Maladie de Parkinson: l’espoir des cellules souches
Des membres raides et souvent secoués de tremblements, l’impression d’être dans un carcan: plus de 15’000 personnes en Suisse présentent ces symptômes moteurs, classiques de la maladie de Parkinson. Compte tenu du vieillissement de la population, on peut s’attendre à une augmentation du nombre de personnes affectées par ce trouble qui touche principalement les plus de 50 ans.
Pendant longtemps, on pensait que cette affection dégénérative était uniquement liée à la mort des neurones dits dopaminergiques, car ils produisent de la dopamine, un neurotransmetteur qui relaie le message nerveux vers la zone cérébrale contrôlant les mouvements. Toutefois, «ces dernières années, notre compréhension de la maladie a été bouleversée, explique le Dr David Benninger, médecin-adjoint responsable de l’Unité mouvements anormaux au service de neurologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). On sait maintenant que la dégénérescence est plus étendue: elle affecte des neurones non dopaminergiques et une multitude de régions du cerveau».
Quoi qu’il en soit, actuellement les traitements médicamenteux visent à pallier le manque de dopamine, principalement en utilisant son précurseur (la L-dopa), des molécules qui imitent ses effets (agonistes de la dopamine) ou diminuent sa dégradation (comme les inhibiteurs de la monoamine-oxydase B). Dans les phases avancées de la maladie, on peut aussi avoir recours à la stimulation cérébrale profonde (qui consiste à stimuler des zones profondes du cerveau en y implantant des électrodes).
Réparer les dommages cérébraux
Les traitements disponibles ne font toutefois qu’atténuer les symptômes moteurs. C’est pourquoi de nombreuses équipes à travers le monde cherchent de nouvelles thérapies susceptibles de ralentir, voire de stopper l’évolution de la maladie, ou encore de la faire régresser en réparant les dommages qu’elle provoque dans le cerveau. C’est cette dernière voie que des chercheurs japonais de l’université de Kyoto ont explorée en utilisant des cellules souches pluripotentes induites (IPS, pour induced pluripotent stem cells). Il s’agit de cellules adultes que l’on fait en quelque sorte «régresser» à l’état embryonnaire à l’aide d’une reprogrammation génétique. Elles redeviennent ainsi pluripotentes, c’est-à-dire capables de se multiplier à l’infini et de se différencier en produisant n’importe quel type de cellules. Elles ont en fait les mêmes potentialités que les cellules prélevées sur des embryons, mais leur avantage est de ne pas soulever de problèmes éthiques.
La méthode de fabrication des IPS a valu à son auteur, le Japonais Shinya Yamanaka, le prix Nobel de médecine en 2012. Les chercheurs de l’Université de Kyoto l’ont exploitée à leur tour pour produire des progéniteurs dopaminergiques. Ils en ont injecté cinq millions dans le cerveau de patients, avec l’espoir qu’ils se spécialiseront en neurones dopaminergiques.
Une première expérience avait été réalisée sur des singes atteints d’une forme de maladie de Parkinson auxquels on avait implanté des cellules souches d’origine humaine. Elle a montré qu’il était possible d’améliorer la capacité motrice des primates et que les cellules greffées survivaient pendant deux ans, sans qu’aucune tumeur n’apparaisse. Forts de ces résultats, les chercheurs japonais ont annoncé l’été dernier qu’ils avaient lancé un premier essai clinique sur sept volontaires âgés de 50 à 69 ans. Pour l’instant, on sait seulement que la transplantation s’est bien passée. Les personnes greffées seront suivies pendant deux ans et ce n’est qu’à l’issue de cette période que l’on saura si les cellules souches donnent les résultats escomptés.
Intervenir plus précocement
Le Dr Benninger remarque toutefois que l’expérience a déjà été tentée avec des cellules souches embryonnaires. «De nombreux essais ont été réalisés depuis vingt ans. Ils ont montré une certaine efficacité thérapeutique, puisque les cellules injectées ont produit de la dopamine. Toutefois, aucun d’entre eux n’a abouti.» Selon le neurologue, «vu la complexité des processus impliqués au départ de la maladie, restaurer des fonctions cérébrales en implantant des cellules souches paraît difficile, car la dégénérescence est alors trop avancée».
On sait en effet maintenant que ce processus commence bien avant l’apparition des premiers troubles moteurs. Les patients ont alors souvent des symptômes tels «qu’une altération de l’olfaction, des troubles du sommeil paradoxal ou encore des troubles végétatifs et émotionnels». Il faudrait donc pouvoir intervenir plus précocement. L’idée serait d’identifier les personnes à risque (par exemple celles qui, dans leur famille, comptent plusieurs personnes touchées par la maladie) puis, en se fondant sur ces symptômes précurseurs, de «repérer celles qui développent le processus de dégénérescence».
Pour le moment, on ne pourrait leur proposer que les traitements classiques. Mais à l’avenir, la situation devrait changer. Les progrès de la génétique ayant permis d’identifier de nombreuses mutations et de mieux comprendre les mécanismes qui contribuent au développement de la maladie, l’approche consisterait à les cibler. On pourrait ainsi voir émerger, conclut le Dr Benninger, «une médecine personnalisée fondée sur le profil génétique de chaque patient».
D’autres pistes explorées
Les recherches se déploient tous azimuts pour élaborer de nouvelles thérapies contre la maladie de Parkinson. Certaines font déjà l’objet d’essais cliniques, notamment:
La thérapie génique
Pour pallier le manque de dopamine dont souffrent les patients, des médecins français de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (banlieue parisienne) leur ont injecté des gènes indispensables à la fabrication du neurotransmetteur. Un premier essai clinique a été réalisé en 2014 sur quinze personnes atteintes d’une phase avancée de la maladie. D’après les médecins, les symptômes moteurs ont été améliorés chez tous les patients jusqu’à un an après l’administration du traitement.
L’immunothérapie
Chez les personnes souffrant de la maladie de Parkinson, les protéines alpha-synucléines présentes dans le cerveau ont tendance à s’agréger de façon anormale dans les neurones dont elles provoquent la dégénérescence. L’immunothérapie vise à aider le système immunitaire à réduire ces amas de protéines.
Pour cela, des neurologues français de l’hôpital de Nantes ont entrepris d’injecter des anticorps monoclonaux (composants du système immunitaire artificiels produits en laboratoire). Un premier essai mené sur des volontaires sains ayant montré que la thérapie était bien tolérée, les chercheurs viennent de lancer un essai clinique international de phase II. «L’immunothérapie offre une voie prometteuse, commente le Dr David Benninger, neurologue au CHUV. Il est possible qu’en se débarrassant de ces dépôts, on arrive à ralentir, voire à arrêter ce processus d’accumulation.»
Les thérapies du futur, le neurologue les voit dans une combinaison de ces techniques avec les traitements conventionnels. A défaut de vraiment guérir la maladie, «cela permettrait aux patients de maintenir leur autonomie, de poursuivre leurs activités quotidiennes et d’améliorer leur qualité de vie pendant une plus longue période».
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Paru dans Le Matin Dimanche le 13/01/2019.