Smartphone: une trop grande utilisation est-elle le reflet d’une dépression?
Le smartphone entre progressivement dans le champ de la santé. Une nouvelle étape vient d’être franchie avec un travail mené par des chercheurs américains dirigés par le Pr David C. Mohr (Center for Behavioral Intervention Technologies, Department of Preventive Medicine, Northwestern University, Chicago). Ces chercheurs nous éclairent sur les possibles interprétations «psychologiques» des modes d’utilisation de ces outils de communication. Les résultats de ce travail viennent d’être publiés dans le Journal of Medical Internet Research(1).
«Purple Robot»
L’usage que l’on fait d’un téléphone portable fournit une grande variété de données sur nos comportements et sur ce qui peut les motiver. Peut-on pour autant aller jusqu’à penser que le type d’utilisation d’un smartphone permet de diagnostiquer l’existence d’une dépression chez son utilisateur? C’est ce que pensent les chercheurs américains de la Northwestern University. Dans le cadre de leurs recherches, ils ont recours à la mémoire de l’appareil (équipé de l’application «Purple Robot») pour connaître la fréquence de son usage ou la localisation de l’utilisateur (via le GPS).
Ce travail préliminaire a été mené auprès de 28 participants adultes suivis durant deux semaines. Un auto-questionnaire préalable avait permis d’établir que la moitié d’entre eux souffrait d’un syndrome dépressif. Au final, il est apparu que l’utilisation moyenne quotidienne de ces personnes était d’environ 68 minutes par jour (contre 17 minutes pour les personnes sans ce type de souffrance psychique).
Mesures comportementales
Les syndromes dépressifs sont aussi associés à une vie plus sédentaire (moins de déplacements et plus de temps passé au domicile). Ceci est a priori un signe de moindre motivation et d’un déficit énergétique caractéristique de l’évitement propre à la dépression. Enfin, des horaires quotidiens irréguliers (également repérables via le smartphone) apparaissent associés aux syndromes dépressifs.
A partir de ces seules données, les chercheurs de la Northwestern University de Chicago pensent être capables d’identifier les symptômes dépressifs avec 86,5% de précision. Sans surprise, la précision augmente encore quand on demande aux participants de renseigner ce qu’il en est de leur «humeur».
«Nous disposons aujourd’hui d’une mesure objective du comportement lié à la dépression. Les mobiles peuvent nous apporter ces données épidémiologiques en toute discrétion et sans intervention de l'utilisateur», se félicite le Pr David C. Mohr. Ce constat et cette association valent aussi pour l’usage excessif d’autres outils de communication via Internet.
Facebook dépression
Un syndrome dépressif associé à l’usage de Facebook avait déjà été suspecté par des pédopsychiatres américains. Ils avaient lancé une alerte, en mars 2011, dans la revue Pediatrics. Ces spécialistes jugeaient alors indispensable de mettre en place des actions de prévention contre une forme de dépression se développant lorsque les adolescents passent trop de temps sur les sites de médias sociaux de type Facebook. La question de la confusion entre les effets et la cause avait alors été posée: est-ce Facebook qui rend l'enfant déprimé, ou l'enfant déprimé qui ne trouve refuge que sur Facebook?
En 2013, la problématique était réapparue avec une étude américano-belge publiée par la revue PLoS ONE. Des chercheurs des universités du Michigan et de Louvain avaient conclu que l’usage de Facebook peut bel et bien avoir un lien avec le syndrome dépressif, comme nous l’expliquions alors sur Planetesante.ch. Un résultat convergent avait été obtenu par des chercheurs australiens et publié dans Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine: les adolescents ayant une «utilisation pathologique» d'Internet sont nettement plus exposés que les autres au risque de dépression.
On peut, au choix, redouter ou se féliciter des conclusions de ces travaux de recherche. Certains y verront la menace de nouvelles intrusions dans notre vie privée. D’autres, en revanche, verront de nouvelles possibilités diagnostiques; et un élargissement de l’éventail thérapeutique.
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1 Un résumé (en anglais) de la publication du Journal of Medical Internet Research est disponible ici.
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