Maltraitance infantile: «Nous sommes tous des auteurs potentiels de mauvais traitements»
«Je ne connais pas de parent qui se lève le matin en se disant: aujourd’hui, je vais frapper mon enfant», explique le Dr Jean-Jacques Cheseaux, spécialiste de la prévention de la maltraitance infantile au Service de pédiatrie du Centre Hospitalier du Valais Romand, à Sion. «Les actes de maltraitance résultent toujours d’une incapacité à gérer le stress, cette fraction de seconde où la barrière est franchie. En fonction des aléas de notre vie, nous sommes tous des auteurs potentiels de mauvais traitements.» Une situation plus fréquente qu’il n’y paraît puisqu’on estime qu’un enfant sur cinq est victime de mauvais traitements, toutes formes confondues. Et au-delà des victimes, il s’agit aussi de prendre en charge les auteurs: «Un père qui maltraite sont enfant est un père qui souffre et si on ne s’occupe pas de lui après avoir soigné le petit patient, on n’a que peu de chances de voir la spirale de la maltraitance cesser un jour.»
Un fléau aussi pour la société
Pour le Dr Cheseaux, les effets de la maltraitance, physique ou psychologique, ne s’arrêtent pas à l’enfant et sa famille, mais concernent toute la société. «Un enfant qui assiste à des scènes de violences conjugales n’ira pas sereinement en classe, risque de rater sa scolarité, ne sera pas préparé à apprendre un métier, ne pourra que difficilement s’insérer dans la société et risque de reproduire à son tour la violence dont il a été le témoin durant son enfance... Toute la société va souffrir de ce phénomène et nous devons mettre toute notre énergie à combattre les mauvais traitements envers les enfants.»
Prévention et dépistage dès la grossesse
À l’Hôpital du Valais par exemple, cet effort est entrepris dès les premiers contacts en vue d’un accouchement par l’équipe pluridisciplinaire du «groupe périnatal». Il s’agit alors d’identifier assez tôt les fragilités des futurs parents, leurs besoins pour remédier à leurs souffrances et mettre en place un réseau capable d’offrir soutien et sécurité à l’enfant et sa famille. L’activité du «groupe périnatal» repose avant tout sur le travail des sages-femmes conseillères qui rencontrent les futures mères qui en éprouvent le besoin et qui leur sont adressées par les obstétriciens, parfois par les sages-femmes indépendantes ou par le personnel des SIPE. «Dans l’idéal, nous aimerions qu’une consultation prénatale puisse être offerte à toutes les femmes enceintes après les trois premiers mois de grossesse.» Cet entretien d’une heure avec une sage-femme conseillère permettrait d’aborder des sujets difficiles, sans jugement. «Ce serait un bon investissement de prévention précoce», insiste le Dr Cheseaux. Avec des effets bénéfiques à long terme pour les enfants, les parents. Et la société.