Du nouveau pour traiter l'eczéma
Reconnaissable à ses plaques rouges, sèches et source d’intenses démangeaisons, la dermatite atopique existe à des degrés divers. Se limitant chez certains à des crises relativement discrètes et ponctuelles, elle peut chez d’autres considérablement nuire à la qualité de vie en raison de son ampleur et de son intensité. Ce que l’on sait d’elle? «Il s’agit d’une maladie inflammatoire, complexe, chronique, multifactorielle, avec une composante génétique. Si elle apparaît généralement dès la première année de vie, elle peut aussi se manifester à l’âge adulte. Le diagnostic s’avère alors plus complexe, notamment pour écarter une autre pathologie ou un eczéma de contact, découlant d’une allergie à certains produits ou métaux par exemple», explique la Dre Teofila Caplanusi, cheffe de clinique au Service de dermatologie et vénéréologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Et d’ajouter: «À ce jour, on ne sait pas l’éradiquer, mais une révolution est en marche avec l’arrivée de nouveaux traitements pour les cas sévères. Il s’agit de médicaments dits "biologiques".»
Mécanismes à l’œuvre
Les bons réflexes
Fragilisée et souvent déshydratée, une peau atteinte de dermatite atopique nécessite une attention au quotidien. Les conseils de la Dre Teofila Caplanusi, cheffe de clinique au Service de dermatologie et vénéréologie du CHUV.
- Utiliser des produits de douche adaptés: sans parfum ni savon, hypoallergéniques et spécifiés pour peau sensible.
- Ne pas se laver à l’eau trop chaude ou trop froide.
- Pour le séchage, tapoter la peau sans la frotter.
- Appliquer au moins une fois par jour une crème hydratante et émolliente adaptée.
Pour comprendre l’objectif des traitements à disposition, y compris les plus récents, un rapide détour par les mécanismes à l’œuvre dans une peau atteinte de dermatite atopique s’impose. «Souffrant d’un déficit en filaggrine, une protéine impliquée dans l’intégrité de la barrière cutanée, la peau ne peut plus assurer ses missions protectrices habituelles», résume la Dre Yassaman Götti-Alipour, cheffe de clinique au Service de dermatologie et vénérologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Les conséquences sont alors multiples: la peau se fragilise elle-même et desquame, elle laisse «sortir» plus d’eau qu’elle ne devrait par évaporation – ce qui contribue à son desséchement –et, dans le même temps, laisse pénétrer plus facilement les allergènes. Alerté, le système immunitaire intervient pour lutter contre cette «invasion» et déclenche l’inflammation, visible aux rougeurs et gonflements de la zone en question.
Première lignede traitements
La mission des traitements, on le devine: renforcer la barrière cutanée – grâce notamment à des soins hydratants (lire encadré) – et calmer l’inflammation – par le biais, en premier lieu, de dermatocorticoïdes, autrement dit de crèmes à base de cortisone. «Ces deux approches simultanées constituent la base du traitement qui pourrait, à elle seule, endiguer les crises dans 80 à 90% des cas. Malheureusement, cette "première ligne" n’est pas pleinement optimisée», déplore l’experte. En cause: une routine de soins quotidiens parfois négligée, notamment quand la peau semble apaisée (elle a pourtant toujours un besoin accru en hydratation), mais également une «corticophobie» croissante. «De nombreux patients ont une telle peur de la cortisone et de ses effets secondaires (prise de poids en particulier) qu’ils rejettent les crèmes qui en contiennent ou les utilisent en limitant tellement les doses qu’elles en deviennent inefficaces, constate la Dre Götti-Alipour. Or ces crèmes n’exposent pas aux mêmes effets secondaires que les traitements par voie orale si elles sont utilisées selon les recommandations médicales. Celui qui pourrait survenir le plus fréquemment est un amincissement de la peau sur la zone traitée, mais cet effet est réversible.»
Autre axe de traitement pour apaiser l’inflammation: la photothérapie. «Elle ne remplace pas la première ligne de soins, mais la renforce ponctuellement si celle-ci n’est pas suffisante», indique l’experte. En pratique, elle nécessite deux à trois séances par semaine au sein de structures adaptées, sous contrôle médical strict. «La photothérapie est très efficace, mais exigeante en termes de temps», précise la Dre Caplanusi.
Apaiser le système immunitaire
Parfois, cependant, ces diverses approches ne suffisent pas. C’est là qu’entrent en jeu des traitements ciblant directement le système immunitaire. Si la cyclosporine, immunosuppresseur se présentant sous forme de comprimés, existe depuis de nombreuses années, son usage reste limité dans le temps en raison de possibles effets secondaires (hypertension artérielle, atteintes rénales, etc.). En revanche, un immense espoir repose sur de tout nouveaux médicaments: les traitements biologiques (disponibles depuis 2018) et ceux dits «à petites molécules» (prescrits pour la dermatite atopique depuis 2021). La spécificité des premiers, anticorps monoclonaux connus sous les noms de Dupilumab, Tralokinumab ou encore Lebrikizumab: cibler une seule molécule impliquée dans l’inflammation pour l’apaiser. «Délivrés deux fois par mois sous forme d’injections, ils sont jugés très efficaces et ne présentent comme principal effet secondaire qu’un risque de conjonctivite bénin et réversible», résume la Dre Caplanusi. Concernant les traitements dits «à petites molécules», il s’agit d’inhibiteurs de JAK, du nom des voies d’inflammation qu’ils ciblent. Ayant plusieurs champs d’action, ces médicaments, pris par voie orale, sont potentiellement très efficaces, mais peuvent aussi exposer à davantage d’effets secondaires.
«Bien sûr, ces nouveaux traitements sont discutés au cas par cas, avec les patients, selon l’état de santé, les antécédents et le parcours de la vie avec la maladie. Ils n’en sont pas moins révolutionnaires et ouvrent la voie à des perspectives inédites poursoulager les cas sévères», conclut la Dre Götti-Alipour.
Eczéma, allergie alimentaire, asthme, rhinite allergique: souvent, tout est lié!
On appelle le parcours au travers ces différentes affections «lamarche atopique», du nom de l’atopie elle-même, qui désigne une prédisposition génétique à l’allergie. Ainsi, dans de nombreux cas, ce n’est pas un hasard si une personne, le plus souvent dès l’enfance, souffre à la fois d’eczéma, d’allergie alimentaire, puis d’asthme et de rhinite allergique. Et pour cause, ces quatre pathologies ont non seulement des origines (génétiques, entre autres) communes, mais également des apparitions découlant les unes des autres. «Le plus souvent, la dermatite atopique se profile d’abord, dès les premiers mois de vie, et connaît un pic durant les deux premières années. Durant cette période, elle favorise le passage des allergènes dans la peau, ce qui est propice à l’apparition d’allergies alimentaires. Un peu plus tard dans la vie, ce terrain allergique favorise également l’asthme et la rhinite allergique», résume la Dre Yassaman Götti-Alipour, cheffe de clinique au Service de dermatologie et vénérologie des HUG.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 11/02/2024
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De la peau sèche à l’eczéma
Dermatite atopique
Une peau sèche avec des plaques rouges, parfois suintantes, sur une ou plusieurs zones du corps, qui s’accompagne par de fortes démangeaisons. La dermatite atopique, plus connue sous le nom d’eczéma atopique, est une affection fréquente de la peau. En raison de l’inconfort qu’elle entraîne et de son impact sur l’image de soi, elle peut être vécue comme invalidante par ceux qui en souffrent. Environ 60% des patients développent la maladie au cours de leur première année de vie et 90% dans les cinq premières années. Si les symptômes ont tendance à s’atténuer, voire à disparaître avec l’âge, dans 10 à 30% des cas, ils persistent à l’âge adulte.