Des implants médicaux high-tech
Implants auditifs ou contraceptifs, pacemakers… les implants médicaux existent depuis une cinquantaine d’années. Aujourd’hui, les progrès en électronique et les connaissances en biologie autorisent la conception d’appareils de nouvelle génération.
Cependant, la plupart des implants actuels souffrent des mêmes inconvénients. Leur proximité avec différents tissus biologiques entraîne parfois des complications, de la simple gêne à l’infection, en passant même par des phénomènes de rejet. Pour y remédier, la recherche s’est articulée autour de deux objectifs principaux, faisant émerger de nouvelles disciplines transversales, à la croisée de la médecine, de l’électronique et du génie des matériaux. Il fallait premièrement, à l’évidence, rendre les appareils beaucoup plus petits. Et deuxièmement, améliorer leur intégration dans l’organisme, notamment en ayant recours à des matériaux biocompatibles.
Les travaux du Pr Giovanni De Micheli de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) en sont un exemple. Il conçoit avec son équipe un implant médical de nouvelle génération. Véritable laboratoire embarqué, cet appareil analyse en temps réel la composition sanguine en sucre, en cholestérol et en cinq protéines, et transmet les données quasiment en temps réel à l’ordinateur du médecin. Tout a été pensé pour le rendre le plus discret possible pour l’organisme. Sa taille, pour commencer, limite le risque d’infection: il est à peine plus gros qu’un grain de sable. Pour réaliser les mesures dans un si faible volume, les ingénieurs ont eu recours à des matériaux nanostructurés, dont la surface est garnie d’aspérités microscopiques. Ils maximisent ainsi la surface de contact entre le capteur et le sang, dans un encombrement minimal.
Il a également fallu repenser l’alimentation en énergie. Les batteries actuelles contiennent des matériaux toxiques, et les éventuels fils électriques sont d’importants vecteurs d’infection. «L’énergie est acheminée sans fil grâce à un minuscule champ électromagnétique généré par un "pansement intelligent" collé sur la peau, juste au-dessus de l’implant», précise Giovanni De Micheli. Le pansement contient également un module Bluetooth pour assurer la communication avec l’extérieur.
Ce dispositif électronique assure des mesures d’une précision comparable à celle des mesures classiques en laboratoire, d’après les chercheurs. Mais c’est surtout un gain de temps pour le médecin qui n’a pas à attendre les résultats, ce qui présente un avantage certain, y compris pour les situations d’urgence. Giovanni De Micheli ajoute d’ailleurs que son équipe «réfléchit actuellement à une manière de faire utiliser le capteur par des équipes d’intervention médicale d’urgence, comme les pompiers». Ces derniers pourraient en effet facilement implanter le capteur à l’aide d’une seringue, avant de le retirer quelques jours plus tard.
Du biodégradable
Une opération bénigne, mais que certains chercheurs visent à supprimer. Comment? En concevant des implants électroniques biodégradables. Fiorenzo Omenetto, de l’Université Tufts à Boston, a ainsi participé à la fabrication d’une puce électronique spécialement conçue pour se dégrader au bout d’un certain temps. Le prototype fabriqué est très basique: il chauffe les tissus alentour pour éliminer les bactéries présentes, avant de disparaître par hydrolyse au bout d’environ trois semaines. Comme tous les composants électroniques, «la puce est composée de silicium. Mais en contrôlant précisément l’épaisseur des couches de silicium, on peut aussi contrôler sa dégradation dans le temps, explique Fiorenzo Omenetto. C’est comme une bouteille de verre jetée à la mer (le verre est composé de silice, NDLR), plus elle est épaisse, plus elle mettra de temps à être dégradée», compare le chercheur. Reste que la seule épaisseur des couches de silicium ne suffit pas à contrôler entièrement le processus de dégradation. La puce est en effet enveloppée d’un film biologique protecteur dont on contrôle aussi la vitesse d’élimination. Souple et biodégradable, ce film est composé de fibroïne, une protéine obtenue à partir de soie de bombyx, que le Pr Omenetto produit spécialement à cet usage.
Les applications médicales sont évidemment prometteuses: avec de telles propriétés, on peut envisager toute une série de capteurs ou de puces délivrant des médicaments à des endroits précis, sans les inconvénients liés aux implants électroniques classiques. A plus longue échéance, la réparation des tissus pourrait aussi en tirer profit. «En cas de fracture osseuse, on pourrait réparer les os avec des matériaux biodégradables qui, en disparaissant, laisseraient le champ libre à la croissance des cellules osseuses», entrevoit Fiorenzo Omenetto.
Toujours est-il que l’utilisation de ce type de matériaux est tout à fait nouvelle et que la route à parcourir est encore longue. Mais les progrès dans cette discipline, qui mêle médecine et électronique, sont fulgurants. A tel point que les scientifiques s’interrogent déjà sur les possibles questions de la sécurité des données. «C’est très important et nous devons travailler autant sur la validité des données récoltées, que sur leur confidentialité», assure Giovanni De Michelli. A l’heure des scandales des écoutes sur les réseaux de communication, c’est en effet une précaution bienvenue.
Google s’y met aussi
Le géant californien Google a dans ses cartons un nouveau type de capteur biologique, placé à l’extérieur de l’organisme. Développée dans ses X-Labs, il s’agit d’une lentille de contact capable de mesurer la glycémie dans les larmes. Les ingénieurs ont associé deux puces électroniques minuscules, invisibles à l’œil nu. La première mesure le glucose, l’autre communique les données vers l’extérieur. Cette innovation a un fort potentiel pour les diabétiques, qui doivent mesurer régulièrement leur glycémie en ponctionnant une goutte de leur sang. Un geste peu pratique et que beaucoup délaissent, alors qu’il est indispensable. Grâce à cette lentille, ils pourraient être alertés en cas de variation importante de leur glycémie. A l’heure actuelle, les équipes de Google cherchent à prouver la précision de leur lentille avant une éventuelle mise sur le marché.