Quand les microbes protègent de l’asthme
Depuis quelques années, la façon d’envisager la prévention des allergies a complètement changé. Autrefois, la Faculté préconisait de préserver les enfants des infections, du contact avec les animaux… bref, de les maintenir dans le milieu le plus aseptisé possible pour éviter les allergies. Aujourd’hui, la théorie dite «hygiéniste» recommande le contraire. De nombreuses études ont en effet montré que les enfants mis au contact de différents virus et bactéries développaient moins d’allergies et d’asthme que les autres. Vive la crèche et ses rhumes récurrents donc, les animaux domestiques, le lait cru, les vaccins et la course à quatre pattes dans un environnement pas trop astiqué!
Une nouvelle étude1), réalisée par Benjamin Marsland du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et soutenue par le Fonds national suisse, donne de nouvelles pistes allant dans le sens du courant hygiéniste. Ce travail a montré, sur des souris, que les bactéries colonisant les poumons avaient un effet protecteur sur l’asthme allergique.
Des souris…
L’équipe de Benjamin Marsland a exposé des souris à de la poussière domestique contenant des acariens, allergisant bien connu. Elle a comparé la réaction d’animaux à peine nés avec celle de souris un peu plus âgées. Les plus jeunes, dont les poumons ne comprenaient pas encore de flore bactérienne, ont eu des réactions allergiques beaucoup plus fortes que leurs aînées, dont l’organe respiratoire était déjà colonisé par différents microbes. Conclusion, cette flore rendrait les souris moins enclines à développer des allergies.
Une hypothèse renforcée par une autre observation: les souris volontairement préservées du contact avec les microbes, et donc dépourvues de cette précieuse flore, restaient sensibles toute leur vie à l’asthme allergique. Pourquoi? Parce que l’essentiel du processus de colonisation microbienne des poumons – et de ce fait l’éducation des cellules immunitaires qui y résident – se fait pendant les deux premières semaines de vie des souris. Si, comme le pensent les chercheurs, la présence de microbes dans les poumons est garante d’une bonne santé des voies respiratoires, cette période représente alors une véritable fenêtre d’opportunité pour la prévention de l’asthme allergique.
«Il semble qu’il existe, dans les premiers stades du développement, un créneau pendant lequel se décide la question de savoir si l’individu souffrira ou non d’asthme plus tard dans sa vie», confirme Benjamin Marsland.
…et des hommes?
L’individu? Il s’agit là de recherche fondamentale et l’extrapolation de la souris à l’individu peut sembler un peu rapide.
Pour l’instant, la réflexion s’appuie essentiellement sur les recherches effectuées depuis quelques années déjà sur les enfants nés dans les fermes. Elles ont montré que leur proximité avec les animaux, le bétail, en particulier les porcs qui peuvent transmettre leurs parasites, la consommation de lait cru, l’allaitement maternel, leur donnaient une meilleure protection contre l’asthme. Mais l’effet protecteur de cet environnement ne se produit que «si ces contacts se passent dans la première année de vie de l’enfant, ce qui montre bien l’existence d’une fenêtre d’opportunité dans les premiers moments de la vie», souligne Eva Gollwitzer, co-auteur de l’étude sur les souris et l’asthme.
«Par ailleurs, il y a des études pilotes sur les nouveau-nés de néonatologie en Suisse et en Nouvelle-Zélande pour déterminer quelles sont les bactéries présentes dès la naissance dans les poumons. Ces travaux nous donnent également à penser qu’il existe des parallèles entre l’être humain et la souris», poursuit la chercheuse.
Il s’agit toutefois de nouveau-nés intubés qui développent d’autres bactéries qu’un bébé n’ayant pas besoin d’assistance. La recherche doit donc se poursuivre chez l’humain. Une étude longitudinale est d’ailleurs sur le point de débuter pour voir comment le microbiote des poumons se développe au cours du temps.
Malgré tout, ces recherches renforcent l’idée que l’enfant doit être exposé à différents microbes à un moment clé pour qu’il puisse développer ses défenses immunitaires.
Un régime riche en fibres protège contre l’asthme allergique
Pour Benjamin Marsland, l’augmentation des cas d’asthme ces dernières années est trop rapide pour avoir une cause génétique. Il faut donc chercher des explications dans notre mode de vie et en particulier dans notre alimentation.
Le régime alimentaire occidental a en effet considérablement changé, en se tournant vers une alimentation industrielle riche en graisses mais pauvre en fibres. Or les fibres alimentaires que l’on trouve dans les légumineuses, les céréales complètes, les fruits et légumes, semblent jouer un rôle important dans la prévention des allergies.
Dans une étude soutenue par le Fonds national suisse2, le professeur et son équipe ont soumis deux groupes de souris à des régimes différents; l’un contenant 4% de fibres, l’autre 0,3% (ce dernier pourcentage étant comparable à celui contenu dans le régime alimentaire occidental actuel). Puis les chercheurs ont exposé les rongeurs à un allergène, un extrait d’acariens se trouvant dans la poussière domestique. Les souris soumises à un régime pauvre en fibres alimentaires ont développé une réaction pulmonaire allergique plus forte que les autres. Ce qui implique une augmentation du risque de développer de l’asthme.Comment est-ce possible? En fait, les bactéries intestinales transforment les fibres alimentaires en molécules essentielles à l’organisme, les acides gras à chaîne courte, qui sont ensuite transportés dans le corps par le sang. Au contact d’un allergène, ces molécules ont la faculté étonnante de modifier certains types de cellules immunitaires générées dans la moelle osseuse. Des cellules qui migrent ensuite vers les poumons où elles déclenchent une réaction de défense plus modérée, diminuant ainsi le risque d’asthme.
On savait déjà qu’un régime riche en fibres jouait un rôle important dans la prévention du cancer du côlon, mais on ignorait que l’influence des bactéries intestinales pouvait s’étendre aux poumons, résume le professeur.
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1. Lung microbiota promotes tolerance to allergens in neonates via PD-L1. Nature Medicine. doi: 10.1038/nm3568.
2. Gut microbiota metabolism of dietary fiber influences allergic airway disease and hematopoiesis through GPR41. Nature Medicine. doi: 10.1038/nm.3444. Aurélien Trompette, Eva Gollwitzer, Koshika Yadava, Anke K. Sichelstiel, Norbert Sprenger, Catherine Ngom-Bru, Carine G. Blanchard, Tobias M. Junt, Laurent P. Nicod, Nicola L. Harris, Benjamin J. Marsland (2014).
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