Maladie de Parkinson, l’appendice en ligne de mire
La maladie de Parkinson est caractérisée par la présence dans le cerveau de protéines alpha-synucléine agrégées, qui conduisent à la destruction des neurones dopaminergiques. Mais tout pourrait commencer bien avant… dans l’intestin! Depuis le milieu des années 2000, plusieurs études, menées chez l’homme ou sur des modèles animaux, ont apporté des éléments pointant dans cette direction. De nouveaux travaux, publiés dans la revue Science Translational Medicine, apportent une nouvelle pierre à l’édifice. Ils mettent en évidence une diminution du risque de développer la maladie de Parkinson de 19 à 25% chez les personnes qui ont subi une appendicectomie dans leur jeunesse.
Réservoirs d’alpha-synucléine
«Ces travaux renforcent l’hypothèse d’un début périphérique de la maladie de Parkinson, en dehors du cerveau, avec un rôle important de l’appendice, commente la Dre Vanessa Fleury, neurologue dans le Service de neurologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). La grande force de cette étude est d’avoir analysé les données issues d’un registre de plus de 1,6 million de personnes.» Les auteurs se sont en effet appuyés sur le Registre national suédois des patients, qui compile de nombreuses informations de santé sur les citoyens suédois depuis 1964. Ils ont également utilisé les données du Parkinson’s Progression Markers Initiative, qui rassemble diverses informations biomédicales au sujet de patients atteints de la maladie.
Pour mieux comprendre la signification de leurs résultats, les scientifiques ont également mené des analyses histologiques et biologiques sur des appendices provenant de personnes en bonne santé et de patients atteints de Parkinson. De l’alpha-synucléine anormale a été mise en évidence dans l’appendice, que les personnes soient atteintes ou non de la maladie de Parkinson. «C’est très intéressant de voir que cette protéine dans sa forme anormale est présente chez la personne saine, et même chez les jeunes, souligne la Dre Fleury. L’appendice serait un réservoir d’alpha-synucléine qui, suite à un ou des évènements encore inconnus, pourrait migrer vers le cerveau et aboutir à une maladie de Parkinson.»
De précédents travaux ont en effet avancé l’hypothèse d’un déplacement de l’alpha-synucléine depuis l’intestin vers le système nerveux central, via le nerf vague. «On serait face à une propagation de cellule à cellule, un peu comme cela se produit pour une infection à prions (ndlr, agent infectieux responsable de maladies neurodégénératives)», précise la Dre Fleury. La spécialiste rappelle que l’appendice ne serait pas seul en cause: des «réservoirs» d’alpha-synucléine ont été identifiés dans diverses régions du tube digestif, notamment dans les glandes salivaires (lire encadré).
Interface avec l’environnement
Les causes de la maladie de Parkinson ne sont aujourd’hui toujours pas connues, mais il semble de plus en plus évident qu’elle résulte d’interactions complexes entre des facteurs de vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux. Ces derniers restent en grande partie à identifier, mais l’exposition aux pesticides a notamment été mise en cause. «Le tube digestif est en contact permanent avec l’extérieur, via ce que nous mangeons, buvons et même respirons, et ce rôle d’interface pourrait expliquer son implication dans la maladie de Parkinson», observe la Dre Fleury.
Le tube digestif est d’ailleurs lui aussi touché par la maladie de Parkinson, et les neurones entériques (situés dans l’intestin) pourraient être les premières victimes de la maladie. Il est en effet aujourd’hui reconnu que longtemps avant la survenue des symptômes moteurs, caractéristiques de cette pathologie, les patients peuvent manifester des symptômes moins spécifiques (appelés prodromes), parmi lesquels la constipation est très fréquente. «Les recherches sur l’axe cerveau-intestins dans la maladie de Parkinson sont assez récentes, rappelle Vanessa Fleury. Nous disposons déjà de beaucoup d’éléments, mais il faudra encore du temps pour assembler les pièces de ce puzzle.»
Mieux comprendre le rôle du microbiote buccal
Des perturbations du microbiote intestinal ont été rapportées chez les patients atteints de Parkinson, sans que l’on sache si ces «dysbioses» (ou déséquilibre) sont la cause ou la conséquence de la maladie. Mais les recherches sur le sujet s’intensifient. Une équipe des hôpitaux universitaires de Genève (HUG) a choisi d’investiguer le rôle du microbiote buccal. «La bouche est un lieu stratégique. C’est la porte d’entrée d’agents extérieurs véhiculés par la nourriture, les liquides et l’air, rappelle la Dre Vanessa Fleury, neurologue aux HUG. De plus, la population bactérienne de la bouche joue un rôle important dans la protection contre la colonisation par des micro-organismes pathogènes. Enfin, les glandes salivaires sont connues pour être riches en alpha-synucléine anormale, les fameuses protéines (lire article principal), chez les patients parkinsoniens.» Vingt volontaires et vingt patients atteints de Parkinson ont accepté de fournir des échantillons biologiques et de subir un examen bucco-dentaire approfondi pour cette étude, dont les premiers résultats devraient être disponibles dans les prochains mois.
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Paru dans Planète Santé magazine N° 33 - Mars 2019