Allergie aux acariens de la poussière de maison
Un article du Service d'immunologie et d'allergie du CHUV |
La prévalence des allergies respiratoires a considérablement augmenté durant les dernières décennies. Toutes les études épidémiologiques effectuées à la fin des années 1990, tant en Suisse ( SAPALDIA, SCARPOL) qu’en Europe (ECRHS) ou dans le monde (ISAAC), ont montré que la prévalence des affections allergiques (rhino-conjonctivite, asthme, eczéma) a quasiment triplé, durant les 30 dernières années.
En Suisse, l’étude SAPALDIA a montré que l’atopie, définie comme la présence d’au moins un test cutané positif ou un dosage positif d’IgE spécifiques sériques à un allergène respiratoire, touche plus de 30% de la population adulte; le rhume des foins est retrouvé chez plus de 15% et l’asthme bronchique chez plus de 5% de cette même population
(cf. fig. 1).
Région |
Altitude |
Atopie (%) |
Pollinose (%) |
Asthme (%) |
Bâle |
277 |
38.7 |
18 |
6.1 |
Lugano |
280 |
39.3 |
15.5 |
4.4 |
Genève |
391 |
37.5 |
12 |
5.6 |
Aarau |
383 |
32.4 |
14.7 |
5.2 |
Davos |
1560 |
26.6 |
10.7 |
4.3 |
Montana |
1531 |
33.1 |
10.4 |
3.8 |
Bien que, dans les maladies allergiques, la composante familiale ou génétique est primordiale, une telle augmentation de la prévalence, sur une aussi courte période de temps, ne peut avoir une explication seulement génétique et les facteurs environnementaux sont vraisemblablement déterminants. Une des hypothèses évoquées est celle de la théorie dite «hygiénique»: celle-ci est basée sur le concept d’une stimulation déficitaire de notre système immunitaire par des agents infectieux, particulièrement dans les premiers mois de vie, qui orienterait notre réponse immunitaire vers une réponse de type allergique.
L’autre hypothèse évoquée serait celle du rôle de plus en plus marqué des allergènes domestiques (acariens, blattes, souris, animaux à poils…) dans cette augmentation de la prévalence des maladies allergiques. En effet, les changements apparus dans notre mode de vie (télévision, home cinéma, jeux vidéo, internet…) font que l’individu, de plus en plus sédentaire, passe la plupart de sa vie à l’intérieur de locaux et ceci est particulièrement vrai pour les enfants. Par ailleurs, les changements apportés également dans la manière de construire nos habitations (meilleure isolation, généralisation du chauffage central, utilisation extensive de moquettes, diminution des systèmes de ventilation au nom de la sacro-sainte épargne d’énergie…), favorisent la prolifération des allergènes domestiques et particulièrement des acariens.
L’allergie aux poussières de maison est reconnue, comme une entité clinique, depuis les années 1920. A l’époque, on évoquait la possibilité d’un allergène unique, mais indéterminé. Ce n’est que dans les années 1960 que les travaux du hollandais Voorhost ont permis d’identifier les acariens de la famille des pyroglyphides, surtout Dermotophagoïdes pteronyssinus et Dermatophagoïdes farinae (cf. fig. 2), comme la source des allergènes majeurs de la poussière de maison. Enfin, au début des années 1980, le groupe américain de Platts-Mills isolait certains de ces antigènes majeurs dans les selles de ces acariens.
Depuis lors, la connaissance des allergènes des acariens s’est considérablement affinée et de nombreux allergènes ont été isolés et parfaitement caractérisés. Cela a permis de mettre à notre disposition non seulement des outils diagnostiques et thérapeutiques performants, mais également des tests qui permettent de mieux étudier les facteurs influençant leur croissance et de mieux apprécier l’efficacité des mesures de contrôle de l’environnement, qui sont préconisées depuis longtemps, dans l’allergie aux acariens de la poussière de maison.
Les acariens sont des allergènes ubiquitaires, retrouvés un peu partout dans le monde. La température et surtout l’humidité sont les facteurs limitant décisifs de leur croissance. Ils se développent dans les climats chauds et humides et prolifèrent le mieux à des températures de 20–25°C, avec une humidité relative comprise entre 65 et 75%. Les climats secs, à hiver prolongé, sont mal supportés par les acariens, tout comme la haute altitude. Ils sont rarement rencontrés au-delà de 1500 mètres, où l’humidité relative diminue considérablement. Dans les climats tempérés on trouve essentiellement Dermatophygoïdes pteronyssinus et Dermatophagoïdes farinae, dans les régions humides du Sud des Etats-Unis, Euroglyphus maynei, et dans les régions tropicales et sub-tropicales, Blomia tropicalis.
Se nourrissant principalement de débris organiques et de squames cutanées humaines (l’homme perd chaque jour 0,7 à 1,4 g de squames cutanées) les acariens se retrouvent surtout dans la literie, en particulier le matelas, dans les tapis et les moquettes, sur les meubles à rembourrage, dans les rideaux à tissu lourd ou encore dans les animaux en peluche des chambres d’enfants.
Sous nos latitudes, ces allergènes sont perannuels, mais toujours plus abondants vers la fin des étés particulièrement pluvieux ou vers la fin de l’automne, lorsque les chauffages sont mis en marche.
L’importance du milieu ambiant et du climat dans la prolifération des acariens ressort clairement d’une brève étude comparative effectuée il y a quelques années. Les auteurs de cette étude avaient pratiqué, chez 100 patients adressés à la consultation ambulatoire d’allergologie du CHUV à Lausanne et chez 100 patients adressés à une consultation d’allergologie spécialisée à Sion, une batterie de tests cutanés pour des allergènes respiratoires bien caractérisés et fréquemment rencontrés dans nos régions (acariens, animaux à poils, pollens d’arbres, pollens de graminées, pollens d’herbacées, moisissures). La population étudiée était à risque allergique important, puisque tous les patients souffraient d’une affection potentiellement allergique, à savoir une rhinite et/ou un asthme bronchique.
Pour les principaux pneumallergènes (animaux à poil, pollens d’arbres, pollens de graminées, moisissures) les résultats sont globalement comparables, avec cependant une fréquence augmentée de tests cutanés positifs pour le pollen d’armoise en Valais, où cette herbacée est particulièrement abondante. Par contre, la différence est très nette pour les acariens, puisqu’à Lausanne, l’acarien D. pteronyssinus est l’allergène domestique le plus fréquemment retrouvé, avec un test cutané positif dans 38% des cas, alors qu’à Sion, ce test cutané n’est retrouvé positif que dans 21% des cas. Le degré de sensibilisation (test cutané positif) étant fonction du degré d’exposition, cette étude comparative confirme l’importance du climat et en particulier de l’humidité dans le développement des acariens. Le climat du Valais central est généralement sec, parfois avec des hivers prolongés, alors qu’à Lausanne, la proximité du lac assure une humidité relative plus importante. Les précipitations moyennes des 40 dernières années avaient été, à Lausanne de 1080 mm/année, alors qu’à Sion, elles n’avaient été que de 570 mm/année. D’autre part, certains patients de la consultation sédunoise résident dans des régions alpines élevées, où le taux d’acariens est très faible, puisque ceux-ci sont rarement retrouvés au-delà de 1500 mètres d’altitude. Toutes ces observations sont importantes, comme on le verra ultérieurement, pour mettre en place des mesures de contrôle de l’environnement efficaces.
Comme déjà dit précédemment, les selles d’acariens sont la source principale des allergènes. Ces particules fécales ont une taille a peu près identique à celle des pollens, de l’ordre de 10 à 30 m de diamètre. Contrairement aux allergènes d’origine animale, dont la petite taille (5 m) permet une suspension prolongée dans l’atmosphère, les particules d’acariens ne sont dispersées qu’à la suite de manipulations ou de travaux ménagers et leur suspension dans l’air est limitée dans le temps à quelques minutes.
Comme pour tous les autres allergènes respiratoires, les organes cibles de la réaction allergique aux acariens de la poussière de maison sont les yeux, le nez, le poumon et, dans une moindre mesure, la peau. Ils vont déterminer le tableau clinique d’une rhino-conjonctivite chronique pérenniale, compliquée au non d’un asthme bronchique.
Contrairement à l’allergie pollinique ou aux animaux à poils, la réaction oculaire, dans l’allergie aux acariens, est relativement faible et parfois absente. La conjonctivite allergique est avant tout matinale, sous la forme d’un œil prurigineux, avec rougeur, écoulement, et plus rarement œdème palpébral.
La rhinite est essentiellement matinale, avec éternuements en salve, prurit nasal et mouchage abondant. Les symptômes sont maximaux le matin au réveil, puis s’estompent, au cours de la matinée, pour réapparaitre le lendemain, au réveil. Parfois, les éternuements et le mouchage réveillent le patient.
L’asthme bronchique peut se manifester sous la forme d’une toux sèche, irritative, avec parfois une impression de serrement au niveau de la gorge, une oppression thoracique et une sensation subjective de manque d’air. Parfois la respiration est nettement sifflante. Tous ces symptômes sont maximaux en fin de nuit et au réveil et sont exacerbés, comme on peut s’y attendre, lors d’exposition plus importante aux acariens, comme par exemple lors de travaux ménagers (faire le lit, passer l’aspirateur, épousseter…).
Actuellement l’allergie aux acariens est la cause numéro 1 d’asthme bronchique dans le monde.
Parmi les allergènes respiratoires, seul les acariens de la poussière de maison, et dans une moindre mesure, les animaux à poil, ont été clairement impliqués comme facteur déclenchant ou aggravant de l’eczéma atopique (cf. fig. 4 et 5). En effet plusieurs études cliniques ont démontré que le séjour dans des endroits dépourvus d’acariens (séjour en haute altitude ou dans des milieux hospitaliers protégés) entraînait une guérison de l’eczéma.
L’éviction de l’allergène, lorsqu’elle est possible, reste l’étape primordiale de toute approche thérapeutique de la maladie allergique et elle est particulièrement importante dans l’allergie aux acariens de la poussière de maison. On sait aujourd’hui, et les études sur le sujet l’ont clairement démontré, que, pour être efficaces, ces mesures de contrôle de l’environnement doivent être relativement agressives car l’acarien est une hôte résistant.
L’effort principal de cet assainissement doit porter sur la chambre à coucher, réservoir principal des acariens dans la maison. Il faut supprimer les tapis et les moquettes, renoncer aux meubles à rembourrage et aux rideaux en tissus lourds, éliminer les nids à poussières telles que bibliothèques ouvertes et jouets en peluche. L’utilisation de housse anti-acariens pour les matelas est un geste important car ils sont la source majeure d’acariens (cf. fig. 6).
Cet hôte résiste également à de hautes températures et un lavage fréquent de la literie, à une température de 60°C, est nécessaire pour le tuer. L’humidité et la température étant les facteurs limitants déterminants dans la croissance des acariens, il faut éviter l’utilisation d’humidificateurs, la pièce doit être aérée le plus fréquemment possible et la température maintenue, si possible, en dessous de 20 degrés.
L’utilisation d’aspirateur puissant, avec filtre HEPA, (cf. fig.7), améliore encore ces mesures d’élimination, tout comme éventuellement l’utilisation d’acaricides, sous forme de poudre ou de spray (cf. fig.8).
Leur application cependant doit être très fréquente, leur sécurité et leur efficacité non totalement démontrées.
Enfin, les différents purificateurs et autres filtres à air, proposés dans le commerce, sont souvent onéreux et leur efficacité n’a pas toujours été démontrée. Ils ne doivent donc pas, pour l’instant, être recommandés d’emblée.
Lorsque les mesures d’assainissement, ci-dessus évoquées, sont appliquées de façon stricte et surtout prolongée dans le temps, elles entrainent non seulement une diminution nette de la teneur en acariens mais également une amélioration clinique du sujet allergique souffrant de rhinite ou d’asthme bronchique. Et même si la chambre à coucher du sujet allergique peut paraître vide et austère, le bénéfice obtenu est assez rapidement manifeste.
Les traitements médicamenteux des allergies respiratoires se sont considérablement améliorés durant les dernières années et permettent, dans la grande majorité des cas, un contrôle tout à fait satisfaisant des symptômes.
Les antihistaminiques représentent le traitement de base de toute pathologie allergique, l’histamine étant le médiateur principal de la cellule allergique activée, le mastocyte. Mal supportés autrefois, étant donné un effet sédatif très marqué, les antihistaminiques de nouvelle génération sont plus efficaces, peu sédatifs et donc bien tolérés (Xyzal, Aerius, Telfast, Zyrtec, Claritine et leur génériques…). On peut les utiliser également sous forme topique, en spray nasal (Allergodil, Livostine…) ou en gouttes oculaires (Opatanol, Emadine, Livostine, Allergodil, Zaditen…). Ils sont particulièrement efficaces sur la rhinite séreuse, les éternuements en salve, le prurit nasal ou oculaire, s’il existe. Ils sont moins efficaces, par contre, sur l’obstruction nasale, qui est souvent le symptôme principal de l’allergie aux acariens, où les corticoïdes topiques en spray nasal (Avamys, Flutinase, Nasonex, Rhinocort, Pivalone…) sont particulièrement performants. En fait, si les mesures de contrôle de l’environnement sont insuffisantes l’étape thérapeutique suivante est l’adjonction d’un corticoïde topique nasal, sur une base quotidienne.
Lorsque l’allergie aux acariens de la poussière de maison se complique d’asthme bronchique, il faut avoir recours alors aux bronchodilatateurs sous forme de spray ou de poudre, à courte durée d’action (Ventolin, Bricanyl, Berotec…) ou à longue durée d’action (Serevent, Foradil, Oxis…), couplés (Seretide, Symbicort…) ou non (Axotide, Pulmicort, Alvesco, Asmanex, Miflonide…) à des corticoïdes topiques pulmonaires.
Le traitement médicamenteux de l’allergie aux acariens de la poussière de maison est un traitement purement symptomatique et non causal, qui doit être répété quotidiennement puisque les acariens sont des allergènes perannuels. Le seul traitement qui peut influencer et modifier le cours clinique de la maladie allergique est l’immunothérapie, également appelée désensibilisation ou vaccination allergénique.
Dans cette approche thérapeutique, des doses progressives d’allergènes sont injectées, par voie sous-cutanée (cf. fig. 9) d’abord de façon hebdomadaire, jusqu’à une dose d’entretien, répétée par la suite mensuellement, pendant 3 à 5 ans.
L’indication à une immunothérapie aux acariens de la poussière de maison doit être posée par un médecin spécialiste en allergologie et est réservée aux patients souffrant d’une allergie sévère résistant aux mesures de contrôle de l’environnement bien menées et à un traitement médicamenteux bien suivi.
Il est à noter également que l’immunothérapie prévient le développement de l’asthme bronchique et la survenue de nouvelles sensibilisations à d’autres allergènes respiratoires. Tout récemment, des immunothérapies par voie sub-linguale ont été développées. Elles présentent l’avantage de pouvoir être réalisées à domicile. Les premiers résultats sont encourageants, mais semblent inférieurs à ceux de la désensibilisation traditionnelle, par voie sous-cutanée, effectuée en milieu médical.
Avec des mesures de contrôle de l’environnement efficaces, des traitements médicamenteux performants et bien tolérés et avec le recours possible à une immunothérapie spécifique, le plaisir de la bonne vieille bataille de coussins pourra être retrouvé, sans trop de risque, même pour les sujets allergiques.
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