Chirurgie de l’obésité: le suivi à vie des opéré(e)s est indispensable
La chirurgie bariatrique (du grec baros, poids) connaît un essor important. En France, plus de 40 000 patients sont désormais opérés chaque année (dont 80% de femmes). Un triplement en huit ans. Ce traitement particulier de l’obésité n’est indiqué qu’en deuxième intention, chez des personnes ayant un IMC supérieur ou égal à 35 kg/m2 et présentant un autre facteur de risque. Cette chirurgie consiste, en substance, à réduire le volume de l’estomac et la surface d’absorption des aliments ingérés.
Trois approches
Parmi les techniques chirurgicales pouvant être utilisées, trois sont aujourd’hui majoritairement employées: l’anneau gastrique dit «ajustable» (de moins en moins utilisé du fait d’un manque d’efficacité), la «gastrectomie longitudinale» et le «court-circuit gastrique» (By-pass). Le By-pass bastrique permet de réduire la capacité de l’estomac et de le relier au jéjunum (une partie de l’intestin grêle) pour limiter l’absorption intestinale.
Longtemps plébiscité, l’anneau reste associé à un échec dans un cas sur deux. «Au bout de deux ans, la perte d’excès de poids est seulement de 40%, alors qu’elle est respectivement de 67 et 75% pour la gastrectomie et le By-pass», a indiqué le Pr Karim Slim (service de chirurgie viscérale, CHRU Clermont-Ferrand) lors des derniers «Entretiens de Bichat»1 organisés à Paris.
Fistules et reflux
Les complications peuvent survenir dès la première semaine qui suit l’intervention. Dans le cas d’une gastrectomie, «une fistule gastrique apparaît chez 2% des patients au niveau de la ligne de suture». Or il faut savoir que chez les personnes ayant bénéficié auparavant d’un anneau gastrique ce risque est multiplié par sept.
Une autre complication précoce est le reflux gastro-oesophagien, qui il affecte un patient sur quatre. Un traitement médicamenteux par inhibiteurs de pompe à proton (IPP) est à alors à instaurer.
Le court-circuit gastrique est, quant à lui, associé à des complications plus fréquentes que la gastrectomie longitudinale. Outre à la fistule, il expose à des risques de «sténose anastomotique» ou de «hernie interne»aiguë ou chronique.
Perdus de vue
L’une des difficultés d’un traitement chirurgical de l’obésité sévère est que 30 à 50% des patients sont ensuite perdus de vue. «Une situation d’autant plus préoccupante que le risque de reprise de poids, de carences nutritionnelles et de complications, potentiellement graves, est très élevé», a souligné le Pr Olivier Ziegler (service de diabétologie, CHU de Nancy), également lors des «Entretiens de Bichat»1. Pour lui,un suivi à vie est indispensable pour ces patients. «Il convient de construire un parcours de soins adapté, s’appuyant sur une coordination entre médecine de ville et centres médico-chirurgicaux, notamment pour améliorer l’éducation thérapeutique des patients», souligne le diabétologue.
Les risques correspondent à différentes périodes de l’après-intervention:
- Risques à court terme: le Pr Ziegler explique qu’après une chirurgie, l’évolution de la courbe pondérale se fait en trois phases. La première (perte importante et facile de poids) dure deux ans en moyenne et se caractérise par une amélioration majeure de la santé, des risques associés à l’obésité, de l’humeur et de la qualité de vie. La surveillance porte alors essentiellement sur l’état nutritionnel, le risque de carences étant élevé, notamment après un By-pass. Pour limiter les complications sur le long terme, il faut alors prévoir une supplémentation à vie, notamment en fer, en folates, en calcium et en vitamine B12. Il faut également prévenir la survenue d’une lithiase biliaire, très fréquente.
- Risques à moyen terme (reprise de poids): pendant la deuxième phase (de la 2e à la 6e ou 8e année) les patients opérés reprennent en moyenne 30% du poids perdu. C’est la conclusion d’une étude suédoise qui a porté sur plus de 4000 patients. Une autre étude, menée sur quatre ans, a conclu que près de neuf patients sur dix ayant bénéficié d’un By-pass ont rapporté une reprise de poids de 10 kg en moyenne. «Par lassitude, les recommandations sont moins respectées. Auparavant bien contrôlés, les troubles du comportement alimentaire peuvent alors réapparaître, explique le Pr Ziegler. C’est pendant cette deuxième phase qu’une grande majorité de patients sont perdus de vue. Confrontés à une dégradation de la qualité de vie et à une reprise de poids, vécue comme un échec, les patients n’osent plus consulter.»
- Risques à long terme: Cette phase commence huit ans après l’intervention, et «dure toute la vie». Elle est associée à un risque de complications graves, avec une perte de masse osseuse, une anémie par carences multiples (lorsque la supplémentation est délaissée) ou de neuropathies tardives – complications rares, mais irréversibles.
La surveillance médicale est plus que conseillée, en raison notamment du risque d’échappement glycémique, après rémission d’un diabète, et de la possible réapparition d’un syndrome d’apnées du sommeil. Avec le temps, les patients peuvent développer des troubles psychologiques, accentués par le sentiment d’échec. «La dépression réapparaît chez ceux qui ont perdu moins de 25% de leur masse corporelle, soit la majorité des patients», a indiqué le Pr Ziegler. Il faut aussi compter avec le risque élevé de suicide. «C’est un vrai problème, qui doit amener à mettre en place un suivi psychothérapeutique poussé, qui n’existe pas encore pour le moment», regrette le Pr Ziegler.
Réduire l’agression
C’est dire l’importance que l’on peut accorder à une nouvelle approche en phase de développement: la «réhabilitation améliorée». Ce sont des mesures mises en œuvre avant et après l’opération qui visent à réduire l’agression de l’acte chirurgical et à améliorer le suivi et le confort du patient. Le Pr Slim a pour sa part mis au point le groupe professionnel francophone dédié à la réhabilitation améliorée après chirurgie.
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1. La publication des Prs Karim Lim et Olivier Ziegler est disponible ici (reproduction interdite).
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L’obésité est une maladie qui augmente le risque de survenue d’autres maladies et réduit l’espérance et la qualité de vie. Les patients atteints de cette accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle nécessitent une prise en charge individualisée et à long terme, diététique et comportementale.