Autopsie d’une passion
1980 Naissance à Hohenems, en Autriche.
2004 Doctorat en médecine à l’Université d’Innsbruck, Autriche.
2004 Arrive à l’institut de médecine légale de Berne.
2004 - 2011 Met au point la technique d’angiographie post-mortem.
2014 Nommée responsable de l’unité d’imagerie forensique au Centre universitaire romand de médecine légale.
2016 Nommée professeure ordinaire de médecine légale à l’Université de Genève et à l’Université de Lausanne.
2016 Nommée directrice du Centre universitaire romand de médecine légale.
A la voir, à l’entendre, l’aurait-on imaginée médecin légiste? Pas sûr. Parce que la joie de vivre qu’elle dégage contraste avec le froid et la stupeur qu’on imagine envahir une salle d’autopsie lorsqu’un cadavre y est déposé. Et c’est pourtant de ce contraste que les clichés tombent: Silke Grabherr allie une force, une passion, une sensibilité qui rendent considérablement humaine et vivante la médecine des morts et des humains en souffrance. Car rappelons-le, la médecine légale s’occupe des défunts décédés dans des circonstances a priori suspectes, mais aussi d’êtres bien vivants, victimes de sévices, de viols et impliqués dans des démarches judiciaires nécessitant des expertises médico-légales.
Comprendre l’humain qu’il a été
La passion de Silke Grabherr résonne comme celle des rêves atteints par celles et ceux qui font ce qu’ils ont envie de faire depuis toujours. Toujours, ou presque, explique-t-elle: «Comme beaucoup en Autriche, d’où je viens, j’ai fait une formation professionnalisante, en cinq ans, sorte de gymnase couplé à une école spécifique, hôtelière dans mon cas. J’en suis sortie potentiellement serveuse, comptable, secrétaire, cuisinière, et convaincue de vouloir faire tout sauf ça! Mais je viens d’un milieu modeste, ma mère m’élevait seule, reprendre des études n’était pas si simple.» Deux voies la font pourtant rêver: médecine et police. Ce sera médecine. La jeune femme se lance: départ pour l’Université d’Innsbruck, immersion dans les cours et jobs d’étudiant. Elle se sent sur sa voie, mais pas complètement convaincue. «Je ne me voyais pas spécialiste d’un organe toute ma vie ou médecin généraliste seule dans un cabinet. Le déclic est venu d’un stage en médecine légale, raconte Silke Grabherr. Tout y était: la médecine du corps dans son ensemble, les investigations policières, les interactions avec la justice, l’adrénaline. Alors certes, en salle d’autopsie le patient est mort, mais comprendre l’humain qu’il a été et ce qu’il lui est arrivé m’a fasciné.»
Angiographie post-mortem
Sa volonté ne la quittera plus. Ni pour obtenir son doctorat en médecine, ni pour décrocher un stage à l’Institut de médecine légale de Berne. Et encore moins face au défi qui lui est alors lancé: prouver qu’elle peut faire sa thèse sur un projet naissant et chaotique, l’angiographie post-mortem. Sept ans d’embûches, de ténacité, d’audace plus tard, elle réussit à mettre au point une technique là où tout le monde échouait. Ce qui lui vaudra quelques hostilités. Cette technique d’abord bricolée devient un appareil industrialisé (la MPMCTA, pour Multiphase Post Mortem Computed Tomography Angiography). Le principe: relancer la circulation vasculaire pour suivre le trajet emprunté par le sang avant l’arrêt du cœur et y observer les éventuelles failles, conséquences possibles de blessures, gestes médicaux accidentels ou pathologies cardiovasculaires fatales.
Devenue directrice du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) après le départ à la retraite du Pr Patrice Mangin, Silke Grabherr est à un tournant. Sa MPMCTA est utilisée en Italie, en France, en Corée du Sud, au Japon ou encore au Brésil. Les médecins légistes experts en imagerie médicale du monde entier viennent la découvrir et se former au CURML et les projets internationaux se multiplient. «Aujourd’hui, mon moteur est de pouvoir donner à d’autres les moyens de faire ce qui me passionne et ce en quoi je crois. La médecine légale est essentielle. Nous la devons aux morts autant qu’aux vivants.»
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Article repris du site pulsations.swiss