Améliorer sa vie après une atteinte au cerveau

Dernière mise à jour 25/01/21 | Article
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En Suisse, une personne sur six a, ou aura, été victime d’un accident vasculaire cérébral au cours de sa vie. La neurorééducation vise à redonner à ces individus la plus grande autonomie possible.

Chaque année, 16’000 Suisses subissent un accident vasculaire cérébral (AVC) et environ 5’000 un traumatisme crânien. Grâce aux avancées de la médecine et de la neurochirurgie et à la mise en place de service de réanimation spécialisés, de plus en plus de personnes survivent à ces attaques qui provoquent des lésions dans le cerveau. Toutefois, elles en gardent souvent des séquelles qui entravent leur qualité de vie, voire les handicapent. D’où l’importance de la neurorééducation qui a pour objectif «d’améliorer la récupération des patients, d’augmenter leur autonomie et, pour les individus en activité, de favoriser l’insertion professionnelle», précise la Dre Karin Diserens, médecin adjointe au Service de neurologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et cheffe de l’Unité transversale de neurorééducation aigüe. Selon la zone affectée par la lésion, le cerveau est incapable d’accomplir certaines tâches. Il faut donc le rééduquer. La plupart des méthodes utilisées font appel à la plasticité cérébrale, cette capacité que possède le cerveau de réorganiser ses réseaux de neurones afin de compenser ceux qui ont été détruits. «La région cérébrale qui représente l’épaule peut ainsi, grâce à un certain entraînement, gouverner la main», illustre le Pr Armin Schnider, médecin-chef du Service de neurorééducation des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

La mémoire qui flanche

À la suite d’une atteinte cérébrale, on peut souffrir de troubles moteurs, comme la paralysie d’une jambe, ou de tout un côté du corps (hémiplégie). Mais on peut aussi être atteint dans sa cognition, en particulier dans sa mémoire. Les deux tiers des personnes ayant subi des lésions cérébrales s’en plaignent, et «elles sont plus nombreuses encore lorsqu’on teste leurs capacités mnésiques», constate Armin Schnider. Les formes de mémoire les plus fréquemment touchées sont la mémoire épisodique (celle qui permet de se souvenir d’événements passés, mais aussi de se projeter dans l’avenir) et la mémoire prospective (cette faculté que nous avons à ne pas oublier de nous rappeler que, demain, nous devons faite telle chose). La prise en charge consiste à «entraîner la personne à adopter des mesures de compensation. Par exemple, quand elle entend un nom, à l’associer avec une image», explique le médecin des HUG. Le patient peut aussi employer des moyens auxiliaires comme les aide-mémoires rédigés sur du papier ou, mieux encore, sur un smartphone qui déclenche des alertes.

Dix à douze semaines de traitement, à raison d’une ou deux séances hebdomadaires, permettent d’améliorer la mémoire lorsque les troubles sont légers ou modérés. Reste à savoir si ces bénéfices persistent à long terme.

Emotions et comportements perturbés

Une lésion cérébrale peut aussi engendrer des troubles émotionnels ou comportementaux, en particulier une apathie (incapacité à être ému, à réagir face à un événement ou à autrui), une agressivité, verbale ou physique, ou une dépression. Celle-ci peut être est due non seulement à la souffrance que l’on éprouve lorsqu’on est diminué ou handicapé, mais aussi à la lésion elle-même si elle se situe dans l’une des régions cérébrales régulant les émotions. La prise en charge de ces troubles peut passer par la prescription de médicaments: des antidépresseurs contre la dépression, des bêtabloquants ou des antiépileptiques qui stabilisent l’humeur pour diminuer l’agressivité. En revanche, «il n’existe aucun médicament dont l’efficacité a été scientifiquement prouvée pour faire face à l’apathie», souligne Armin Schnider.

Quoi qu’il en soit, quand traitements médicamenteux il y a, ils doivent être accompagnés d’une thérapie de type cognitivo-comportementale et/ou neurocomportementale. Cette dernière passe parfois par des gestes simples. «Si une personne se montre agressive, ses soignants ou ses proches doivent par exemple se retirer tout de suite, afin de se soustraire à ce comportement», précise le neurologue genevois. Il faut par ailleurs adapter l’environnement du patient et «instaurer un programme de journée clair et structuré, afin de lui éviter les événements qui pourraient le surprendre».

Une modification du cadre de vie par des ergothérapeutes peut aussi s’avérer fort utile en cas d’apathie, de même que l’établissement de listes de tâches à faire avec des rappels d’instructions par smarphone ou par « Mem-x » (petit appareil sur lequel on peut enregistrer des alertes).

Un cercle vicieux de la douleur

Le «syndrome douloureux régional complexe» est bien plus qu’une douleur. Une de ses formes résulte de la conjugaison d’une lésion cérébrale et d’un dysfonctionnement du système neuro-végétatif (qui régule certaines fonctions automatiques de l’organisme comme la circulation sanguine, la digestion, la respiration, etc.) qui s’alimentent l’un l’autre. Ils engendrent ainsi «un véritable cercle vicieux, explique Karin Diserens. Si une personne a un bras paralysé à la suite d’un AVC ainsi qu’un problème neuro-végétatif, son bras sera moins bien vascularisé et innervé et il s’adaptera encore moins bien à l’immobilité». Cela se traduit notamment par des douleurs persistantes au moindre toucher du membre. En outre, «le cerveau engendre des boucles de ressenti de la douleurs et d’angoisses qui peuvent finir par conduire au même syndrome dans l’autre bras». Il est nécessaire d’identifier rapidement le problème, car pour chaque symptôme, il existe des traitements de physiothérapie. «Par exemple, on positionne le bras vers le haut, sans l’attacher, mais en faisant un taping (à l’aide de bandages adhésifs élastiques) et éventuellement en posant une attelle», détaille la neurologue du CHUV. Il faut aussi, «et surtout en même temps», souligne-t-elle, prescrire des médicaments pour soulager la douleur (notamment, dans la phase aigüe, des antalgiques et des anti-inflammatoires comme des corticoïdes) et prendre en charge psychologiquement le patient. En cas de besoin, on peut y ajouter une approche cognitive – comme la thérapie par le miroir (qui consiste à faire bouger son bras sain devant une glace, afin de leurrer son cerveau). Sinon, précise Karin Diserens, «le bras touché est exclu du circuit cérébral et les douleurs, analogues à celles d’un membre fantôme, deviennent incontrôlables».

Lieux de vie adaptés

Une lésion cérébrale peut entraîner de nombreux autres troubles. Notamment une spasticité, «c’est à dire une exagération du réflexe d’étirement de muscles – du visage, du bras et de la jambe par exemple – qui fait que ceux-ci restent contractés», explique la spécialiste. Ou encore des problèmes urinaires (augmentation de la fréquence de la miction, besoin urgent d’aller aux toilettes ou incontinence). Sans compter une énorme fatigue qui «se manifeste fréquemment après une atteinte cérébrale», constate Armin Schnider.

Ces différentes séquelles peuvent bénéficier, dès la phase aiguë, de la neurorééducation. Toutefois, «celle-ci ne suffit pas toujours pour regagner une bonne qualité de vie et une complète autonomie, souligne Karin Diserens. Il faut ensuite que le patient, s’il ne peut retourner à domicile, puisse bénéficier de lieux de vie adaptés. Or ces structures, qui constituent le dernier maillon de la filière du patient neurolésé, ne doivent pas être négligées». Une dernière étape indispensable pour améliorer la vie d’après.

Le recours aux jeux vidéo et à la réalité virtuelle

La récupération des fonctions motrices ou cognitives nécessite de répéter à de multiples reprises le même mouvement ou le même exercice. Un bon moyen de motiver les patients est de faire appel à des jeux vidéo. Poussés par le désir de gagner, ils augmentent alors l’intensité de l’effort et en outre, poursuivent plus longtemps l’entraînement, ce qui est bénéfique sur le plan thérapeutique.

La réalité virtuelle est aussi mise à profit. «Elle permet par exemple à des personnes souffrant de problèmes d’attention, et qui ont donc des difficultés à se promener seules, de naviguer et d’explorer le paysage virtuel», constate Armin Schnider, médecin-chef du Service de neurorééducation des HUG. Ces technologies numériques commencent à être intégrées dans les programmes de neurorééducation. Elles sont actuellement en cours de test et de validation par la plateforme NeuroTech, créée il y a quatre ans par le CHUV.

Toutefois, ces outils «ne sont utiles que quand ils apportent un plus par rapport à la réalité», commente Armin Schnider. Ils ne sont donc pas destinés à remplacer les méthodes classiques de neuroréhabilitation, mais à les compléter.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 17/01/2021.

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