Quelles différences entre le cerveau des hommes et celui des femmes?

Les cerveaux des hommes et des femmes sont-ils ou non différents? C’est une vaste et épineuse question, aux frontières de la médecine et des sciences sociales. Elle est souvent posée de manière différente: les cerveaux des femmes et ceux des hommes sont-ils tout aussi «performants»? Les hommes ont-ils des cerveaux plus «gros» que les femmes? Ces différences expliquent-elles d’autres différences concernant, par exemple, l’«intelligence»? Tout ceci fait bien souvent l'objet de vives controverses, comme en témoignent toutes les polémiques actuelles sur le concept de «genre».
La vieille question des différences cérébrales selon le sexe vient de trouver une nouvelle actualité. Une équipe de chercheurs dirigée par Amber N.V. Ruigrok (département de psychiatrie, Université de Cambridge, Royaume-Uni) vient en effet de confirmer l'existence d'importantes différences (à la fois neurologiques et pathologiques) entre les femmes et les hommes. Il s’agit ici d’une méta-analyse (analyse des conclusions de plusieurs études différentes); la première du genre. Les auteurs ont passé en revue et examiné pas moins de 126 études consacrées aux différences sexuelles dans le cerveau humain.
Volumes et tranches d’âge
Il s’agissait d’un projet en deux temps. «Nous avons conduit deux types de méta-analyses, expliquent les chercheurs britanniques. Nous avons commencé par examiner les différences de volume cérébral entre les sexes. Etant donné que la croissance et le vieillissement ont une influence importante sur le volume cérébral global, nous avons également cherché à savoir si les différentes tranches d'âge étaient correctement représentées dans les travaux de recherche. Nous nous sommes ainsi intéressés au nombre d'articles, au nombre total de participants et aux volumes moyens de chaque région du cerveau, et ce en fonction de six tranches d'âge.»
Ces mêmes chercheurs ont ensuite analysé les différences hommes-femmes en fonction de différentes régions cérébrales, à partir d'examens d'imagerie médicale qui calculent à la fois le volume et la densité des tissus.
Maladies neuropsychiatriques
Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue très spécialisée Neuroscience & Biobehavioral Reviews.1 Ils établissent que le sexe influence la fréquence, les symptômes ainsi que l'âge de survenue de nombreuses maladies neuropsychiatriques. Des différences qui pourraient bien trouver leurs origines dans celles que l’on peut observer entre les structures cérébrales des hommes et des femmes.
Cette méta-analyse montre que les cerveaux masculins sont en moyenne plus volumineux (entre 8 et 13%) que les cerveaux féminins. Mais cette recherche montre aussi que les volumes de plusieurs régions cérébrales diffèrent en fonction du sexe. Ainsi, chez l'homme, l'amygdale et l'hippocampe sont plus développés; à l’inverse, le cortex insulaire est plus volumineux chez la femme.
Or, ces régions sont impliquées dans plusieurs pathologies neuropsychiatriques plus ou moins fréquentes chez l'un ou l'autre sexe. C’est notamment le cas de l'autisme, des syndromes dépressifs et de la schizophrénie.
Sujet non épuisé
Les chercheurs estiment que leurs résultats pourraient permettre de mieux comprendre le poids respectif des différents facteurs qui influencent le développement du cerveau (facteurs biologiques, environnementaux, interaction entre les gènes et l'environnement, différentiations sexuelles). Ils n’épuisent toutefois pas le sujet.
Une question demeure: si les différences entre les cerveaux des hommes et des femmes existent bel et bien, quelles sont précisément leurs origines? Dans sa conclusion, l'équipe britannique exprime ses vœux d’études plus poussées visant à déceler l'origine de ces inégalités. Ils évoquent trois pistes: le cerveau lui-même, la génétique (via les chromosomes sexuels), mais aussi… l'environnement.
Différences peu réjouissantes
Dans son ouvrage Cerveau rose, cerveau bleu: les neurones ont-ils un sexe? (publié en 2011 aux éditions Robert Laffont), la scientifique Lise Eliot écarte le débat sociologique. Elle explique préférer employer le terme de «sexe» («fait biologique défini par les chromosomes et les caractéristiques anatomiques») à celui de «genre» («construction sociale qui désigne la somme de tous les attributs généralement associés à un sexe ou l'autre»).
Que nous le voulions ou non, médicalement parlant, les cerveaux masculins et féminins ne sont pas logés à la même enseigne. Et selon l’auteure, cette différence s'avère en définitive «peu réjouissante». «Les garçons sont statistiquement plus exposés que les filles aux principaux troubles du comportement ou du développement, explique-t-elle. Ils risquent quatre fois plus de souffrir d'autisme, d’un trouble du déficit de l'attention et de dyslexie. Les filles, de leur côté, risquent au moins deux fois plus que les garçons de souffrir de dépression, d'anxiété et de troubles de l'alimentation.»
1. Le texte complet (en anglais) de cette étude est disponible ici

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