.

Nouvelles cibles thérapeutiques

Les mécanismes moléculaires à l’œuvre dans le vitiligo sont de mieux en mieux compris. Les interleukines (6, 8 et 17) et l’interféron, qui sont des protéines impliquées dans le fonctionnement du système immunitaire, ou encore le TNF, une molécule essentielle à la communication intracellulaire, semblent participer au développement de la maladie et pourraient devenir de nouvelles cibles thérapeutiques. Une étude récente a montré que le tofacitinib, utilisé habituellement dans le traitement de l’arthrite rhumatoïde, avait amélioré la repigmentation d’une patiente. Des résultats intéressants, mais «qui demandent à être reproduits chez un plus grand nombre de patients», selon le Dr Conrad.

Les traitements topiques (qui agissent localement, en l’occurrence sur les parties dépigmentées, ndlr) et la photothérapie peuvent également être prescrits dès l’enfance. «Il ne faut pas sous-estimer le poids psychologique de la maladie chez les plus jeunes», souligne Adelheid Witzeling. Ralph Souffrant, a déclaré au sujet de ses taches, dans une interview au magazine Vogue: «Enfant, je les détestais. On se moquait de moi, on me dévisageait. Aujourd’hui je les ai acceptées, et j’aime ma singularité.» Céline, elle, a dès le début de sa maladie opté pour l’acceptation: «Je refuse d’ailleurs de parler de maladie, ça ne m’empêche pas de vivre, ni de faire tout ce que j’aime.» Formatrice, elle dit n’avoir jamais ressenti de curiosité de la part de ses étudiants: «Les jeunes enfants, eux, posent des questions, je leur explique alors simplement que ma peau se décolore.»

Des messages pleins d’espoir et très utiles selon Adelheid Witzeling: «L’expérience de personnes, connues ou pas, qui vivent bien avec la maladie est très utile aux patients. Mais il faut être prêt à les entendre, il y a tout un chemin personnel à parcourir pour oser se montrer.»

Les produits cosmétiques peuvent aider

«Il n’est pas toujours facile de changer le regard des autres, mais on peut changer le regard que nous portons sur nous-mêmes.» Françoise Chow est infirmière, et c’est dans un service de grands brûlés, à Paris, qu’elle a commencé à s’intéresser aux soins infirmiers esthétiques.

Maintenant installée en Suisse, elle travaille en collaboration avec des dermatologues pour proposer des consultations aux patients atteints de maladies affichantes. «Quelle que soit la problématique, je retrouve toujours le souhait – pas toujours verbalisé – d’adoucir la réalité, explique l’infirmière. Il y a encore un non-dit face à ce besoin esthétique.» En juin dernier, elle a proposé des ateliers pour les membres de la Société suisse du psoriasis et du vitiligo.

De nombreux produits ont été développés pour permettre une correction du teint adaptée au plus grand nombre, hommes ou femmes. Ces cosmétiques, très chargés en pigments, sont destinés au visage mais aussi aux autres parties du corps, telles que les mains ou les jambes. «Ils sont résistants aux frottements, à la chaleur et à l’eau, ce qui permet, par exemple, de pouvoir à nouveau aller se baigner», souligne Françoise Chow. L’infirmière regrette que ces produits ne soient, en Suisse, pas pris en charge par les assurances-maladie, contrairement au Royaume-Uni. «Grâce à ces produits les patients ont une meilleure qualité de vie, ils renouent avec leur vie sociale, et ce mieux-être a un effet global sur la santé.»

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