Le fléau du cancer du pancréas

Dernière mise à jour 20/11/24 | Article
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Le cancer du pancréas compte 1650 nouveaux cas par an en Suisse[1]. Un chiffre en augmentation ces dernières années, qui inquiète le corps médical, mais face auquel les pistes de recherche se développent. Le point sur cette maladie, considérée par certains comme une épidémie oncologique en devenir[2].

C’est une pathologie qui fait peur, et pour cause. Le cancer du pancréas est l’un de ceux présentant le plus sombre tableau. Seules 10 à 15 % des personnes touchées sont encore en vie cinq ans après le diagnostic. Une gravité qui tient à la particularité insidieuse de cette maladie, au pouvoir métastatique considérable. «Ce sont des tumeurs très agressives qui évoluent vite et sans bruit, explique le Pr Jean-Louis Frossard, médecin-chef du Service de gastroentérologie et hépatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). C’est le plus pervers des cancers, car ses symptômes surviennent seulement dans les quelques mois qui précèdent le décès.» Parmi les signes annonciateurs: perte de poids, douleur irradiant dans le dos, jaunisse parfois. Des symptômes qui restent peu spécifiques. 

Le pancréas, c’est quoi?

Organe digestif niché entre la rate et le duodénum, dans la partie supérieure de l’abdomen, le pancréas est une glande de 15 à 20 cm, pesant environ 50 g. Sa position anatomique, à l’arrière de l’estomac, le rend discret et difficile d’accès. Pourtant, il joue un rôle important dans l’organisme, car il interagit avec de nombreuses structures anatomiques environnantes. Le pancréas participe en effet à la digestion en sécrétant des sucs digestifs contenant des enzymes. Acheminées dans l’intestin grêle par le canal pancréatique, ces dernières permettent la décomposition des aliments pour que le corps puisse absorber les nutriments essentiels à son fonctionnement. D’un point de vue métabolique, le pancréas est également un acteur clé dans la régulation de la glycémie. Il contient en effet les cellules de Langerhans chargées de sécréter l’insuline, hormone nécessaire à la régulation du sucre dans le sang.

Outre les caractéristiques sournoises de ce cancer, un autre point inquiète les spécialistes: sa prévalence. En effet, de récentes données témoignent d’une augmentation fulgurante du nombre de cas dans la population, en particulier dans les pays industrialisés. En Suisse, tandis que 4000 cas étaient recensés entre 1980 et 1984, ce chiffre a doublé entre 2015 et 2019. Et les prévisions sont alarmantes: «Certaines études suggèrent que le cancer du pancréas dépassera le cancer du sein chez la femme en termes d’incidence d’ici quelques années», révèle le Pr Frossard. 

Des facteurs de risque identifiés

Un fait positif: les connaissances autour de cette maladie ont considérablement évolué ces dernières années, en particulier au sujet des causes et facteurs de risque. On sait aujourd’hui qu’entrent en jeu, dans l’apparition de la maladie, un âge avancé (six personnes sur dix ont plus de 70 ans au moment du diagnostic), le tabagisme (30 à 40 % des cas sont directement liés à la consommation de tabac), le diabète de type 2, l’exposition à certains pesticides notamment dans des régions vinicoles, ou encore l’obésité. Il a ainsi été relevé que les personnes avec un indice de masse corporelle supérieur (IMC)[3] à 30 voient leur risque de développer un cancer du pancréas s’élever de 50 à 60 %.

Souffrir d’une pancréatite chronique (lire encadré), maladie altérant de façon durable le pancréas, accroît également la possibilité qu’apparaisse ce cancer, tout comme des antécédents chez un membre de la famille au premier degré (père, mère, fratrie).

Une recherche qui avance lentement

L’un des grands obstacles dans le déploiement de nouvelles thérapeutiques et de méthodes diagnostiques réside dans le fait que, contrairement à d’autres cancers comme celui du sein ou de la prostate, aucun biomarqueur tumoral n’a pour l’instant été identifié pour la détection du cancer du pancréas. Or de telles molécules spécifiques se trouvant dans les cellules cancéreuses pourraient faciliter l’identification et le ciblage des tumeurs. «Un biomarqueur, le CA19-9, est parfois utilisé, mais il n’est pas optimal, car il manque de performance diagnostique et ne s’exprime pas chez tous les patients», souligne le Pr Frossard.

Parmi les pistes de recherche développées, la mise au point d’un test sanguin détectant dans la bile, et peut-être un jour dans le sang, des micro-signaux émis entre les cellules cancéreuses. «Il faudrait également réfléchir à des campagnes de dépistage chez les populations à risque, propose le spécialiste.Mais l’imagerie est peu performante pour détecter précocement une tumeur sur cet organe profond et difficile à atteindre.» Autre piste, il ressort que certaines personnes avec un cancer du pancréas présentent initialement une intolérance au glucose ou un diabète de type 2. Surveiller la fluctuation de la glycémie chez ces patients lorsqu’ils présentent par ailleurs une perte de poids inexpliquée permettrait de détecter plus rapidement la maladie. 

Peu de traitements à disposition

Une évolution rapide et sournoise, des difficultés à le diagnostiquer et… un manque d’arsenal thérapeutique efficace, qui vient compléter le sombre tableau du cancer du pancréas.

«Chez 80 % des patients, la tumeur n’est déjà plus opérable au moment du diagnostic, constate le Dr Thibaud Kössler, responsable de l’Unité des tumeurs digestives au Service d’oncologie des HUG. Il est possible de proposer de la chimiothérapie, qui aide surtout à limiter les symptômes et à freiner la progression, mais n’offre que rarement la guérison.» L’immunothérapie, révolution thérapeutique de ces dernières années qui a fait ses preuves pour d’autres types de cancers, s’avère, quant à elle, peu efficace pour les tumeurs du pancréas. «Du côté de la recherche, des travaux portent sur le ciblage de mutations spécifiques qui pourraient venir compléter les traitements actuels, explique l’expert. Des vaccins personnalisés sont également à l’étude.» 

En attendant que des résultats prometteurs permettent d’aboutir à des traitements efficaces, les patients peuvent bénéficier d’un programme de prise en charge globale et multidisciplinaire. «À l’annonce du diagnostic, nous proposons systématiquement un accompagnement alliant nutrition et activité physique, ainsi qu’un soutien psychologique», souligne le Dr Kössler. Un tel suivi personnalisé apporte un bénéfice sur la qualité de vie, après le choc que représente souvent l’annonce de la maladie.

La pancréatite, une autre maladie du pancréas

La pancréatite aiguë est une maladie fréquente, qui provoque notamment des douleurs soudaines et violentes au niveau de la ceinture abdominale, des nausées et vomissements, de la fièvre, des chutes de tension… La consommation d’alcool, certains médicaments, une prédisposition génétique ou encore un déficit immunitaire peuvent en être la cause. Elle est souvent liée à la présence de calculs biliaires qui obstruent le canal pancréatique et bloquent les sécrétions, provoquant une inflammation locale. Des pancréatites aiguës répétées peuvent provoquer, à terme, une destruction progressive du pancréas et mener à ce que l’on appelle une pancréatite chronique. Souffrir de cette pathologie expose à un risque accru de développer un cancer du pancréas.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 17/11/2024

[1] Source : Ligue suisse contre le cancer.

[2] https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2024/revue-medicale-suisse-884/cancer-du-pancreas-une-epidemie-oncologique-en-devenir

[3] IMC = poids (kg)/taille (cm)2

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