Cancer du sein: de l’onde de choc à la réconciliation avec soi-même
À la question de l’impact de l’annonce du diagnostic de cancer du sein, je réponds que:
En ce qui me concerne, j’ai cru que le radiologue parlait à quelqu’un derrière moi. Je me suis retournée, mais oui !!, nous n'étions vraiment que les deux dans la pièce. Puis «PAN» le choc. Ça y est, je prends le TGV en pleine figure. Puis un moment après, cent mille ans peut-être, t’as les yeux ouverts, mais tes pieds ne touchent plus terre. T’as l’impression que tu ne t’appartiens plus, tout à coup un co-locataire est venu squatter ton corps et une question: Pourquoi? Pourquoi moi?
Depuis cet instant, toute ma vie a basculé. Mon Dieu, mon fils, je suis en train d’en faire un orphelin. Mon cœur pleure, pleure, j’ai peur. Puis il y a «l’onde de choc» qui dure, qui dure. Toute l’armada médicale arrive et là, la prise en charge est telle que, encore une fois, j’avais l’impression de ne plus m’appartenir.
Ensuite, j’ai mis de l’ordre dans ma tête, afin de mieux gérer la situation et je me suis sentie libérée de pouvoir mettre un nom sur ce qui me fatiguait depuis un an.
Étape suivante: Le moment où je me réveille arrive; la réalité est bien là: il me manque un bout de moi. Je me sens trahie par ce sein que j’ai aimé, qui a été aimé, qui a nourri mon fils neuf mois durant, ce sein qui faisait partie intégrante de ma féminité, qui était fait de mes chairs. Je titube, je perds l’équilibre, pourquoi cette trahison?
Je perds un sein, puis les cheveux se font rares, la vue se trouble, la vision double, les infections dentaires envahissent le terrain, finalement mes dents deviennent aussi un souvenir, leur arrachage s’impose. Oui… J’ai la nette impression de me transformer en «RoboCop». Le Zoladex, en plus, me gratifie d’un cholestérol qui a pris l’ascenseur du jour au lendemain, accompagné d’une hypertension qui est dans le même ascenseur et qui, depuis, ne m’ont plus quittée. Tout un lot d’effets adverses dus à ce traitement, qui d’un côté me «sauve», mais qui de l’autre me démolit. Mais je vais me reconstruire, du travail m’attend.
Après la reconstruction chirurgicale, il m’a fallu une année pour prendre mon sein à pleine main. Jusque là, je m’occupais des cicatrices du bout des doigts. Du point de vue sexuel, rien, plus de libido, là aussi le choc et surtout «Pourquoi ne m’a-t-on pas avertie?».
À un moment donné, j’ai senti monter en moi une force qui m’a aidée à accepter ce cancer, mon nouveau sein, ma nouvelle vie si positive dans tous ses aspects. Aujourd’hui, je vis avec ce nouveau corps que j’ai appris à aimer. Ça n’a pas été facile tous les jours. Je pense surtout à la première fois où j’ai fait l’amour avec mon compagnon. Le haut du corps toujours couvert, j’avais la sensation d’être coupée en deux, et que durant l’acte je n’étais plus qu’un sexe, puisque le haut restait occulté. Oh, que je n’ai pas aimé ces instants. Heureusement, patiemment, nous avons réussi à trouver l’harmonie. Mais là aussi… que de travail, il faut insister encore et encore.
Dix ans après, je me suis réconciliée avec ce diagnostic, car il faut le dire: j’étais fâchée, très fâchée contre lui.
Étant donné que je n’aime pas le côté négatif de la vie, j’ai transformé cette immense fâcherie en un grand besoin d’aider des femmes diagnostiquées d’un cancer du sein. Je me sens bien dans ce rôle, il me donne la possibilité de faire plein de rencontres avec des personnes merveilleuses et, comme ma confiance en la vie est revenue, je peux leur en donner, à mon tour, et les soutenir dans les divers moments de leur parcours à travers cette maladie.
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