Une polypill pour prévenir les maladies cardiovasculaires
En Suisse, la prise de traitements de prévention est encore mal acceptée, alors même que ceux-ci pourraient apporter des améliorations à la prise en charge de maladies très répandues comme les maladies cardiovasculaires. La polypill est un bon exemple de ce genre de traitement préventif. L’idée n’est pas nouvelle: il s’agit d’administrer à une population âgée de plus de 55 ans un comprimé constitué de plusieurs composants actifs à faible dose. Le but: cumuler l’effet de chacun des éléments constitutifs de la pilule. Autre avantage: assurer un traitement combiné en une seule prise et faciliter ainsi le respect des prescriptions, ce que les spécialistes appellent «l’adhérence». Or, justement, en Suisse, l’adhérence des patients aux traitements de prévention est clairement insuffisante. Prendre plusieurs pilules par jour sur le long terme est difficile et la polypill pourrait théoriquement constituer une réponse partielle à ce problème.
Une approche qui vise toute la population
Aujourd’hui, les médecins privilégient une approche personnalisée. Chaque médicament est prescrit individuellement et à des doses différenciées. La polypill représente à l’inverse une approche impersonnelle visant la prévention à une large échelle, celle de la population dans son ensemble. Elle pourrait être considérée comme le premier échelon médicamenteux de la prévention cardiovasculaire. En cas de symptômes cardiovasculaires plus importants, elle pourrait alors laisser place à une approche individuelle comme on la connaît aujourd’hui.
Autre avantage: la polypill simplifierait le dépistage. Grâce au seul critère de l’âge, elle permettrait de traiter préventivement une grande partie de la population à risque cardiovasculaire faible ou moyen. Le suivi régulier des valeurs anormales chez les personnes sans symptômes ne serait dès lors plus nécessaire.
Les détracteurs de la polypill soulignent toutefois que les malades doivent avoir une perception du risque pour adhérer à un traitement préventif. La prise quasi automatique d’une pilule rend au contraire la démarche banale et pourrait ne pas être suivie. Inconvénient lié: le simple fait d’informer, de manière répétée, les malades d’un risque cardiovasculaire est déjà un outil qui favorise la diminution d’événements cardiovasculaires. En proposant une polypill à une population sans symptômes apparents, celle-ci risque de négliger les recommandations usuelles que sont la pratique du sport, l’alimentation saine et l’arrêt du tabac.
Complémentaire à une meilleure hygiène de vie
Pour s’imposer, la prise d’une pilule unique devrait être vue comme une «ceinture de sécurité» qui seule ne prévient pas les accidents mais en diminue l’ampleur. Elle ne doit pas cacher l’essentiel, c’est-à-dire que les personnes à risque adhèrent à une meilleure hygiène de vie. La polypill doit être considérée comme complémentaire aux mesures usuelles. Autre condition d’un possible succès: la composition de la polypill devrait être variable et différenciée. Plusieurs versions devraient être proposées: cardiovasculaire, anticancers ou neuroprotectrice. Dès lors, une remise en question constante et de nombreuses études seront nécessaires. Et dernière limitation de taille: il faudra tenir compte des effets secondaires, car, même s’ils sont souvent bénins et réversibles avec l’arrêt du traitement, ils pourraient être nombreux avec un tel médicament.
Mais en dépit de ces limitations et de ces recommandations, une polypill de composition différente selon le degré d’intervention pourrait être un instrument complémentaire et prometteur dans la lutte contre le grand nombre de problèmes cardiovasculaires.
Référence
Adapté de «Sommes-nous prêts à prescrire une polypill à nos patients?» J. Castioni, V. Mooser et G. Waeber, in Revue médicale suisse, octobre 2012,2046 -51, en collaboration avec les auteurs.