La fin du tablier en plomb en radiologie
Radiographie ou radiothérapie?
Les radiographies, les scanners et les différentes techniques de radioscopie font appel aux rayons X selon des dosages différents, mais relativement bas. Le but est de visualiser une partie du corps sans l’endommager. À l’inverse, la radiothérapie contre le cancer utilise ces mêmes rayons, mais à des doses élevées afin de détruire les cellules tumorales. Les faisceaux sont canalisés de manière très précise pour limiter l’exposition des tissus sains.
Si lors de votre prochaine radiographie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) le personnel en radiologie ne vous propose plus de vêtir le lourd tablier en plomb: pas de panique! Ce n’est pas un oubli, mais une évolution des pratiques. Marta Sans Merce, physicienne médicale au Département diagnostique des HUG, explique: «Depuis l’automne dernier, le tablier n’est plus préconisé. Cette décision est le fruit d’un groupe de travail pluridisciplinaire, dont je fais partie, qui est composé de techniciens et techniciennes en radiologie médicale, de médecins radiologues et de physiciennes. Nous avons suivi les recommandations européennes en la matière, ainsi que celles de la Société suisse de radiobiologie et physique médicale.»
«Grâce aux équipements modernes, les doses de rayons X utilisées pour une radiographie sont très basses et le faisceau envoyé par l’appareil est canalisé sur la partie du corps dont on souhaite obtenir une image», précise la physicienne. «Les rayons X diffusés se propagent à l’intérieur du corps principalement dans la zone imagée et aucun tablier en plomb ne peut empêcher cela. L’utilisation du tablier peut être parfois contre-productive, car celui-ci peut altérer la qualité de l’image, nuisant ainsi au diagnostic. Cela peut également fausser le contrôle automatique de l’exposition de l’appareil radiologique qui va délivrer une dose plus élevée», explique Cesare Zingariello, chef technicien adjoint en radiologie médicale du Service de radiologie des HUG.
Pour mieux comprendre comment agissent les rayons, imaginons un faisceau d’eau envoyé sur le pied. Il va principalement mouiller celui-ci, mais des éclaboussures vont toucher la cheville et quelques gouttes peuvent aussi atteindre la jambe.
En revanche, il n’est pas assez puissant pour mouiller la taille. Les rayons X agissent de la même manière et les petites «éclaboussures» qui pourraient atteindre une autre partie du corps sont sans conséquence. «Lorsque le tablier gêne l’examen, il faut refaire une deuxième radiographie et la personne est doublement irradiée», précise la Dre Sana Boudabbous, médecin radiologue responsable de l’Unité de radiologie ostéo-articulaire des HUG.
Les pros gardent le tablier
Ce changement de pratique, après plus de cinquante ans d’utilisation des tabliers en plomb, n’est pas du goût de tout le monde. «En pédiatrie, certains parents sont sceptiques, car ils craignent que des rayons puissent endommager les organes proches de la zone à explorer», poursuit la médecin. Une réticence qui s’explique aussi parce que, en salle de radiologie, le personnel soignant et les personnes accompagnantes doivent continuer à se protéger, soit derrière une vitre plombée, soit en portant le tablier. «On peut faire une analogie avec les médicaments. Lorsqu’on est malade, on est d’accord de prendre un traitement qui peut avoir quelques effets secondaires. En revanche, il est inutile de se soumettre à cela si on n’est pas souffrant», poursuit Marta Sans Merce. En d’autres termes, s’exposer à une légère diffusion de rayons dans le but d’obtenir un diagnostic: oui. Mais s’exposer, même à des doses infimes, à ces mêmes radiations pour rien: non. Et Cesare Zingariello de préciser: «Le personnel soignant passe des heures en salle de radiologie. Il doit donc se protéger, car sinon il serait soumis toute l’année à des rayonnements inutiles.»
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Article repris du site pulsations.swiss