Allô, docteur robot?
Anesthésiste au bloc
La salle d’opération est déjà le lieu d’une cohabitation de haut vol où robots opérateurs et respirateurs artificiels assistent sans ciller les médecins sur les corps des patients inconscients. L’innovation sous le feu des projecteurs aujourd’hui? L’anesthésie elle-même. «Les produits de sédation sont désormais délivrés par des pousse seringues préprogrammés, explique le Pr Christian Kern, chef du service d’anesthésie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Mais ce qui va arriver sous peu, ce sont des systèmes capables de réajuster eux-mêmes à tout moment la quantité de produits anesthésiants et analgésiques injectés par intraveineuse s’ils détectent que le malade souffre, s’éveille ou respire mal.» Jusqu’à rendre facultative la présence de l’anesthésiste en salle d’opération? « Aucun risque, estime le spécialiste. Ces automates nous libèrent de certaines tâches, mais l’humain reste le maître à bord et le seul à ce jour à pouvoir pallier les imprévus inhérents à une opération délicate.»
Bientôt des selfies du fond de l’œil
Un ordinateur gonflé d’algorithmes surentraînés capables de poser un diagnostic de rétinopathie diabétique. Un kit pour smartphone permettant d’assurer une quasi-consultation ophtalmologique. Cela existe, ça y est. Fruit d’un challenge proposé par la California Health Care Foundation pour le premier, dispositif britannique baptisé «Peek Retina» pour le second, ces innovations ont de quoi surprendre, mais devront parcourir encore un long chemin avant d’ouvrir leur propre consultation. Parmi les questions soulevées: le diagnostic. «Ce que nous observons dans le fond de l’œil doit être rapporté à ce qui se passe dans le corps tout entier, soulève le Dr Michel Matter, ophtalmologue à Genève. Une décision médicale n’est pas uniquement le fait de chiffres et de normes! Et puis, quel suivi thérapeutique, quelle implication du patient face au verdict d’une machine? Alors, envisager de telles options pour des patients non transportables ou vivant trop loin d’un centre de soins, pourquoi pas, mais de nombreux garde-fous doivent être posés.»
Schizophrénie diagnostiquée par ordinateur
C’est avec un taux de réussite de 100% qu’un logiciel du géant américain de l’informatique IBM a su prédire la survenue d’un épisode schizophrénique chez des personnes considérées à risque deux ans et demi plus tôt. Son secret? Une analyse du langage passant au crible le degré d’incohérence sémantique et les anomalies de la structure grammaticale. Parue dans la revue NPJ Schizophrenia en août dernier, l’étude a impressionné la Dresse Alessandra Solida-Tozzi, psychiatre au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV): «La méthode employée permet une analyse très raffinée du langage qui vise à décrire avec des paramètres objectifs la désorganisation d’un discours, ce qui est habituellement évalué qualitativement (entre autres choses) lors de l’entretien psychiatrique. Mais les biais de cette étude sont nombreux: le nombre restreint de patients étudiés par exemple (34, ndlr) et surtout le fait que rien ne permet aujourd’hui de dire que certaines anomalies du langage sont "spécifiques" à la schizophrénie». Une piste intéressante malgré tout? «Si des logiciels aident à mieux décrire la complexité du psychisme, oui! répond la psychiatre. Ce qu’il ne faudrait pas, c’est qu’ils contribuent à la réduire.»