La méditation au secours des douleurs rebelles
Quiconque souffre de douleurs chroniques sait à quel point elles peuvent empoisonner l’existence. Limitantes, obsédantes et souvent déprimantes, elles peuvent tour à tour toucher une ou plusieurs parties du corps sans que rien ne parvienne à les soulager durablement. Phénomène complexe, elles répondent en effet mal à une approche médicale conventionnelle consistant à traiter la cause pour faire disparaître le symptôme. Car les douleurs rebelles ne sont pas toujours reliées à une lésion spécifique, mais résultent d’une imbrication de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux dont il faut tenir compte. Pour s’en sortir, une prise en charge multidisciplinaire, centrée sur la personne et ses besoins, s’avère souvent nécessaire.
Qu’est-ce que la pleine conscience?
Fruit d’une tradition millénaire, la méditation est pratiquée de manière laïque en Occident. Ayant fait l’objet de nombreuses études scientifiques, la méditation de pleine conscience s’invite aujourd’hui dans les hôpitaux. Il n’y a pas une seule façon de méditer. Mais globalement, la méditation de pleine conscience invite à centrer son attention sur le moment présent, dans une attitude de bienveillance et de non jugement. Cette présence à soi se développe notamment à travers le contact avec le souffle. Mais aussi par la reconnaissance et l’écoute des sensations sensorielles qui nous traversent. Elle permet, par là même, de vivre le moment présent, de prendre de la distance par rapport aux pensées envahissantes et de retrouver de la sérénité, pour autant que sa pratique soit régulière.
La méditation, à travers le programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience (MBSR) (lire ci-contre) a, depuis longtemps, fait ses preuves dans la prise en charge de la douleur chronique. Pour mieux vivre avec, les patientes et patients sont invités à l’accueillir de manière bienveillante sans chercher à tout prix à la supprimer. Aujourd’hui, un nouveau protocole de soin, également basé sur la pleine conscience, va plus loin en s’attaquant spécifiquement aux douleurs rebelles, mais aussi à la détresse émotionnelle et aux comportements addictifs qui peuvent en découler. Le programme «MORE» cible plus particulièrement les personnes prenant régulièrement des opiacés pour faire taire leurs symptômes.
Des molécules dangereuses
Ces substances, dont la prescription en Suisse a augmenté de manière fulgurante ces vingt dernières années, sont problématiques à plus d’un titre, confirme le Dr Vasileios Chytas, psychiatre au Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise (SPLIC) des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), formé au programme MORE et co-auteur d’un article sur le sujet*: «Les dérivés de la morphine peuvent soulager la douleur à court terme, mais leur efficacité à long terme n’est pas démontrée. De plus, leur utilisation prolongée est controversée en raison de leurs effets indésirables, du risque de surdosage potentiellement fatal et de leur pouvoir addictif.» En effet, poursuit Paolo Cordera, psychologue au SPLIC des HUG, spécialiste en méditation et formé au programme MORE, «une prise régulière d’opiacés provoque une addiction sur le plan physiologique mais aussi psychologique, la consommation devenant le seul moyen pour se sentir bien. Conséquence: la personne se focalise sur la douleur et perd sa capacité à percevoir les sensations agréables».
Une thérapie intégrative
MORE est le fruit de découvertes fondamentales en neurosciences sur les mécanismes de la douleur et son soulagement. Des travaux montrent que le contrôle attentionnel, la régulation des émotions négatives et le système de récompense dysfonctionnent dans les addictions, le stress et les douleurs chroniques. Cette thérapie dite «intégrative» s’appuie sur la méditation de pleine conscience ainsi que sur des stratégies de la thérapie cognitive et comportementale (TCC) et des principes de la psychologie positive. La méditation en tant que telle permet de prendre conscience de ses pensées, croyances, émotions et sensations. Elle est envisagée comme un outil indispensable pour pouvoir accéder à une autre façon de recevoir et d’apprécier les choses. «Elle constitue en effet une étape préalable à la restructuration cognitive. Cette stratégie vise à abandonner consciemment les évaluations négatives en lien avec les événements stressants et à les aborder de manière positive. On travaille la flexibilité psychologique des patients pour favoriser des réponses plus adaptées au stress», explique le Dr Chytas.
Grâce aux outils de la psychologie positive, les thérapeutes cherchent à augmenter la capacité du patient à se concentrer sur les événements et les expériences sensorielles agréables – même les plus infimes – et à savourer les émotions qui en découlent. «En devenant plus sensible aux stimuli positifs, le patient se reconnecte avec les activités plaisantes et enrichissantes qui faisaient autrefois du sens pour lui et réouvre ainsi ses perspectives dans la vie de tous les jours», illustre le psychologue. En d’autres termes, retrouver joie, plaisir et motivation malgré les douleurs dans une perspective de santé et de bien-être.
Les résultats sont probants. Plusieurs études ont montré une réduction drastique de la consommation d’opiacés, jusqu’à 45% neuf mois après l’arrêt du programme. «C’est deux fois plus qu’avec une psychothérapie standard», commente le Dr Chytas. Concernant la douleur, une réduction significative de son intensité a été constatée chez la moitié des patients. Enfin, on a observé une très nette amélioration des symptômes anxieux et dépressifs chez les personnes ayant bénéficié de ce protocole. Né il y a environ dix ans aux États-Unis, MORE sera bientôt proposé aux HUG. Ce programme de huit séances pourrait être d’une grande aide pour celles et ceux qui ont la douleur chevillée au corps.
Des programmes adaptés
L’offre, sur le marché, est florissante. Il existe en effet plusieurs programmes de méditation de pleine conscience (mindfulness), en fonction de problématiques particulières. Le plus connu est sans doute le MBSR (réduction du stress basée sur la pleine conscience), développé par Jon Kabat-Zinn, professeur de médecine à l’origine de la diffusion de la méditation dans le monde. La mindfulness a également fait ses preuves dans la prévention de la rechute de la dépression (MBCT), des troubles anxieux (MBI-A), des addictions, des troubles du comportement alimentaire, etc. Elle peut aussi aider pour la préparation à la naissance. Pour la population générale, le MBCT-L est un programme visant à augmenter le bien-être psychique.
Plus d’informations: Sites des Hôpitaux universitaires, association pour le développement de la mindfulness (www.association-mindfulness.org/index.php), etc.
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* Chytas V, Cordera P, Bondolfi G. Mindfulness-Oriented Recovery Enhancement (MORE): traitement intégratif pour la douleur chronique. Rev Med Suisse. 2023; 9 (814): 311–313.
Paru dans Le Matin Dimanche le 26/03/2023
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