Stress, avec un S, comme Sympathique

Dernière mise à jour 05/06/12 | Article
Mot stress à gommer
Face à un quelqu’un qui vous stresse vous pouvez naturellement prendre vos jambes à votre cou. Vous pouvez aussi montrer les crocs. Mais il y a une troisième voie, nettement plus surprenante…

En matière de psychologie et de stress (psychosocial), on peut faire confiance aux scientifiques allemands. Des chercheurs de Fribourg le démontrent assez souvent, cette fois dans les colonnes de l’austère revue Psychological Science. Dirigés par Bernadette von Dawans et Markus Heinrichs (Laboratoire  de psychologie biologique et de la personnalité, Université de Freibourg), ils expliquent avoir découvert une technique comportementale pouvant être (gratuitement) mise en œuvre en cas de situation angoissante. C’est là une troisième voie qui permet, enfin, de dépasser l’alternative fuite-lutte.

Le stress psychosocial est un double fléau. A la fois facteur majeur de risque en santé publique et un facteur déclenchant (mais encore souvent méconnu) d’un grand nombre de maladies. Face à cette agression, l’être humain ne connaît guère que deux types de réactions: schématiquement la lutte ou la fuite. C’est oublier le rôle de maîtrise que peut jouer toute la gamme des interactions sociales. On évoque ici, dans le jargon psychologisant, le comportement dit prosocial.Il peut lui aussi être un facteur de protection sans comporter les effets négatifs ou destructeur des deux autres.

Comment parvient-on en pratique à une telle démonstration? Les chercheurs de l’Université de Freiburg expliquent avoir établi qu’une telle voie était possible chez des sujets soumis (en laboratoire) à un stress social aigu. Plutôt que d’obéir à des mécanismes de nature instinctive (et à ce titre «primaire» de conflit ou de fuite), ils ont montré pouvoir s’engager dans un comportement «pro-social»; un comportement que l’on pourrait tenir pour paradoxal caractérisé par la confiance vis-à-vis de l’entourage.

L’expérience consistait à tester la réponse au stress des membres volontaires d’un groupe d’étudiants soumis à des exercices assez difficiles de langue et de mathématiques. Un autre groupe de participants était quant à lui soumis à des activités plus détendues. Durant les épreuves expérimentales, les rythmes cardiaques et les niveaux biologiques de cortisol (l’«hormone du stress») des participants étaient mesurés. Ces mêmes participants devaient également participer à des jeux destinés à évaluer la confiance qu’ils avaient vis-à-vis des autres membres de leur groupe.

Et les résultats obtenus montrent que loin de provoquer les résultats attendus (abandon, conflits etc.), le stress peut, dans certaines circonstances, déclencher un comportement spécifique «d'approche sociale», un comportement qui fonctionne alors comme une stratégie protectrice entre le stress et le sujet. Dans cette expérience, plus le rythme cardiaque et les niveaux de cortisol des participants augmentaient, plus le comportement de ces derniers devenait à la fois sociable, confiant et généreux. 

Les hasards veulent que cette publication allemande coïncide avec une autre, finlandaise, signée de chercheurs de l'Université d'Aalto (unité de recherche sur le cerveau, centre d'imagerie magnétique, École des sciences) dans les colonnes des Proceedings of The National Academy of Sciences (PNAS). Ces auteurs révèlent de quelle manière les émotions fortes synchronisent l'activité des cerveaux des différents individus amenés à vivre ces émotions. Cette synchronisation des états émotionnels entre individus participe directement à l'interaction sociale. Ainsi, lorsque tous les membres d’un groupe partagent un même état émotionnel, leurs corps et leurs cerveaux «analysent» l'environnement de manière similaire. 

Ces chercheurs du Grand Nord aboutissent à cette conclusion consensuelle après avoir analysé (par IRM fonctionnelle) les activités cérébrales des participants à leur étude alors qu’ils visionnaient des films «neutres», désagréables ou agréables. Ils constatent que des émotions désagréables synchronisent les réseaux cérébraux de traitement des émotions dans les régions frontale et médiane du cerveau. A l’inverse, des événements très excitants synchronisent l’activité dans les réseaux de la vision, de l'attention et du toucher. En pratique, cette synchronisation automatique peut utilement faciliter l'interaction sociale et la cohésion de groupe. Pour Lauri Nummenmaa, professeur adjoint à l'Université d’Aalto, ces résultats ont des implications majeures pour comprendre les modèles neuronaux des émotions humaines et des comportements de groupe, mais également pour comprendre les troubles mentaux impliquant des comportements socio-émotionnels anormaux.

Songez à ces lignes la prochaine fois qu’on vous agressera au motif que vous avez grillé un feu rouge; ou que vous allez agresser quelqu’un qui vient de faire de même. Même dans ce cas de stress extrême, de grâce, restez sympathique, soyez prosociaux.

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