Bilans réguliers, gages de bonne santé?
L’envie de consulter son médecin pour un check-up complet, avec comme objectif premier de s’assurer que tout va bien, est fréquente. Pourtant, se lancer dans une batterie d’examens et bilans sanguins ne permet pas de préserver sa santé. «Un check-up consistant à faire un point à partir d’examens médicaux suggérés par un patient, sans fondement scientifique, n’a aucune efficacité démontrée, affirme le Pr Idris Guessous, médecin-chef du Service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). En revanche, des examens ciblés de prévention, dont l’utilité a été validée par des études scientifiques, présentent un intérêt indiscutable.» Même avis pour la Dre Isabelle Jacot Sadowski, médecin au Département promotion de la santé et préventions d’Unisanté: «L’intérêt d’une pratique régulière de check-up n’est pas scientifiquement démontré, alors que certaines interventions préventives sont utiles et efficaces, et donc recommandées.»
Une pratique à discuter
Une prévention efficace ne peut être mise en place qu’après une discussion entre le médecin traitant et son patient. «Le professionnel doit prendre le temps d’expliquer pourquoi, par exemple, il ne prescrira pas le test demandé, poursuit le Pr Guessous. Le bilan de santé ne doit pas être une démarche individuelle d’un patient basée sur un désir personnel. Le médecin doit dans ce cas réussir à dire non, car ces tests n’apportent rien. Certains peuvent même générer angoisse et stress, sans oublier d’éventuels effets secondaires non négligeables.»
Prévention: la question du coût
Les interventions préventives ont un effet bénéfique sur la santé. Et elles doivent aussi, avant d’être déployées, en avoir un en termes de coûts de la santé. Dans un contexte de limitation de ces coûts, la prévention est en effet observée via un prisme financier. Le volet économique de toute nouvelle mesure est ainsi pris en compte dès le départ de son évaluation. Il est alors question d’efficience, c’est-à-dire du rapport entre le coût investi et le bénéfice apporté. Toute action de prévention doit ainsi bien sûr être efficace, mais aussi efficiente. Le coût par année de vie gagnée, en tenant compte de la qualité de vie, représente un bon critère de cette efficience. Si une intervention répond de manière satisfaisante à ce critère, un programme de dépistage peut être décidé et/ou un dépistage remboursé. Sur cette base, «il existe des programmes cantonaux de dépistage du cancer colorectal et du cancer mammaire», indique la Dre Isabelle Jacot Sadowski, médecin à Unisanté.
La discussion nécessaire à un bilan de santé est toujours globale. Le rapport entre les bénéfices apportés par un examen donné et ses possibles inconvénients ou risques (surdiagnostic et effets secondaires principalement) est évalué. Différents thèmes comme l’alimentation, l’activité physique, la consommation d’alcool et de tabac ou encore les comportements sexuels sont abordés. «Les habitudes de vie ont un impact important sur la santé, les conseils de promotion de la santé représentent une partie essentielle du bilan de santé», insiste la Dre Jacot Sadowski.
Au-delà de ces conseils et examens, recommandés en fonction de l’âge, du sexe et des facteurs de risque de chacun, la prévention passe également par la vaccination: «La vérification du statut vaccinal fait partie du bilan de santé. Les adultes devraient faire un rappel de la vaccination contre la diphtérie et le tétanos tous les vingt ans, et contre la grippe tous les ans à partir de 65 ans», décrit la Dre Jacot Sadowski.
Dépister les facteurs de risque cardiovasculaire…
Tension artérielle et poids devraient ainsi être régulièrement contrôlés. Idem pour l’excès de cholestérol ou le diabète, dont le dépistage est recommandé à partir de 40 ans. Des questions permettent aussi de déceler un état dépressif. «La santé mentale fait partie intégrante du bilan de santé et ce, à tout âge», rappelle la médecin d’Unisanté, également membre du comité scientifique EviPrev (programme national qui édite un tableau régulièrement actualisé de recommandations d’interventions préventives, à l’intention des professionnels de santé).
… mais aussi les infections et les cancers
Enfin, des dépistages, là encore proposés en fonction de l’âge, du sexe et des facteurs de risque, sont recommandés. Peu nombreux, ils permettent de détecter précocement une infection, comme le VIH ou une hépatite, ou un cancer, avant que les premiers symptômes n’apparaissent. L’objectif étant de pouvoir rapidement mettre en place une prise en charge efficace et ainsi améliorer le pronostic. Car plus ces maladies sont combattues tôt, meilleures sont les chances de succès du traitement.
Cinq types de cancers sont concernés par les recommandations EviPrev: ceux du côlon et du rectum, du col de l’utérus, du sein, de la prostate et du poumon. «Pour ce dernier, le dépistage s’avère indiqué chez les fumeurs et anciens fumeurs, mais les modalités de sa pratique en Suisse ne sont encore déterminées, précise la médecin d’Unisanté. Bien que des bénéfices aient été suggérés dans le cadre de travaux récents, il n’est pour le moment pas pris en charge par l’assurance-maladie.» Les recommandations en termes de prévention, établies sur la base de critères précis, sont finalement en permanente évolution et ajustées au rythme des avancées scientifiques réalisées.
Quelques dépistages conseillés
Des examens et dépistages sont recommandés à une personne en fonction de son âge, son sexe et ses facteurs de risque. Voici quelques repères (à ajuster au cas par cas).
Dès 40 ans, dépistage des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires comme:
- hypertension artérielle (une fois tous les trois ans avant 40 ans, puis une fois par an);
- dyslipidémie, autrement dit excès de cholestérol ou de triglycérides (bilan sanguin une fois tous les deux à cinq ans);
- diabète.
Dès 50 ans, dépistage des cancers:
- colorectal (recherche de sang dans les selles tous les deux ans ou coloscopie tous les dix ans);
- du sein (mammographie tous les deux ans);
- de la prostate (dosage sanguin du taux PSA (enzyme produite par la prostate) une fois tous les un à deux ans, recommandé seulement après un partage de la décision entre le médecin et son patient);
- du poumon (pour les fumeurs et anciens fumeurs et recommandé seulement après un partage de la décision entre le médecin et son patient);
- du col de l’utérus (dépistage recommandé dès 21 ans, par frottis ou test HPV (papillomavirus) tous les trois ans).
Source: Recommandations EviPrev 2023.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 17/03/2024