Diagnostiquer la maladie Alzheimer bien avant les premiers signes

Dernière mise à jour 05/10/20 | Article
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Une simple prise de sang devrait bientôt permettre de prédire cette maladie qui affecte le cerveau et la mémoire. Une bonne nouvelle selon les spécialistes, même si aucun traitement curatif n’existe pour le moment. Explications.

Perte de mémoire, difficultés à exécuter les tâches quotidiennes, problèmes d’orientation, confusion, difficultés à garder le fil d’une conversation sont autant de symptômes de la maladie d’Alzheimer. Un mal qui endommage petit à petit les cellules du cerveau et qui pourrait être diagnostiqué grâce à des nouveaux tests sanguins très précis. Ces derniers ne sont pas encore sur le marché, mais les recherches en cours sont très prometteuses. «Aujourd’hui, pour un diagnostic fiable de maladie d’Alzheimer, il faut souvent faire une ponction lombaire ou utiliser un scanner pour faire une scintigraphie (lire encadré), explique le Pr Giovanni Frisoni, directeur du Centre de la mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Obtenir un diagnostic grâce à une simple prise de sang serait non seulement moins cher, mais également moins invasif. Sans compter que les tests sanguins actuellement à l’étude permettraient de détecter la maladie longtemps avant que les symptômes ne se manifestent.» Et c’est là un enjeu important pour une prise en charge efficace : «Les premiers symptômes apparaissent jusqu'à vingt ans après le début de la maladie dans le cerveau, précise le Pr Frisoni. Bien qu’aujourd’hui aucun traitement curatif n’existe, nous avons des médicaments qui peuvent en ralentir la progression.» 

Sans oublier qu’un patient averti suffisament tôt avant de sombrer dans la démence peut prendre des dispositions pour aménager le futur. «Si une personne de 45 ans sait qu’elle a de grands risques de développer une maladie d’Alzheimer d’ici une quinzaine d’années, elle va pouvoir planifier la fin de sa carrière professionnelle, accéder à une certaine prévention que l’on sait efficace, prendre des dispositions pour sa fin de vie, entre autres. Aujourd’hui, le diagnostic tombe bien souvent à un stade démentiel de la maladie et c’est à l’entourage de gérer la suite», explique le Dr Oscar Daher, médecin gériatre et responsable du Centre de la mémoire Nord-Broye.

«Tout ce qui est bon pour le cœur est bon pour le cerveau»

Savoir de quoi l’on souffre permet également de diminuer les angoisses liées à des pertes inexpliquées de mémoire. Pour le gériatre, qui est aussi membre du comité de l’Association Alzheimer Vaud: «Ne pas diagnostiquer quelqu’un est une perte de chance. Lorsque l’on sait que le patient est atteint par cette maladie, on peut travailler efficacement avec son médecin de famille. La prise de certains médicaments et des changements dans son hygiène de vie permettent au patient d’améliorer sa qualité de vie et de retarder l’échéance très invalidante de ce mal.» 

Le Pr Jean-François Demonet, directeur du Centre Leenaards de la mémoire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) insiste: «Les tests sanguins, décrits dans deux articles récemment publiés dans la revue Nature Medicine, s’ils s’avèrent efficaces, seront faciles à faire et offriront une meilleure précision au diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Dépister tôt la maladie, permet de mieux se préparer et de mieux répondre aux symptômes.» Le spécialiste mise également sur la prévention: «Tout ce qui est bon pour le cœur est bon pour le cerveau. Bouger, manger sainement et continuer à faire travailler ses neurones en ne cessant d’apprendre aident à ne pas développer de démence. Les activités de groupe, celles qui maintiennent un lien social, sont aussi excellentes. En revanche, les retraités qui passent leur journée en pantoufles devant la télévision ont plus de risques de développer la maladie d’Alzheimer plus tard!»

Soigner sans pour autant guérir

Aujourd’hui, une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer peut ralentir sa progression, sans pour autant stopper le processus de dégénérescence cérébrale. Ces nouveaux tests sanguins, qui devraient être sur le marché d’ici deux à quatre ans, pourraient un jour être proposé à un large éventail de la population, dès 50 ans. A l’instar de ce qui se fait dans le cadre de campagnes publiques de dépistage de certains cancers (prostate, sein, côlon). «En médecine, les progrès se font souvent au niveau du diagnostic avant de se faire au niveau du traitement, explique Jean-François Demonet. Avec ces tests, nous pourrons mieux caractériser la maladie et ensuite mieux la traiter. Ils permettront également d’écarter certains patients qui se plaignent de troubles de la mémoire et qui souffrent d’autres types de pathologies que la maladie d’Alzheimer.»

Cette maladie fait l’objet de nombreuses recherches car elle touche 20,9% des hommes âgés entre 80 et 89 ans et 28,5% des femmes dans cette même tranche d’âge. Plus l’on avance en âge, plus ce pourcentage augmente. «Depuis un an environ, un traitement à visée curative par immunothérapie (impliquant le système immunitaire des patients, ndlr) a commencé à être autorisé dans certains pays, se réjouit le Dr Daher. Un jour peut-être, nous pourrons guérir de la maladie d’Alzheimer… »

IRM, scintigraphie et ponction lombaire

Les tests sanguins ne sont pas encore disponibles sur le marché. Aujourd’hui, pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer, il faut donc avoir recours à d’autres méthodes, plus invasives et coûteuses.

Tests cognitifs

Dans un premier temps, lorsqu’un patient se plaint de troubles de la mémoire, le médecin lui fait passer des tests cognitifs. «Le sentiment de perdre la mémoire est quelque chose d’assez subjectif, explique le Pr Giovanni Frisoni, directeur du Centre de la mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Les tests permettent de vérifier s’il y a bel et bien des troubles.»

Imagerie par résonance magnétique (IRM)

Si les tests cognitifs mettent en évidence des troubles, le patient passe ensuite une IRM. «Cet examen permet de voir l’atrophie des tissus cérébraux qui sont une conséquence des lésions alzheimeriennes. Malheureusement, à un stade précoce, on ne parvient souvent pas à les déceler par cette technique», précise le Pr Frisoni. 

Scintigraphie

La scintigraphie intervient en principe après l’IRM, pour valider une suspicion de maladie d’Alzheimer. Il en existe de trois types. Celle au glucose, celle à la protéine bêta amyloïde et celle à la protéine TAU. «La scintigraphie au glucose consiste à injecter du glucose légèrement radioactif au patient puis à regarder, grâce à un scanner, où se trouvent les régions du cerveau qui ne fonctionnent pas bien et n’utilisent donc pas, ou mal, le sucre injecté», poursuit Giovanni Frisoni.

Les scintigraphies à l’amyloïde ou aux protéines TAU permettent quant à elles d’observer où se sont déposées les molécules toxiques qui démarrent le processus neurodégénératif typique de la maladie d’Alzheimer.

Ponction lombaire

Cet examen consiste à prélever, au niveau des vertèbres lombaires, le liquide céphalo-rachidien dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière. On peut mesurer dans ce liquide les quantités de protéines TAU et amyloïde.

Les futurs tests sanguins 

Ils permettront de doser les protéines TAU directement dans le sang, contournant les examens longs et coûteux sous scanner ou invasifs en cas de ponction. A noter que dans le sang, la concentration de protéines TAU est bien plus faible que dans le liquide céphalorachidien, d’où la précision remarquable de ces futurs tests. Ce n’est pas là le seul atout de ce nouvel outil diagnostic: «Les biomarqueurs que l’on parvient à identifier grâce à ces tests sont très spécifiques et permettent de confirmer la signature biologique de la maladie. Il sera ainsi possible, dans certains cas, de prédire, avec quelle rapidité la maladie va évoluer, explique le Dr Oscar Daher, médecin gériatre et responsable du Centre de la mémoire Nord-Broye. Pouvoir ainsi surveiller de près la maladie permet de proposer le meilleur suivi clinique possible.» 

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Paru dans Le Matin Dimanche le 19/07/2020.

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