Une attaque cérébrale peut modifier la personnalité
De quoi on parle
En janvier 2013, l’avocat genevois Dominique Warluzel a subi un AVC qui l’a laissé hémiplégique. Six mois plus tard, alors qu’il semblait tiré d’affaire, il a eu une violente crise d’épilepsie. Il admet aujourd’hui être plus violent et colérique qu’avant. Le 2 janvier dernier, l’avocat a tiré sur son aide-soignante. La victime ayant porté plainte, il a été placé en détention provisoire.
«Un coup de tonnerre dans un ciel serein.» C’est ainsi que certains patients décrivent l’accident vasculaire cérébral (AVC) dont ils ont été victimes. Une maladie fréquente, puisqu’un individu sur six est touché au cours de son existence. Car même si le risque augmente avec le vieillissement, l’AVC peut frapper à tout âge. «Il est rare durant l’enfance, précise Patrik Michel, médecin-chef du Centre cérébrovasculaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). A partir de 18 ans, son incidence croît lentement, puis elle s’accélère après 40 ans.» Toutefois, grâce à l’amélioration des soins et de la prévention, le nombre de survivants augmente en Suisse.
Circulation sanguine perturbée
Deux phénomènes déclenchent un AVC: lorsqu’une artère cérébrale est bouchée par un caillot sanguin (on parle alors d’«accident ischémique», le plus fréquent), ou quand un vaisseau se rompt à l’intérieur du crâne, provoquant une hémorragie. Dans les deux cas, le résultat est le même: la circulation sanguine est perturbée dans le cerveau, qui manque alors d’oxygène et de nutriments, ce qui provoque des dégâts souvent irréversibles.
Comme lors d’un tremblement de terre, parfois précédé de petites secousses, il peut y avoir des signes avant-coureurs. Ce sont les accidents ischémiques transitoires (AIT) qui disparaissent spontanément, le caillot se dissolvant tout seul. Mais la plupart du temps, l’attaque ne prévient pas et arrive très brusquement. Parfois même quand on dort. «Comme elle est rarement douloureuse, elle ne réveille pas la victime», qui n’en prend conscience qu’au réveil, explique le Dr Michel. En quelques secondes, une personne qui se sentait très bien peut être sujette à différents symptômes (lire encadré) dont la nature et la sévérité dépendent de la zone du cerveau affectée et de la taille de celle-ci.
C’est d’ailleurs aussi le cas des séquelles. Environ 25% des individus touchés sortent indemnes de leur AVC, 25% en décèdent dans les jours, les mois ou les années qui suivent, et la moitié conservent un handicap. Il peut s’agir de troubles physiques ou cognitifs (affectant la parole, la mémoire, etc.), émotionnels (dépression, anxiété) ou comportementaux. Certaines personnes deviennent «apathiques et manquent de motivation, alors que d’autres deviennent désinhibées; elles ne se contrôlent plus, reprend Patrik Michel. Souvent, les traits de caractère s’accentuent et la personne fait face à un stress énorme.» C’est peut-être ce qui est arrivé à Dominique Warluzel, comme il l’a confié à L’Illustré: «Je suis plus violent et colérique que je ne l’étais avant. J’ai des moments de dérapage verbal ou comportemental incontrôlés.»
En cas de symptômes d’attaque cérébrale – «mais aussi d’AIT, qui augmente de façon importante le risque d’AVC», précise le Dr Michel – il faut réagir très vite et appeler le 144. Plus l’on tarde, plus les dégâts sont importants car, lorsqu’ils sont complètement privés d’oxygène et de nutriments, les neurones peuvent mourir en quelques minutes. Toutefois, certains d’entre eux «se trouvent dans un état intermédiaire et peuvent être sauvés». A l’hôpital, une fois le diagnostic posé, le traitement consiste à dissoudre le caillot de sang à l’aide d’un médicament, «qui doit être injecté dans les quatre ou cinq heures suivant le début des symptômes ou, mieux encore, dans les deux ou trois heures».
Depuis peu, il est d’usage de déboucher également l’artère avec un cathéter car «pratiqué rapidement, ce double traitement est très efficace». En cas d’hémorragie, il s’agit de la stopper au plus vite. Une bonne prise en charge, qui inclut une rééducation très précoce, «évite les complications et diminue le taux de récidive qui est d’environ 10% au cours de la première année», précise encore le neurologue du CHUV.
Quand faut-il s’inquiéter?
Si vous ressentez soudain:
- Une paralysie (souvent unilatérale)
- Des troubles de la vue
- Des troubles du langage
- Des vertiges rotatoires sévères
- Des maux de tête inhabituels et sévères
Ces symptômes indiquent un possible AVC ou un AIT (accident ischémique transitoire). Appelez immédiatement le 144.
Un mode de vie sain
Il existe cependant des moyens pour minimiser le risque d’AVC. Il est impossible d’agir sur certains facteurs de risques, comme l’âge ou des facteurs familiaux; on peut en limiter, ou en éviter, d’autres, comme l’hypertension artérielle, l’excès de cholestérol, l’obésité, le tabagisme, la surconsommation d’alcool, l’obésité ou la sédentarité (lire encadré). «En adoptant un mode de vie sain, on peut réduire de 50%, voire plus, le risque d’avoir un AVC», conseille le neurologue qui recommande aussi «des visites régulières chez son médecin traitant».
La prévention, l’amélioration des traitements et du diagnostic, l’investissement des médecins traitants, mais aussi «la volonté politique qui a conduit, depuis cinq ans, à l’organisation de la prise en charge des attaques cérébrales dans des centres et unités cérébrovasculaires certifiés» ont permis de diminuer, en Suisse, le nombre relatif d’AVC dans les différentes tranches d’âge. Et d’accroître le nombre de personnes qui survivent à ce «coup de tonnerre» qui a ébranlé leur cerveau.
Une prise en charge individuelle ou en groupe pour éviter les récidives
Une fois leur AVC traité, les patients sont informés sur leur maladie et incités à modifier leur mode de vie pour éviter les récidives. «C’est un moment propice pour une approche éducative, car les personnes sont déstabilisées dans leurs croyances par rapport à leur santé, ce qui les rend plus réceptives aux messages préventifs», souligne Diane Morin, infirmière clinicienne spécialisée dans l’éducation thérapeutique des patients dans le domaine vasculaire.
L’approche est individuelle. «En partant du patient», et de ce qu’il est prêt à changer dans ses habitudes, et en «intégrant sa famille aux discussions», l’infirmière et ses collègues tentent de l’aider à arrêter de fumer, à modérer sa consommation d’alcool – «au maximum un verre par jour pour les femmes et deux pour les hommes» – et à pratiquer une activité physique. Elles l’engagent aussi à veiller à son alimentation, «en privilégiant un régime de type méditerranéen, riche en fruits et légumes, en huile d’olive et en poissons, mais pauvre en graisses animales». Ces conseils sont aussi valables pour éviter un premier AVC ou un infarctus du myocarde.
Depuis 2013, le CHUV propose aussi à ses patients de participer à un programme d’éducation thérapeutique en groupe. Plusieurs mois après leur attaque cérébrale, les volontaires et leurs proches peuvent suivre seize heures de formation prodiguées par une équipe pluridisciplinaire (infirmières spécialisées, neurologues, neuropsychologues, nutritionnistes, etc.) qui les aident «à réintégrer leur vie familiale et professionnelle».
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Accident vasculaire cérébral (AVC)
L'AVC, ou "attaque cérébrale", est la conséquence d'un manque d'apport de sang dans le cerveau (obstruction ou rupture d'un vaisseau). Les symptômes ne sont pas toujours réversibles.