Courir oui, mais sans se blesser

Dernière mise à jour 16/09/20 | Article
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Naturelle et exigeante à la fois, la course à pied défoule, rebute ou fait envie. Et, c’est vrai, blesse souvent. Conseils de spécialistes à l’occasion de la sortie du livre Je bouge… en courant sans me blesser*.

Courir, moi? «Jamais!», «Autant que possible!», «Quand mon genou ira mieux!». Parce que la course à pied est simple, peu exigeante en temps et en matériel, particulièrement intéressante pour son rapport investissement / bénéfices pour le corps, elle suscite un engouement sans cesse renouvelé et trotte même, tôt ou tard, dans la tête des plus sédentaires. Le problème? Simple ne signifie pas sans risque. «Selon la population et la région étudiées, le risque de se blesser oscille entre 25 et 70% sur une saison», indique François Fourchet, physiothérapeute à l’Hôpital de La Tour. Et de préciser: «Les blessures ne sont souvent pas les mêmes chez les coureurs novices et chez les adeptes bien entraînés. En résumé: par manque d’une musculature adaptée et protectrice, les premiers s’exposent davantage aux blessures osseuses et cartilagineuses, tandis que les seconds, intensifiant toujours plus leurs efforts, ont un risque accru de lésions des structures dites molles, les tendons notamment.» Les clés pour s’en prémunir? Elles sont nombreuses, parfois exigeantes au regard de l’envie de repousser sans cesse ses limites, mais également empruntes de bon sens. «95% des lésions résultent d’une inadéquation entre l’aptitude du corps à s’adapter et la durée ou l’intensité des courses effectuées», note le Pr Vincent Gremeaux, responsable du Centre de médecine du sport du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Sept conseils pour débuter, poursuivre ou exceller dans la course à pied tout en préservant muscles, tendons et articulations.

Des blessures caractéristiques

La course à pied expose à des blessures spécifiques. Les plus fréquentes?

  • Lésions tendineuses (genou, tendon d’Achille, aponévrose plantaire)
  • Fracture de fatigue (pied, tibia)

Les signes qui doivent alerter? Toute douleur persistante, unilatérale et inhabituelle.

Passer par la case médecin si besoin

«Les contre-indications à la course à pied sont rares, mais elles existent, indique le Pr Gremeaux. Il s’agit principalement des pathologies non stabilisées, qu’elles soient cardiaques, vasculaires ou articulaires, mais également du diabète et de l’obésité.» Contrairement à un sport «porté», comme le cyclisme, la course à pied expose en effet à une charge importante pour l’organisme, en particulier sur les structures osseuses et articulaires des membres inférieurs. «Si celles-ci sont fragiles ou confrontées à un poids de corps proportionnellement trop élevé, le risque de blessure est réel, poursuit le spécialiste. Un avis médical est donc conseillé afin de préparer la pratique – en passant si besoin par un programme de physiothérapie – ou l’adapter au mieux.» Autre circonstance justifiant une consultation médicale: tout symptôme inhabituel apparaissant à l’effort. Celui-ci peut être d’ordre cardiaque (douleur dans la poitrine, palpitation, sensation d’arythmie, etc.) ou plus mécanique (douleur unilatérale au niveau d’un genou, d’une cheville, par exemple).

En l’absence de problème de santé, consulter un médecin du sport peut s’avérer utile après une pause sportive de plusieurs années. L’objectif: appréhender au mieux les entraînements avec un corps qui a pu changer un peu, ou beaucoup.

Miser sur la progressivité

C’est la règle numéro un. En débutant, poursuivant ou reprenant la course à pied, la tentation peut être grande d’intensifier l’effort prématurément en courant trop, trop vite, trop longtemps. Et si souffle et cœur ont tendance à peiner lors de la reprise, ce ne sont généralement pas eux qui vont poser problème par la suite. «Les adaptations cardiaques et respiratoires sont bien plus rapides que celles de l’appareil locomoteur, explique le Pr Gremeaux. A raison de deux entraînements hebdomadaires de trente minutes par exemple, les résultats, notamment en termes de souffle, sont spectaculaires dès la troisième semaine. En revanche, les articulations ont besoin de davantage de temps.» Un genou gonflé et douloureux après une course est un symptôme typique d’un effort excessif. Les solutions: fractionner les entraînements et progresser en augmentant les distances avant de miser sur la vitesse.

Renforcer la structure

Tôt ou tard, il faut y passer. «Cela peut être frustrant quand l’envie de courir est enfin là, mais après des années sans pratique sportive, il est souvent nécessaire de commencer par du renforcement musculaire, en particulier des membres inférieurs», note le Pr Gremeaux. Gainage, squat et autres fentes pratiqués assidûment sont en effet les garants d’une structure musculaire solide qui va pouvoir absorber les impacts engendrés par la course, tout en préservant tendons et articulations. «Les coureurs chevronnés n’en sont pas dispensés, bien au contraire, précise François Fourchet. Pour passer une étape, aller vers de meilleures performances, il est nécessaire d’ajouter ou d’intensifier le renforcement musculaire – sous forme d’exercices ciblés ou de Pilates par exemple. Même à haut niveau, simplement courir ne suffit pas pour progresser ou tenter de réduire le risque de blessures.»  

Efforts sous contrôle?

Test d’effort et test de performance sont d’un intérêt à discuter au cas par cas. Les explications du Pr Vincent Gremeaux, responsable du Centre de médecine du sport du CHUV.

 

  • Le test d’effort: réalisé par un cardiologue, il vise à déceler tout signe de souffrance cardiaque associée à un effort. Ce test est recommandé en cas de symptômes à l’effort ou en présence de facteurs de risque cardiovasculaire: sédentarité, tabagisme, hypercholestérolémie, hypertension artérielle, diabète, surpoids.

 

  • Le test de performance: effectué au sein d’un centre médical ou sportif, il permet de définir les zones d’effort optimales d’entraînement selon les objectifs et la condition physique du sportif.

Se réjouir de ses courbatures

Que faire en cas de courbature? Rien. Indices flagrants et douloureux que les muscles ont travaillé, elles ne constituent pas un danger, au contraire. «Les courbatures correspondent à de microlésions musculaires causées par une pratique sportive inhabituelle ou trop intense, explique le Pr Gremeaux. Mais surtout, elles sont la preuve d’une adaptation, puisqu’en se réparant, elles vont laisser place à des fibres musculaires plus solides.» Résultat: au fil du temps, le même exercice ne causera tout simplement plus de douleur. Et si aucune courbature ne se fait jamais sentir? «C’est le signe que le niveau d’exercice est “facile“ pour le corps. Cela ne veut pas dire qu’il ne travaille pas – le système cardiovasculaire s’active bel et bien – mais l’entraînement peut être envisagé plus intensément ou sur une durée plus longue si le pratiquant souhaite améliorer ses performances», conseille l’expert.

S’étirer oui, mais pas n’importe quand

Le sujet est complexe et fait débat. «On a ironiquement tendance à dire que les étirements ne servent à rien mais qu’ils sont indispensables», note Guillaume Servant, physiothérapeute à l’Hôpital de La Tour. Avant de préciser: «La vertu première des étirements est de redonner de la longueur et de l’élasticité à des fibres musculaires raccourcies par le temps ou l’activité sportive. Sauf que tous les groupes musculaires n’ont pas les mêmes besoins. Etirer les ischio-jambiers par exemple est excellent, mais les mollets, pas forcément, même si la sensation peut être agréable après une course.» Une chose est sûre: les étirements ne doivent pas être pratiqués avant l’effort, sur des muscles «froids», au risque d’engendrer des lésions susceptibles de s’aggraver pendant la course. L’idéal? «Envisager des séances spécifiques d’étirements, à distance des courses ou après des entraînements peu intenses», conseille le physiothérapeute.

Choisir chaussure… à son pied

Les études se sont multipliées et se multiplient encore. Leur verdict sur la chaussure idéale? «Le confort, et rien que le confort!», répond François Fourchet. Forme, tissu, amortisseur, épaisseur des semelles: l’idéal est d’essayer et de se faire confiance. «Une personne légère ayant une foulée dynamique ne s’orientera de toute façon pas vers une chaussure lourde, poursuit le spécialiste. Pour les coureurs chevronnés, les conseils peuvent bien sûr s’affiner, le laçage lui-même peut avoir son importance, mais les sensations de confort restent le critère majeur.»

Se faire accompagner

Pour éviter des erreurs à l’origine de blessures, progresser, s’épanouir dans la course à pied, se faire conseiller par des professionnels – médecin du sport, physiothérapeute, coach sportif – s’avère souvent utile un jour ou l’autre. «Le schéma n’est plus celui d’imposer une course universelle à viser coûte que coûte, se réjouit François Fourchet. Mais au contraire d’accompagner un coureur tel qu’il est. S’il attaque le sol par le talon par exemple – ce qu’on cherchait à corriger quasiment systématiquement il y a encore quelques années –, le travail va notamment consister à renforcer les structures protégeant les zones à risque, comme les genoux. En parallèle, certaines erreurs peuvent néanmoins être corrigées si elles s’avèrent rédhibitoires: des foulées trop longues, des entraînements mal répartis dans le temps, des terrains de course trop monotones.» Et de conclure: «Si courir est naturel, pratiquer la course à pied s’apprend aussi.»

* Je bouge… en courant sans me blesser, François Fourchet, Guillaume Servant, Ed. Planète Santé, 2020.

5 minutes pour se tester

En perte de repères et de confiance mais cultivant l’envie d’enfin vous mettre – ou remettre ­–à courir: et si vous osiez ce test tout simple proposé par les physiothérapeutes François Fourchet et Guillaume Servant dans leur livre Je bouge… en courant sans me blesser*? L’idée: courir cinq minutes sans s’arrêter (après quelques minutes de marche pour s’échauffer), puis passer à l’auto-évaluation de son ressenti. Bien moins anodin qu’il n’en a l’air, cet exercice basé sur la perception de l’effort fait écho à de nombreux tests existants pour commencer ou intensifier la pratique de la course à pied. Le plus connu d’entre eux est l’échelle de Borg. De retour de vos cinq minutes «test»? Voici les conseils des deux experts selon votre propre verdict.

 

Si l’exercice a été: «Impossible»

  • L’objectif: Courir au moins cinq minutes, sans peine (et même avec plaisir).
  • La clé: La progressivité! Commencer très tranquillement, en alternant course et marche pour doser l’effort.
  • Le programme proposé: Séance de quinze minutes maximum (échauffement sous forme de marche inclus), deux à quatre fois par semaine.

 

Si l’exercice a été: «Faisable»

  • L’objectif: Courir trente minutes sans s’arrêter.
  • La clé: La régularité de l’entraînement et le renforcement musculaire.
  • Le programme proposé: Séances de trente minutes maximum (échauffement sous forme de marche inclus), deux à quatre fois par semaine, couplées à des exercices de renforcement musculaire.

 

Si l’exercice a été: «Facile»

  • L’objectif: Courir le plus longtemps possible, sans douleur, sans ressenti d’un effort extrême, et en étant capable de parler en courant à tout moment.
  • La clé: La progressivité dans l’intensité et le renforcement de la structure (muscles, tendons, ossature).
  • Le programme proposé: Une multitude de variantes s’ouvrent à vous, en misant idéalement sur l’alternance de séances d’endurance, de trajets en côtes courtes et longues.  

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Paru dans Le Matin Dimanche le 30/08/2020.

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