Prévenir la maladie de Parkinson grâce à un gène?
À la recherche de nouveaux traitements
«Nous avons de nombreux traitements contre les symptômes de la maladie de Parkinson, mais aucun médicament qui ralentisse ou arrête la mort neuronale, déclare le Pr Pierre Burkhard, médecin adjoint au Service de neurologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Beaucoup de molécules ont été testées pour leur effet neuroprotecteur, comme la vitamine E, mais pour l’instant, aucune n’a montré de bénéfices.» Du côté de la recherche, l’immunothérapie est prometteuse. Dans cette approche, un vaccin stimule le système immunitaire pour qu’il produise des anticorps chargés de détruire une protéine toxique liée à la maladie de Parkinson. Une méthode qui semble fonctionner chez le rongeur. Chez l’humain, une étude de ce type est en cours mais en injectant directement les anticorps. Une deuxième approche utilise des cellules souches: «Le but est de remplacer les neurones qui meurent en en transplantant de nouveaux. Ceux-ci proviennent de cellules de la peau que l’on transforme en cellules souches puis en neurones à dopamine. Trois études cliniques sont en cours dans le monde et les résultats sont très attendus», conclut le Pr Burkhard.
On a beau connaître la maladie de Parkinson depuis plus de 200 ans, ses causes exactes ne sont toujours pas identifiées et on ne peut en guérir. C’est la maladie neurodégénérative la plus fréquente après celle d’Alzheimer: en Suisse, elle touche environ 15’0000 personnes. Au cours de travaux publiés en mars, une équipe de scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) a découvert un gène chez la mouche du vinaigre qui, lorsqu’il est modifié pour être plus actif que la normale, protège les neurones contre Parkinson.
Un gène au rôle neuroprotecteur
Ce gène, appelé fer2,a d’abord été découvert lors d’une précédente recherche. Chez la mouche du vinaigre, une mutation le rend inactif et entraîne des troubles associés à ceux de la maladie de Parkinson. Cela ne veut toutefois pas dire que la mutation est directement responsable de la maladie. Par la suite, les scientifiques ont essayé de «surexprimer» le gène fer2 chez la mouche pour qu’il soit plus actif et produise davantage de protéines régulatrices. Résultat: «Les mouches étaient protégées contre des facteurs responsables de la maladie de Parkinson, comme le "stress oxydatif" ou des mutations génétiques. Une plus grande quantité de fer2 a donc prévenu la neurodégénérescence», relate Emi Nagoshi, professeure associée à l’UNIGE et responsable du laboratoire de neurosciences du comportement et neurodégénérescence, qui a conduit la recherche.
L’équipe de recherche a montré que la version saine de fer2 joue un rôle important dans la survie des neurones à dopamine, soit ceux qui sont détruits dans la maladie de Parkinson. «Ce gène est impliqué dans la régulation d’autres gènes, qui vont ensuite maintenir la santé des neurones. Plus précisément au niveau des mitochondries, les petites centrales à énergie de la cellule», poursuit Emi Nagoshi. Dans la maladie, les mitochondries sont endommagées, ce qui provoque la mort des neurones. Les scientifiques ont également découvert que ce gène avait un équivalent chez la souris et l’humain, Nato3. Quand il est muté, les souris âgées développent des troubles locomoteurs et leurs mitochondries sont anormales. «Nous essayons maintenant de savoir si une surexpression de ce gène chez la souris a le même effet neuroprotecteur que chez la mouche. Concernant l’humain, nous testons cette hypothèse en utilisant des cellules souches pluripotentes induites: des cellules de la peau reprogrammées pour donner des cellules souches, puis des neurones à dopamine. C’est la prochaine étape clé», confie la chercheuse.
Vers un nouveau traitement?
Si la recherche confirme que le gène découvert protège également les neurones chez l’humain, cela pourrait ouvrir la voie à un nouveau traitement contre la maladie de Parkinson. «Nous avons l’espoir que ce gène puisse être utilisé pour prévenir ou ralentir le développement de la maladie, déclare Emi Nagoshi. Mais avant tout, nous devons encore étudier les mécanismes de base et notamment trouver des marqueurs précoces de la maladie. Cela prendra du temps.»
Pour le Pr Pierre Burkhard, médecin adjoint au Service de neurologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), non impliqué dans cette recherche, «l’étude est intéressante, car elle apporte un nouveau candidat aux molécules que nous connaissons dans la maladie de Parkinson. Nous ne pouvons toutefois pas affirmer que ce gène protégera les neurones, car nous ne savons pas s’il est impliqué dans la maladie chez l’humain». À ce jour, les médicaments existants permettent de traiter seulement les symptômes. La plupart fonctionnent en augmentant la quantité de dopamine dans le cerveau, un neurotransmetteur impliqué dans le mouvement et qui fait défaut dans la maladie. Mais après quelques années, ces traitements sont moins efficaces et il est nécessaire de les délivrer via des pompes qui assurent un apport stable et constant. «Quand cela est de nouveau insuffisant, le dernier traitement possible est la stimulation cérébrale profonde: on opère le cerveau pour y implanter un neurostimulateur et des électrodes, ce qui restaure la motricité», explique le médecin.
La maladie de Parkinson, c’est quoi?
La maladie de Parkinson est caractérisée par une destruction lente et progressive des neurones produisant la dopamine dans le cerveau, indispensables pour le contrôle du mouvement. «Quand les premiers symptômes caractéristiques apparaissent (à 60 ans en moyenne), comme les tremblements, une rigidité et une lenteur des mouvements, la maladie est déjà installée depuis plusieurs années, explique le Pr Pierre Burkhard, médecin adjoint au Service de neurologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). L’évolution de la maladie dans le cerveau provoque ensuite des difficultés pour marcher ainsi que d’autres symptômes, comme une détérioration cognitive et des problèmes de tension artérielle.» On ne connaît toujours pas la cause exacte de la maladie. Si une minorité des cas peut être attribuée à une origine strictement génétique, on considère que la plupart sont dus à une combinaison de prédispositions génétiques, de l’âge et de facteurs environnementaux, comme une exposition à des pesticides. «On connaît en revanche des facteurs réduisant le risque de développer la maladie de Parkinson, comme une activité physique modérée régulière (si possible tous les jours) et la consommation quotidienne de café», précise l’expert.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 08/05/2022.