Le pouvoir des bêtes sur notre santé
Chat, chien, rongeurs, oiseaux ou individus plus exotiques… Les amis des bêtes savent combien vivre avec un animal de compagnie est source de bonheur au quotidien. La science s’intéresse aux liens que nous développons avec nos animaux et à leurs impacts sur notre santé. À la lumière de différentes recherches, les bénéfices de ces relations sur la santé physique et mentale se révèlent nombreux.
Une partie des études se concentre sur les enfants et les personnes âgées en bonne santé. D’autres s’intéressent à des populations atypiques, par exemple les enfants avec un trouble de déficit de l’attention et hyperactivité ou du spectre autistique, ou encore les personnes âgées souffrant de démence. «Il faut bien faire le distinguo entre les bienfaits de la présence de l’animal dans un foyer et la médiation animale, qui a pour but d’améliorer la capacité de l’individu à fonctionner au quotidien» (lire encadré), souligne Nicolas Dollion, maître de conférence en psychologie du développement au laboratoire Cognition, santé et société de l’Université de Reims (France).
Une meilleure santé physique
Quand il faut dire au revoir
Grandir avec un animal est une opportunité d’appréhender le cycle de la vie, de la reproduction à la naissance, jusqu’à la mort. Or le décès d’un animal peut représenter un réel déchirement. Souvent considéré comme un membre de la famille à part entière, celui-ci est cité dans les études comme étant parmi les figures d’attachement les plus importantes pour l’enfant. Sa disparition est souvent l’une des premières confrontations avec la mort. Pour Daniel Marcelli, professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, ce n’est pas un événement anodin: «La tristesse et la souffrance ressenties relèvent du deuil. Il faut accompagner l’enfant, par exemple avec des rituels d’au revoir, pour l’aider à traverser cette épreuve.» Si triste soit-elle, «cette première expérience peut lui donner une force intérieure qui lui permettra d’affronter des deuils ultérieurs», conclut-il.
Les effets sur la santé physique ont été surtout étudiés avec les chiens, qui sont plus faciles à entraîner que les chats par exemple. Sortir son chien plusieurs fois par jour est un bon moyen d’augmenter son activité physique, un facteur protecteur de premier ordre pour la santé. Chez les personnes âgées notamment, l’animal est aussi un antidote à la solitude et un atout pour le maintien de la forme physique. Chez les adolescents, la présence d’un chien à la maison, pour ces mêmes raisons, réduit le temps passé devant les écrans et la sédentarité. On sait également que vivre avec un animal de compagnie diminue les risques cardiovasculaires et d’hypertension artérielle.
Posséder un animal serait aussi bon pour le cerveau. Une étude récente montre en effet un ralentissement du déclin de la mémoire et de la fluidité verbales chez les personnes âgées vivant seules. Chez les malades d’Alzheimer en institution, la présence de chiens ou de rongeurs peut diminuer certains comportements propres à la maladie (errances nocturnes, agitation, irritabilité, etc.). «Quelques études indiquent même un ralentissement du déclin cognitif, une stabilisation, voire une amélioration des capacités cognitives, mais ces résultats doivent être confirmés», nuance Nicolas Dollion.
Bon pour la santé mentale
La littérature évoque également des effets protecteurs quant au risque de dépression et d’anxiété. «Le Covid-19 a été une très bonne occasion pour étudier ces effets», note Nicolas Dollion. Deux hormones jouent à ce titre un rôle majeur: le cortisol et l’ocytocine. La sécrétion de cortisol (l’hormone du stress) est moins élevée chez les propriétaires d’animaux. Cela se traduit par un niveau d’anxiété plus bas, aussi bien chez la personne âgée que chez l’enfant. Quant à l’ocytocine (l’hormone de l’attachement), sa sécrétion augmente lorsque le maître interagit avec son chien par exemple par des échanges de regards mutuels. Un taux plus élevé d’ocytocine signifie moins de stress et donc plus de bien-être.
«Le fait de prendre soin de son animal permet de se décentrer de soi», ajoute Daniel Marcelli, professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et auteur de plusieurs ouvrages*. On peut tisser avec lui des relations très privilégiées: «C’est un être précieux, qui apporte du réconfort et à qui l’enfant par exemple peut confier ses secrets sans avoir peur d’être trahi», poursuit le psychiatre. Pour les plus jeunes, avoir auprès de soi un être qui donne le sentiment d’être compris améliore la santé mentale et l’estime de soi. En cas de trouble du spectre autistique, la relation avec le chien peut restaurer beaucoup de choses, illustre Nicolas Dollion: «Lorsque l’enfant voit que son chien l’écoute et obéit à des ordres simples comme ″assis″, ″couché″, son sentiment d’efficacité et son estime de soi augmentent.»
La présence d’un animal dans le foyer soutient également le développement socioémotionnel de l’enfant et lui permet d’exercer des comportements sociaux positifs qu’il pourra étendre ensuite aux autres personnes. «On observe davantage de comportements prosociaux et une plus grande empathie chez les enfants ayant grandi avec un animal de compagnie», confirme le chercheur. Enfin, cela renforce la cohésion familiale, cette présence créant des moments de vie positifs et partagés.
Pour autant, «l’animal n’est pas une pilule magique, souligne Nicolas Dollion. Peu importe l’espèce ou la race, pour que ces bienfaits soient présents, il faut que la personne ait un intérêt pour l’animal. Et, condition sine qua non, qu’elle développe un attachement à son égard». Enfin, assurer le bien-être de l’animal et respecter ses besoins reste essentiel pour une relation fructueuse.
Soigner avec les animaux
La zoothérapie ou médiation animale consiste en des interventions auprès de patients par une personne formée et assistée par un animal, avec des objectifs thérapeutiques définis. «Les pratiques peuvent être larges, mais se font toujours avec l’accord du patient ou de ses proches», souligne Myriam Chabloz, ergothérapeute au Service de neuro-rééducation des Hôpitaux universitaires de Genève. Deux fois par semaine, sa chienne Shelby l’accompagne dans ses consultations: «Elle est source d’une énorme motivation pour les patients. Elle ne juge pas et enlève une partie du stress lié à la rééducation.» Le rôle que joue l’animal dépend des besoins des patients. À travers des jeux de balles, la prononciation d’un ordre, la préparation de biscuits pour chien, une promenade ou encore le fait de donner des croquettes, différentes compétences (dextérité, langage, marche, force, équilibre, concentration, etc.) peuvent être entraînées. «La zoothérapie m'offre un outil de plus en tant que professionnelle de la santé, dans le respect des besoins de mon animal», conclut l’ergothérapeute.
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* Voir par exemple: Daniel Marcelli, Anne Lanson. L'enfant, l'animal, une relation pleine de ressources. Éd. Érès, 2017. Mais aussi: Daniel Marcelli, Antoine Périer. Trop de choix bouleverse l’éducation. Éd. Odile Jacob, 2023.
Paru dans Le Matin Dimanche le 10/03/2024