Anti-cholestérol «naturels», levure de riz rouge: pas si anodins
Les effets secondaires de ces médicaments, ainsi que la polémique sur leur réel intérêt thérapeutique, ont toutefois conduit certains patients à cesser leur traitement pour s’en remettre à des remèdes présentés comme naturels, la levure de riz rouge en particulier. Une démarche qui n’est pourtant pas sans risque pour la santé.
Une législation floue
«Il faut en finir avec cette idée que "si c’est naturel, ça ne peut pas faire de mal", prévient Pierre-Yves Rodondi, médecin spécialiste des médecines complémentaires au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Beaucoup de substances actives encore utilisées dans la pharmacopée occidentale sont d’ailleurs issues de plantes.» Patients et consommateurs, qui démontrent une défiance croissante face à l’industrie pharmaceutique, se détournent peu à peu des prescriptions allopathiques pour s’en remettre à des compléments alimentaires. Un paradoxe loin d’être anodin si l’on considère que ces produits «naturels» bénéficient d’une législation bien moins stricte que celle des médicaments. En Suisse les compléments relèvent de la loi sur les denrées alimentaires. Et l’autorisation de mise sur le marché est bien plus aisée à obtenir que dans le cas d’un médicament, pour lequel plusieurs années de tests en laboratoire puis sur l’humain sont nécessaires. Jusqu’au début de cette année, aucun complément ne devait prouver son efficacité avant d’être commercialisé. Une situation qui est en passe de changer puisque depuis le 1er janvier 2014 la Suisse a adapté sa législation selon les prescriptions européennes. Pour afficher sur un emballage une des 200 allégations de santé (slogans vantant les bienfaits d’une denrée sur la santé) il faudra maintenant que le fabriquant apporte des preuves scientifiques de cet effet.
Une statine qui ne dit pas son nom
«Pour la levure de riz rouge c’est presque le problème inverse qui se pose, relève Pierre-Yves Rodondi. L’effet de cette moisissure rouge qui se développe sur le riz est connu depuis fort longtemps en Chine et il est avéré.» Et si l’efficacité du produit est avérée, c’est qu’il contient de la monacoline K, la substance active que l’on retrouve dans la lovastatine, une des six statines commercialisées en Suisse. «La levure de riz rouge est d’ailleurs officiellement considérée comme un médicament et non un complément», ajoute le docteur Rodondi.
Est-il donc possible de ne pas supporter une statine et de s’accommoder de cette levure de riz rouge? «Les six molécules utilisées dans le statines ne sont pas équivalentes, et effectivement certains patients supportent mieux l’une que l’autre, explique Pierre-Yves Rodondi. Par ailleurs les concentrations de monacoline K sont souvent moins élevées dans la levure de riz rouge que dans la lovastatine, ce qui pourrait expliquer qu’il y ait moins d’effets secondaires.» Une autre explication tient au fait que la plupart des utilisateurs de ce produit ne se doutent pas de la présence d’une statine et n’ont aucune idée des effets secondaires possibles. Ils ne font par exemple pas nécessairement le lien entre des douleurs musculaires légères et le complément alimentaire.
«On touche ici un point très sensible, souligne le médecin. Les emballages et les notices présentes dans ces compléments alimentaires sont très variables et souvent lacunaires. Les interactions médicamenteuses ou les contre-indications sont souvent absentes.»
Autre souci: la concentration exacte de substance active n’est soit pas indiquée, soit pas forcément fiable. La présence d’une molécule toxique pour les reins, la citrinine, a également été retrouvée dans certains produits vendus sur des sites web. Une enquête menée par le magazine françaisQue choisiren 2012 avait ainsi conclu qu’aucun des dix produits testés n’était satisfaisant. L’Agence nationale française de sécurité sanitaire de l’alimentation a d’ailleurs ouvert en 2013 une consultation sur les compléments contenant de la levure de riz rouge.
Jamais en prévention secondaire
Pour Pierre-Yves Rodondi il faudrait mieux encadrer la vente de ces produits, non seulement pour protéger les consommateurs, mais aussi pour avoir des chiffres sur la consommation réelle de cette levure. «Des études de grande ampleur seraient également nécessaires pour mieux connaître et comprendre ses effets sur le métabolisme du cholestérol. Mais la substance n’intéresse guère les laboratoires pharmaceutiques puisqu’il n’y a pas de possibilité de déposer de brevet. S’il y a un message à faire passer aux personnes qui utilisent ce produit c’est d’en parler à leur médecin!», insiste Pierre-Yves Rodondi. Ce produit ne devrait en aucun cas remplacer une statine prescrite en prévention secondaire, c’est-à-dire à quelqu’un qui a déjà eu un accident cardiaque ou une attaque cérébrale.»
Les bénéfices des fibres
L’alternative la plus simple à mettre en œuvre pour contrôler son taux de cholestérol sanguin réside dans l’alimentation. Depuis la fin des années 1990 il a été montré que les fibres alimentaires avaient une action bénéfique sur le taux de lipides sanguins. «Mais il faut être constant et régulier. C’est comme le sport, sourit le spécialiste. L’idée n’est pas de se gaver de légumes et de céréales le week-end puis de ne plus en manger toute la semaine!» Les fibres plus efficaces seraient celles présentes dans les céréales, telles que les flocons d’avoine par exemple. Une ration de 10 grammes de fibres par jour est déjà suffisante pour observer des effets significatifs sur la réduction du risque de maladies cardiovasculaires.
Quant au vieux dicton «Une pomme par jour éloigne le médecin pour toujours», il ne serait d’ailleurs pas si fantaisiste. Une étude publiée en décembre 2013, dans le British Medical Journal, a utilisé une modélisation mathématique pour prédire le nombre de décès de cause cardiovasculaire que permettrait d’éviter la consommation quotidienne d’une pomme. Chez les plus de 50 ans, et dans le cadre d’une prévention primaire, le bénéfice d’une pomme par jour est de peu inférieur à celui d’un traitement par une statine. «Il s’agit bien entendu de projections mathématiques basées sur des compilations d’observations, mais ce résultat souligne l’importance de l’hygiène de vie dans la gestion du risque, commente Pierre-Yves Rodondi. Mais une fois encore nous ne parlons pas ici de patients qui ont déjà eu des problèmes cardiaques ou vasculaires. Dans leur cas, la pomme est certainement aussi utile, mais pas suffisante!»
Guggul: le nouveau venu
La levure de riz rouge a un nouveau concurrent sur le marché des compléments alimentaires censés aider à contrôler le niveau de cholestérol sanguin: le guggul. Si le nom prête à sourire, le composé extrait d’un arbuste, leCommiphora Mukul, est un remède ancestral de la pharmacopée ayurvédique dans laquelle il est connu notamment pour «éliminer les graisses du sang». Ce produit, devenu très populaire aux Etats-Unis, se trouve aujourd’hui très facilement sur des sites de vente en ligne francophones. Certaines substances actives de cette gomme, les «guggulstérones», pourraient se fixer sur des récepteurs cellulaires impliqués dans le métabolisme du cholestérol, expliquant ses effets supposés. «La preuve scientifique de l’efficacité du guggul pour diminuer les taux de lipides sanguins n’a cependant pas été faite», souligne Pierre-Yves Rodondi. Une étude publiée en 2003 dans la revue médicale JAMA a montré que le LDL-cholestérol (souvent appelé «mauvais cholestérol») avait augmenté chez les patients sous guggul. Des cas de toxicité pour le foie ont également été rapportés, ainsi que des éruptions cutanées. D’autres études sont toutefois nécessaires pour mieux comprendre si le guggul permet de diminuer les risques de maladies cardiovasculaires ou pas.
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